Passionnée d’aviation et par les exploits des grands aviateurs, Dorine Bourneton est pilote et paraplégique. Interview vérité.
Vous vous êtes inscrite à 15 ans dans un aéro-club. Après avoir été rescapée d’un crash aérien l’année suivante, vous avez perdu l’usage de vos jambes. Pourquoi ne pas avoir abandonné vos rêves d’altitude à ce moment-là ?
Dorine Bourneton : Avant d’être en fauteuil j’avais déjà commencé à prendre des leçons. Je savais tout ce que je pouvais gagner en ressources pour me reconstruire grâce au pilotage. Pour mener un projet à bien, il est important de savoir où l’on veut aller. Dès l’hôpital, j’ai puisé ma force dans les récits des pilotes que j’admirais tant. Jean Mermoz, Antoine de Saint-Exupéry, Didier Daurat… furent des auteurs exceptionnels par la vision qu’ils inspirent. Entourée par ces légendes de l’aéropostale, je pouvais ainsi m’imaginer en train de voler et repousser les limites. S’inspirer de symboles positifs est essentiel pour la motivation, c’est ce qui m’a permis de me reconstruire.
Pendant des années la réglementation française ne permettait pas aux personnes handicapées d’être pilotes professionnels. Vous avez finalement réussi à provoquer une évolution de l’administration. D’où vient votre énergie pour défier l’impossible ?
Dorine Bourneton : Au lieu de me battre contre ceux qui ne voulaient pas changer les choses, j’ai préféré me battre pour tous les pilotes qui pouvaient être dans la même situation que moi. Lorsque je suis sortie de l’hôpital j’ai tout de suite vu que les regards avaient changé. Mon père aussi ne voyait plus que mon fauteuil. Pourtant j’étais la même personne qu’avant mon accident. Les personnes handicapées ne sont pas si différentes des autres : elles ont les mêmes rêves que les valides, seuls les obstacles sont plus nombreux ! C’est d’ailleurs pour ces rêves que l’on se bat avec encore plus d’énergie.
Votre histoire inspire jusqu’au réalisateur Jérôme Cornuau qui s’apprête à dresser votre portrait dans un téléfilm prochainement diffusé sur TF1. Que ressentez-vous ? L’intérêt du grand public ne vous gêne pas ?
Dorine Bourneton : Ce téléfilm c’est aussi l’histoire des liens d’amitié avec Guillaume Féral avec qui je partage la passion de l’aviation. Nous avons voulu vivre notre rêve comme les autres et ensemble nous avons repoussé les limites administratives, techniques et humaines. Mon voeu est que ce filmpuisse inspirer les spectateurs et aider les autres, comme moi j’ai été inspirée et aidée. Tout le monde a besoin de savoir qu’il possible de donner vie à ses rêves.
En 2019 vous avez créé « Envie d’envol » une association qui favorise l’inclusion et le dépassement de soi grâce la voltige aérienne. Comment la pratique d’un sport «extrême» peut aider à changer de regard sur le handicap ?
Dorine Bourneton : En créant ENVIEDENVOL, j’ai d’abord souhaité partager la joie et la liberté que le ciel procure. La voltige n’est pas qu’un sport, c’est aussi une école du dépassement de soi qui permet d’apprendre à se faire confiance, à travailler en équipe, à assumer ce que l’on est, ses responsabilités et ses choix. Notre quotidien est souvent frustrant car tout est difficile. Pouvoir voler et apprendre à maitriser une machine aussi complexe, c’est une bouffée d’oxygène. Grâce à la voltige, le handicap passe au second plan, on devient capable de faire ce que beaucoup n’oseront jamais. Et on l’assume !
Finalement que dites-vous à ceux qui disent trop souvent : « il n’y a pas de solution, que ce n’est pas possible » ?
Dorine Bourneton : Face à l’impossible, il faut d’abord se concentrer sur la première marche, puis le premier palier. On a trop souvent tendance à se concentrer sur le sommet. Une chose à la fois. Chaque chose en son temps. Quand j’ai su que je pourrai reprendre les commandes d’un avion équipé, la première étape a été de passer mon permis voiture. Je ne volais pas encore mais c’était déjà merveilleux ! Ensuite je pouvais me rendre jusqu’à l’aérodrome et passer mon brevet de pilote.
Pour poursuivre cette série : pourriez-vous citer une personnalité qui vous inspire ?
Dorine Bourneton : Si j’ai pu devenir pilote de voltige, c’est aussi grâce au feu vert de l’armée de l’air. J’ai toujours en mémoire ces mots du chef d’état-major, le général Denis Mercier, qui a répondu face à l’hésitation des médecins de la DGAC : « on y va ! Si des problèmes se posent, ce sera l’occasion de trouver des solutions ». Sans cet ouverture d’esprit, jamais je n’aurais eu de dérogation médicale pour être autorisée à voltiger seule.
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