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Clarisse Angelier, Déléguée Générale De l’Association Nationale Pour La Recherche Et La Technologie

Clarisse Angelier - Déléguée générale de l’Association nationale pour la Recherche et la Technologie
Clarisse Angelier - Déléguée générale de l’Association nationale pour la Recherche et la Technologie

Clarisse Angelier de formation Ingénieure et Docteur ès Sciences des matériaux est, depuis 2016, la première femme à diriger l’Association nationale pour la Recherche et la Technologie depuis sa création en 1953. En 2007, elle prend la direction du service Cifre à l’ANRT où elle met en place un concours annuel pour donner aux doctorants Cifre l’envie de créer leur entreprise. Son ambition pour l’association ? « Réunir et fédérer tous les acteurs de la recherche et de l’innovation au service des entreprises et de leur croissance »

Quelle est la raison d’être de l’ANRT ?

Clarisse Angelier : L’ANRT a pour mission de permettre à des entreprises, des universités et des organismes publics de recherche d’unir leurs forces pour stimuler les partenariats de recherche public-privé et accroître l’efficacité du système français de recherche et d’innovation. Nos actions visent à promouvoir la coopération entre les entreprises et les laboratoires dans toutes les disciplines et tous les secteurs industriels et d’influer sur les orientations politiques en matière de recherche, tant en France qu’en Europe.

Peut-on parler d’intelligence collective ?

C.A : C’est exactement l’ambition de l’ANRT. C’est pourquoi elle regroupe aussi bien des Directeurs R&D que des scientifiques ou des Directeurs Marketing. Nous comptons plus de 350 adhérents personnes morales qui regroupent près de 5000 personnes physiques : au côté d’universités, d’organismes et de structures d’appui et de conseils, on compte 20 % de grands groupes et 24 % de PME et ETI. L’ensemble représente de l’ordre de 75 % de l’effort de recherche en France.

Quels sont ses axes de travail ?

C.A : Elle a un triple objectif : la création de valeur, la création d’emplois et l’intention d’encourager l’innovation. L’association a également un rôle d’influenceur : elle a vocation, et ce dès son origine, à être un lieu d’observation et de recommandation multisectoriel pour les pouvoirs publics nationaux et européens. Lors de sa création au début des années 1950, une telle démarche était assez visionnaire. Le monde académique travaillait encore peu avec le secteur privé. Depuis, ces deux mondes se sont rapprochés et interagissent avec une belle proximité. Il est vrai que dans un monde de plus en plus concurrentiel où les mutations sont accélérées par la transformation numérique, l’IA et le big data, nous devons mettre nos intelligences et nos énergies au service des entreprises et de leur croissance.

Il est vrai que dans un monde de plus en plus concurrentiel où les mutations sont accélérées par la transformation numérique, l’IA et le big data, nous devons mettre nos intelligences et nos énergies au service des entreprises et de leur croissance.

Comment définiriez-vous vos missions ?

C.A : Nous avons défini quatre piliers d’actions : Informer, Echanger, Influer et Former. L’information se diffuse grâce à notre bulletin de veille hebdomadaire mais aussi via des rencontres avec des dirigeants français ou étrangers, des présentations de travaux en cours de doctorants, des colloques et de nombreuses réunions en petits groupes qui favorisent des échanges plus en profondeur. Quant aux interactions entre les membres, elles permettent la confrontation des idées, la création de liens et le partage d’autres réflexions. L’ANRT a également un rôle dinfluenceur du système français et européen de recherche et d’innovation via des groupes de réflexion et des Clubs comme le Club Europe, Innovation et Compétitivité ou le Club FutuRIS. Enfin, l’ANRT s’investit beaucoup dans son rôle d’appui à la formation des docteurs.

Vos moyens d’action varient-ils en fonction de la nature de vos membres ?

C.A : Bien sûr, et cela dans nos trois grandes lignes stratégiques : le dispositif Cifre, le Benchmark et la prospective proposés par FutuRIS et Europe-Innovation & Compétitivité. Pour l’ANRT, la formation des scientifiques recouvre le dispositif Cifre (Conventions Industrielles de Formation par la Recherche) qui regroupe aujourd’hui plus de 4000 doctorants.

Pendant 3 ans, les doctorants réalisent leurs travaux de thèse dans le cadre de la coopération entre une entreprise, qui les recrute, et leur laboratoire académique de rattachement. Les sujets sont en lien direct avec les problématiques des entreprises qui les emploient. C’est du gagnant-gagnant : l’entreprise bénéficie à la fois de l’expertise du doctorant et du laboratoire pour ses projets de recherche en lien direct avec leur développement de business et le doctorant, lui, se confronte aux contraintes d’une entreprise : prise en compte des délais et des budgets et pertinence de sa recherche pour s’adapter aux réalités économiques de l’entreprise.

Cela fonctionne parfaitement : un bon tiers de doctorants intègrent l’entreprise qui les a accueillis, un autre tiers choisissent une autre entreprise ou même créent leur propre entreprise. Au final, on observe 95 % d’insertion professionnelle en privé ou en public. Ceux qui retournent dans la recherche académique sont également sensibilisés et plus enclins à établir des partenariats avec le privé. Il est à noter que contrairement à certaines idées reçues, ce sont les PME qui sont les plus actives sur ce dispositif.

 

Départ des 24H chrono de l’entrepreneuriat® édition spéciale doctorants Cifre les 8 et 9 septembre 2017
Départ des 24H chrono de l’entrepreneuriat® édition spéciale doctorants Cifre les 8 et 9 septembre 2017

 

Les deux autres grandes lignes stratégiques concernent davantage votre mission de renforcement de la recherche et de l’innovation ?

C.A : En effet. Le service Europe, Innovation et Compétitivité permet des échanges entre les membres pour mieux aborder les programmes européens, le Crédit impôt recherche, la gestion des personnels scientifiques. Des groupes sont dédiés aux PME & ETI. On constate une évolution qui nous challenge tous : on ne parle plus d’outils mais d’usages. La technologie va rendre l’usage possible mais les liens entre l’humain et le produit/le service sont fortement conditionnées par les usages. Nous devons nous adapter à ces nouvelles façons de penser et d’innover en élargissant nos thématiques de recherche : l’économie circulaire, les territoires intelligents, la gestion des données entre la recherche et le business. Comme le prouve le projet « des océans propres » impulsé par la Commission européenne, notre société a pris un virage sociologique où l’humain doit trouver sa place dans un monde plus technologique. L’activité Benchmark et prospective a pour sa part l’ambition d’apporter à nos membres une connaissance approfondie des systèmes de recherche et d’innovation français et étrangers. Le club FutuRIS leur donne une voie d’expression et d’influence auprès des décideurs publics.

La question de la mixité fait-elle partie de vos préoccupations ?

C.A : C’est devenu un enjeu de plus en plus important. Notre dernier colloque du 7 mars portait sur « Les impacts de la diversité et de la mixité sur les métiers de la recherche et de l’innovation ». Il s’est déroulé sous l’égide de Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Ce colloque a été organisé en partenariat avec PINK INNOV’ et l’association FEMMES & SCIENCES, ce qui nous a permis d’échanger sur les raisons et les solutions possibles pour augmenter la présence des femmes dans les fonctions de recherche. Même dans les entreprises où les femmes sont plus nombreuses en recherche, le fameux plafond de verre freine leur progression vers les postes de direction et les comités exécutifs.

 

Table ronde "les enjeux de la pluralité au sein des équipes de recherche " animée par Lou Martinez Sancho, directrice de l’innovation groupe Spie Batignolles
Table ronde « les enjeux de la pluralité au sein des équipes de recherche  » animée par Lou Martinez Sancho, directrice de l’innovation groupe Spie Batignolles.

 

C.A : Guillaume Devauchelle, vice-président innovation et développement scientifique de Valéo, a rappelé que cette mixité est un atout pour une entreprise qui souhaite innover. Plusieurs pistes d’action ont été évoquées, comme des programmes interentreprises et des dispositifs de coaching et de mentorat pour aider les femmes à valoriser leurs compétences. L’entreprise a un rôle important à jouer pour lutter contre les préjugés et favoriser la promotion des femmes. On a aussi beaucoup insisté sur l’apport de la technologie, qui permet une organisation plus souple du travail avec une articulation efficace entre temps professionnel et personnel. Je tiens à souligner que en 2017, sur les 1433 nouvelles Cifre acceptées  545 ont été accordées à des doctorantes.

 

Colloque ANRT : Table ronde « Les impacts de la mixité dans les métiers de la recherche et l’innovation » animée par Guillaume Devauchelle,vice-président innovation et développement scientifique de Valéo.
Table ronde « Les impacts de la mixité dans les métiers de la recherche et l’innovation » animée par Guillaume Devauchelle,vice-président innovation et développement scientifique de Valéo.

 

Quels sont les enjeux futurs pour l’ANRT ?

C.A : L’ambition de l’ANRT est bien évidemment de capitaliser sur son histoire, la relation de confiance qu’elle entretient avec ses membres, l’écoute que lui portent les pouvoirs publics. Son atout majeur repose sur sa capacité unique en Europe à fédérer des acteurs publics et privés de tous les secteurs d’activités et toutes les disciplines scientifiques.

En 2018, nos réflexions porteront notamment sur le futur programme cadre européen, les questions nouvelles telles que « datas from research to business » ou les « smart territories », mais aussi sur la politique industrielle du numérique dans notre pays, l’innovation responsable pour des transitions durables, la stratégie nationale de recherche pour l’énergie, l’organisation des dispositifs de recherche partenariale. Au-delà de l’enrichissement de nos membres, ces travaux débouchent toujours  sur des position paper adressés aux pouvoirs publics.

Quels sont les projets qui vous tiennent particulièrement à cœur ?

C.A : Tous les projets cités me tiennent à cœur. Ils s’inscrivent dans l’actualité de nos membres. J’ai le souci permanent de la pertinence de nos actions pour nos partenaires.

Notre double rôle d’opérateur d’un programme (le dispositif Cifre) d’une part et d’animateur du plus grand réseau de la recherche partenarial d’autre part nous donne toute légitimité pour nous emparer de l’actualité de l’ensemble des secteurs concernés par la Recherche et l’Innovation.

Je crée ainsi deux groupes de travail sur des orientations nouvelles pour l’ANRT dédiés respectivement à « la pédagogie par le jeu » et « l’innovation pour la performance sportive ». Ces domaines n’ont pas encore une expérience nourrie des relations partenariales, l’ANRT va accompagner les partenaires publics et privés de ces deux secteurs dans leur volonté de coopération. Les instances gouvernementales nous ont encouragés dans notre démarche.

ANRT
Créer des liens entre les acteurs de la recherche et de l’innovation

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