Dans un monde fondé sur l’image de la femme empreinte de féminité, le défi se pose pour les femmes à haut potentiel d’articuler leur intelligence et de se faire accepter comme telles. Auteure du livre La Femme Surdouée, Monique de Kermadec, psychologue clinicienne, met en lumière les clés d’optimisation de ce potentiel qui permettront aux femmes d’assumer le rôle qu’elles pourraient avoir dans notre société pour le bénéfice de tous.
Qu’est-ce qui caractérise la femme à haut potentiel ?
Monique de Kermadec : Il y a trois entités que l’on retrouve chez les surdoués en général, les femmes comme les hommes : l’intensité, la complexité et l’urgence à agir. Les femmes vivent différemment ce haut potentiel parce que l’on vit dans une société où les attentes et les conditions sont différentes selon le genre. Ces femmes vivent une différence accrue parce qu’elles ne correspondent ni à la norme masculine, ni à la norme féminine classique. Elles sont différentes mais surtout, elles ont beaucoup à apporter. Certains traits de personnalité sont exacerbés chez les femmes à haut potentiel.
Comment s’adapte-t-elle dans une société où le modèle de la femme intelligente est aliéné ?
M.d.K : Si tous les surdoués se sont sentis différents à un moment de leur vie, les femmes surdouées ont abordé la vie, de l’école à l’emploi, dans cette impression constante de ne pas rentrer dans le moule de la société. D’une grande sensibilité et excitabilité, elles sont guidées par leur passion. Malgré l’évidence de leur haut potentiel, la plupart de ces femmes passent par un grand manque de confiance en elles. Il peut leur arriver d’essayer de se transformer pour répondre à ce qu’elles pensent que les autres attendent d’elles. Ces femmes sont porteuses d’une richesse féminine dont la société et le monde de l’entreprise ont besoin.
À quels défis est confrontée la femme à haut potentiel ?
M.d.K : Le premier défi, c’est surmonter le stéréotype de la femme intelligente. Les femmes ont des règles de communication différente des hommes. Dès l’enfance, elles ont appris à mettre des mots sur toutes choses, et n’ont pas nécessairement le même esprit de compétition ou d’ambition personnelle que les hommes. Le défi est de trouver la juste charge de travail car elles sont perfectionnistes et ont tendance à vouloir faire plus. En entreprise, les femmes travaillent souvent plus que leurs homologues masculins, non pas parce qu’on leur demande mais parce qu’elles ont le sentiment qu’elles sont obligées de donner plus. Elles ont comme défi ce besoin permanent de s’adapter. Les jeunes femmes qui débarquent dans l’entreprise ou les entrepreneures qui tentent d’obtenir des fonds ont bien plus de défis à relever que les hommes de leur âge. Elles doivent se battre constamment.
Dans ce souci d’adaptation, quels sont les pièges à éviter ?
M.d.K : Il est essentiel pour les femmes à haut potentiel d’être attentives à leurs besoins. En entreprise, elles doivent user de diplomatie et être attentives aux hyper-réactions en cas de désaccord, pour mieux se faire entendre. Le perfectionnisme dont elles font preuve les amène à être intransigeantes envers elles-mêmes et parfois à l’égard des autres. Si elles ne sont pas conscientes de leurs facilités, elles peuvent être tentées d’exiger de leurs collaborateurs des choses qu’ils ne sont pas à même d’apporter. Il est donc important d’avoir conscience de sa différence pour mieux gérer les relations avec les autres. Dans le cadre de l’entreprise, les femmes font face à un piège récurrent : la manière de s’énoncer. Ce qui est dit va avoir un impact parfois mal perçu, car si un homme affirmé est synonyme de force, une femme qui s’affirme est souvent vue de manière négative. Il y a un regard et un jugement différent sur la façon de se comporter avec les autres lorsqu’on est une femme.
Comment se positionne la femme à haut potentiel dans l’entreprise ?
M.d.K : Les femmes à haut potentiel présentent des atouts majeurs dans le management en entreprise. Dotées d’une intelligence émotionnelle et relationnelle, elles comprennent mieux leur interlocuteur. L’empathie dont elles font preuve est importante dans la gestion des équipes. Il n’y a pas de règle de conduite prédéfinie. Ce qui compte, c’est obtenir la meilleure collaboration entre les hommes et les femmes de l’entreprise. L’empathie est au centre du management d’entreprise. Les femmes à haut potentiel sont bonnes pour l’entreprise parce qu’elles ont plein d’idées. De ces idées, elles voient les possibilités et les conséquences de ces possibilités. Elles vont bien souvent plus loin que les hommes dans l’analyse des options quant à l’approche d’un projet et reposent notamment sur leur intuition. Si on ne gère pas une entreprise seulement sur l’intuition à la faveur d’une analyse plus logique, celle-ci demeure prépondérante. Dans la gestion qu’elles opèrent, les femmes s’intéressent à la dynamique du groupe et à y créer des liens positifs, ce qui passe notamment par la valorisation des collaborateurs.
Comment la femme à haut potentiel évolue-t-elle dans la société ?
M.d.K : En tant que femmes, nous hésitons moins à nous redéfinir. En dehors du travail, elles passent par des étapes de recentrage tout au long de leur vie. Les femmes ont un rapport au temps et une redéfinition d’elles-mêmes au travers du temps qui leur est propre et que les hommes ne vivent pas du tout de la même manière. Les acquisitions majeures se sont faites dans la deuxième partie du XXè siècle, lorsque les femmes ont obtenu le contrôle des naissances, la possibilité de faire des études longues et d’être indépendantes financièrement. Aujourd’hui, les jeunes femmes qui sortent de leurs études ont le sentiment que les opportunités sont les mêmes mais elles sont encore confrontées à certains écarts que l’on essaye de plus en plus de faire disparaître. Il y a encore des progrès à faire, et ils sont en train de se faire. La société change et si le rapport femme-homme évolue, les conditions de travail évolueront également. Si des initiatives à l’image du Forum de la femme reconnaissent et encouragent les jeunes générations de femmes qui entrent dans le monde du travail, il faut que celles-ci gardent à l’esprit que tout n’est pas acquis. La réduction des inégalités et des stéréotypes est quelque chose que l’on construit sur le terrain. L’intérêt est de présenter un rapport équitable de collaboration, avec des atouts masculins et des atouts féminins.
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