A la tête de l’île-hôtel Joali resort, l’unique établissement fondé et dirigé par une femme au sein des Maldives, Esin Güral Argat a réussi son pari d’installer sa marque dans l’un des marchés les plus matures et concurrentiels de l’hospitality. Cette femme d’affaires turque incontournable de la scène business du pays étend son influence à la faveur d’une approche responsable et résolument féministe. La France ? Une destination où elle se verrait bien…
En choisissant d’implanter votre flagship aux Maldives, vous ne faites pas le choix de la facilité… En quels termes présenteriez-vous l’expérience à Joali ?
Esin Güral Argat : C’est une question très difficile pour moi car je suis vraiment passionnée par chaque aspect du resort ! Du design aux arts culinaires, à nos activités familiales en passant par nos services personnalisés ou notre spa ESPA, et bien sûr l’équipe, chaque facette participe à sublimer l’expérience ! Nous sommes fiers d’être le premier et unique complexe hôtelier des Maldives dédié à l’art immersif. Nous réunissons une sélection tout à fait exceptionnelle d’œuvres d’art originales disséminées autour de l’île et à l’intérieur de chaque villa. Des œuvres qui rendent hommage à la beauté naturelle du pays et porteuses de messages sur le développement durable. Ainsi, nous avons poussé le cran encore plus loin avec ce concept différentiant.
Joali Muravandhoo assume son atmosphère girly sans toutefois tomber dans l’excès rose bonbon. Les hommes sont autant à l’aise et nombreux que les femmes. Comment êtes-vous arrivée à ce délicat équilibre ?
E.G.A : L’esprit de l’île de Joali s’inspire de l’idée que vous êtes l’invité d’une femme élégante et intelligente, charismatique et mondaine. Une femme ayant rassemblé des œuvres d’art et du mobilier raffiné en prêtant particulièrement attention aux détails. Cette sensibilité aux détails est très importante car elle se veut inclusive : homme et femme se retrouvent dans le choix du design. En somme, je dirais que cet équilibre a été rendu possible grâce sa compréhension de la diversité.
L’Art est très important à vos yeux. Il y a également trois autres domaines que vous considérez comme essentiels pour le développement de la société : l’éducation, l’égalité des sexes et la durabilité. Comment être une entreprise vraiment responsable et solidaire… au-delà des slogans ?
E.G.A : L’éthique doit présider chaque action. Chez Joali, nous croyons fermement que la diversité est une ressource précieuse – nous sommes particulièrement engagés en faveur de l’égalité des sexes et de l’accompagnement de talents féminins dans toutes nos entités, et à tous les niveaux de l’organisation. En tant que nouveau lieu de villégiature, fondé et dirigé par des femmes – une exception dans l’écosystème hôtelier maldivien – nous avons de fait la capacité de penser de manière innovante. Etre vraiment responsable et solidaire, c’est en outre adopter la même ligne de conduite à l’échelon de toutes ses entreprises. Nous avons par exemple atteint la parité des effectifs au sein de notre marque LAV qui est le sixième plus grand producteur de verre au monde. A présent, nous travaillons à ce même objectif pour Joali Muravandhoo.
« Une femme échoue jusqu’à ce qu’elle réussisse, un homme réussit jusqu’à ce qu’il échoue »
Pour ce qui est de l’éducation, tout commence à l’âge précoce ! Je soutiens depuis des années le programme européen STEAM dont l’objectif est d’enseigner les sciences, les mathématiques et les arts au public scolaire pour éveiller leur sensibilité. En effet, l’art est une thématique très importante à mes yeux ! Cependant, il subsiste encore des problématiques et des dilemmes dans ce domaine. Saviez-vous que l’un des marchés les plus importants au monde : les Etats-Unis, n’expose que 30% d’œuvres signés d’artistes féminines ? Ce chiffre éloquent questionne la représentation insuffisante des femmes dans ce secteur majeur. Certes, les obstacles à l’accès des femmes à l’éducation artistique ont été supprimés, pour autant, les opportunités d’exercer la profession, et d’être visible, demeurent plus faibles et évoluent encore trop lentement. J’ai donc décidé de m’investir dans le projet ‘Women in Art’ afin de célébrer les artistes féminines talentueuses du monde entier et de fournir une plate-forme aux Maldiviens pour soutenir les artistes locaux.
Aujourd’hui, Joali est comparé au Four Seasons en termes d’excellence. Quel a été votre plus grand défi pour arriver à cette reconnaissance ?
E.G.A : Le principal défi a été de créer une forte présence de la marque sur un marché aussi encombré et mature que les Maldives.
Avez-vous des projets pour la France ?
E.G.A : La France est une destination très intéressante en termes d’hospitalité. Il n’est pas possible d’ignorer la France quand on opère dans le secteur du tourisme. Si les bonnes opportunités se présentent au bon endroit conformément à la stratégie de Joali, tout est possible ! L’Hexagone fait partie de ces destinations que tout le monde a hâte de retrouver !
Vous êtes l’une des femmes d’affaires turques les plus influentes et proactives sur la question de l’inclusion et de la parité. Diriez-vous qu’il est plus difficile d’être une femme entrepreneure en Turquie ou est-ce une perception erronée ?
E.G.A : L’égalité des sexes n’est pas un sujet circonscrit à une géographie, mais un sujet d’actualité dans le monde entier. D’expérience, j’ai observé qu’une femme échoue jusqu’à ce qu’elle réussisse vs un homme réussit jusqu’à ce qu’il échoue. Cette situation ne change pas avec le terrain, tant sur le plan académique que dans la vie des affaires. Le système élimine ceux qui ne peuvent pas et ceux qui trébuchent dans ce processus. Ce monde façonné par les hommes, pour les hommes, a permis qu’ils soient naturellement acceptés parce qu’ils appartiennent à ce monde. Néanmoins, je tiens à ajouter que nous, les femmes, ne devrions pas voir cela comme un obstacle. Engageons-nous plutôt dans une voie où l’on se fixerait nos propres objectifs en nous concentrant sur le succès. Et c’est également vrai pour moi : je fais tous les efforts nécessaires pour résoudre les obstacles que je rencontre, et si je n’y parviens pas, alors j’emprunte un autre sentier pour ne pas rester bloquer.
Le 30 juin dernier, la France a accueilli durant trois jours le Forum Génération Egalité sous le pilotage de l’ONU. Cet événement clef pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes a lieu tous les 25 ans. Où sont les urgences aujourd’hui ?
Certainement l’égalité des chances dans l’éducation. Il y a également un travail à faire sur les préjugés accolés aux femmes. S’en libérer, c’est déconditionner les femmes à certains schémas. Ouvrons-leurs l’esprit quant à leur potentiel. C’est l’une des clefs de leur épanouissement.
Bio Express :
1969 : naissance à Kütahya au nord-ouest de la Turquie
1990 Diplômée de l’Institut universitaire d’Economie des affaires d’Istanbul
1992 : création de sa première entreprise Güven Porcelain and Ceramics en 1992
1998 : rejoint le conglomérat familial à la direction générale de la société LAV, sixième plus grand producteur de verre au monde
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