Après 9 ans à la tête de la filiale française de General Electric, Clara Gaymard, membre du Conseil d’Administration de Veolia, Danone, Bouygues et LVMH, se consacre au soutien des entreprises françaises via sa nouvelle société RAISE.
Et a repris la présidence du Women’s Forum qui se clôt aujourd’hui à Deauville
Vous avez quitté GE France en février dernier pour co-fonder Raise, une société d’investissement pour soutenir la croissance des PME de l’Hexagone : quel en est le principe?
J’ai co-fondé Raise en 2014 avec mon associé Gonzague de Blignières autour d’une ambition : bâtir un écosystème qui aide les entreprises à créer des emplois et à grandir. Nous avons une société d’investissement qui investit en minoritaire dans les belles PME indépendantes. La moitié du CAC40 étant nos actionnaires, nous avons pu lever 350 millions d’euros (la plus importante levée de fonds en France depuis 15 ans) et offrir des tickets d’entrée entre 10 et 40 millions d’euros. Nous avons investi dans 8 ETI.
Notre équipe et nous-mêmes donnons 50% de nos bénéfices à une fondation en faveur des jeunes entreprises.
La Fondation Raise est elle, dédiée aux jeunes entreprises : comment fonctionne-t-elle ?
Le fonds de dotation est financé par nos actionnaires qui reversent 50% de leur intéressement à la Fondation qui est devenue le premier réseau d’accompagnement dédié aux jeunes entreprises en phase de post-amorçage. Nous en accompagnons déjà 120, accélérons leur croissance (5% seulement des entreprises en France ayant plus de 10 salariés) et assurons leur pérennité (50 % d’entre elles disparaissant au bout de 5 ans).
La Fondation octroie des prêts d’honneur de 100 000€ à taux zéro sur 6 ans (10 ont déjà été attribués), propose des programmes d’accompagnement à long terme entre cadres dirigeants de grands groupes et entrepreneurs (à l’instar de ce qui s’est fait entre Vinci et Natural Grass) et via un pool de consultants de grands cabinets..Si la France est le pays d’Europe où il y a le plus de création d’entreprises, 50% des jeunes pousses périclitent entre leur 3 et 5 ans.
Nous avons reçu dans le cadre de notre fondation 1300 entreprises et nous en accompagnons une centaine d’entre elles. Elles ont environ un chiffre d’affaire d1M d’euros en moyenne, une croissance de 80% et nous leur apportons à titre gratuit un accompagnement sophistiqué et des prêts d’´honneur de 100 000 euros .
Vous avez succédé à Véronique Morali à la présidence du Women’s Forum en 2015 : pourquoi ce choix ?
Quand Véronique me l’a proposé, j’ai d’emblée dit oui. Et Maurice Levy, PDG de Publicis Groupe, a approuvé. Il y a trop peu de femmes qui parviennent à franchir le plafond de verre .
Le Womens Forum qui réunit les grandes dirigeantes d’aujourd’hui et de demain doit justement y contribuer. C’est le plus grand forum international de cette nature et je l’aime car il n’est pas restreint à un forum de femmes pour les femmes. On y parle des problèmes du monde et comment la voix des femmes peut amener à des solutions. Je le définis ainsi : « Un Forum pour les femmes qui veulent transformer le monde, se connaitre, générer de nouvelles idées, apprendre, et se dire qu’elles ont du pouvoir et peuvent agir ».
Comment sont sélectionnées les participantes ?
Il y a nos entreprises partenaires qui viennent avec leurs délégations féminines et depuis peu, avec des femmes de moins de 30 ans. J’ai instauré cela car le mélange des générations est indispensable. Il y a celles que nous contactons et dont nous aimerions la représentation au WOmen’s Forum et les inscriptions individuelles. Le ticket d’entrée tourne entre 3000 et 5000 euros. Le niveau et la qualité doivent être homogènes car l’un des enjeux clés de ce Forum est d’être une plateforme d’échanges et de réseaux entre femmes pouvant se compléter, échanger et collaborer.
Au sein du WOmen’s Forum, l’espace Discovery fait place aux grands noms de demain. Quelles sont ces initiatives ?
Cet espace appartient à nos partenaires qui montent leurs propres évènements. Pour l’édition 2016, il y a eu entre autres Nissan Renault, Orange… qui dénichent des jeunes talents et les mettent en avant ou encore Shiseido Group, Twitter, Sanofi, FDJ, Axa. …
Nous avons également notre initiative Rising Talents, né il y a 7 ans au sein du WOmen’s Forum grâce au soutien de nos partenaires EY, Eurazeo et Egon Zenhder. Un rendez vous annuel que je soutiens tout particulièrement. Tout comme l’initiative CEO Champions avec nos partenaires Mc Kinsey et Shiseido Group sur la problématique de « gender parity » ou encore notre toute nouvelle initiative Women in Sport que nous venons de lancer.
En tant que femme dirigeante et présidente du Women’s Forum, quelles sont les grandes tendances qui se dessinent quant à la féminisation dans le monde de l’entreprise ?
Dans les pays occidentaux, les statistiques disent qu’il faudrait attendre 2050 pour vraiment obtenir la parité dans les conseils d’administration et comités de direction ! On est donc très loin du compte ! En France la seule statistique qui pour moi est parlante est que sur nos 120 plus grandes entreprises, une est dirigée par une femme : Engie par Isabelle Kocher. Il n’y en avait pas l’année dernière et cela montre que très progressivement, les femmes prennent des responsabilités mais n’ont pas encore un pouvoir de décisions et de commandement. J’ai eu la chance de présider une entreprise américaine. Aucune entreprise française ne m’aurait confié cette responsabilité.
Leur insuffisance est pour vous une « erreur stratégique » : que soulignez-vous ?
Une étude de Sodexo (l’un de nos partenaire également du Women’s Forum depuis longtemps) qui a 400 000 salariés dans le monde, conclue que les business les plus performants en termes de croissance, de marge, d’efficacité et selon tous les critères de performance des business sont des entreprises qui ont entre 30 et 60% de mixité Hommes Femmes. Elles sont plus performantes et de loin. La question n’est pas que les femmes sont meilleures mais que la parité donne de bien meilleurs résultats. Quand vous êtes une entreprise et que vous ne ressemblez pas à la société (et au panel de vos clients et clientes qui en sont un échantillon), comment voulez vous la comprendre et anticiper les tendances ?
Comme les Entreprises qui ne recrutent pas les jeunes : elles ratent le marché de demain. Il est vital pour les entreprises d’avoir des ressources humaines variées : les seules à garantir cette diversité d’approches, de compétences, de sensibilités et d’expériences qui ressemblent à la société.
En terme de parité, quel est votre regard sur la situation française ?
Nous sommes dans une situation très choquante voire inacceptable. Sans la loi Coppé Zimermann, les choses resteraient figées. Et s’il y a eu une loi c’est parce que les choses ne bougeaient pas !
Malheureusement, nous avons un bon dispositif législatif mais la réalité ne suit pas. L’emploi des femmes est insuffisant à des postes de direction et les salaires, à poste égal sont toujours de 20% inférieurs à ceux des hommes. La présence de femmes n’est pas une question d’équité mais de bon sens managérial et de bénéfice pour l’entreprise.
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