Présidente du comité exécutif du Groupe Edmond de Rothschild, et désormais hôtelière, Ariane de Rothschild est avant tout une femme de passion.
D’emblée, son rire résonne et ses yeux bleus sondent votre regard. Banquière visionnaire et passionnée, (présidente du comité exécutif du Groupe Edmond de Rothschild), elle vous reçoit simplement dans son bureau qui lui ressemble : lumineux, loin des standards classiques. Plutôt un lieu de vie, de couleurs, de symboles où tableaux, sculptures, plumes amazoniennes, colliers anciens expriment sa sensibilité, ses passions, qui vous interpellent ou appellent la curiosité. Elle croit au second langage et décrypte ses visiteurs à leur manière de réagir et à leur degré de sensibilité. Face à face avec Katya PELLEGRINO.
Née au Salvador, d’un père allemand cadre dans une multinationale et d’une mère française, Ariane de Rothschild a vécu en Colombie, au Bangladesh, et en Afrique au Congo belge jusqu’à ses 18 ans. Après des études à Paris et New York où elle s’installe, elle travaille tout d’abord comme analyste à la SG (Société Générale), puis dans de grandes banques internationales, enfin pour une compagnie d’assurances américaine, AIG (1990), qu’elle aide à pénétrer le marché français. Passionnée, pugnace, elle aime les défis qui la stimulent et vit l’échec comme une marche pour rebondir. Son credo ? « Résoudre les problèmes » c’est ce qui m’anime, confie-t-elle ! Entrepreneuriale dans l’âme, elle a le courage de cerner les problèmes, de prendre des risques en bousculant les codes établis.
Pas étonnant qu’elle soit devenue la présidente du comité exécutif du Groupe Edmond de Rothschild depuis janvier 2015 et la seule femme à Genève à diriger une banque privée.
Sans parler de son titre de Vice-présidente d’Edmond de Rothschild Heritage qui regroupe entre autres la Compagnie Vinicole avec plusieurs propriétés, soit au total plus de 500 hectares de vignes en France, Afrique du Sud, Argentine, Nouvelle-Zélande et Espagne, comprenant Château Clarke, Château Laurets, Rupert & Rothschild, Flechas de Los Andes, Rimapere, et Macan.
Enfin le 15 décembre 2017, elle a ouvert le Four Seasons Hotel Megève sur le Domaine du Mont d’Arbois géré par l’enseigne canadienne Four Seasons. Un ensemble de chalets composé de 41 chambres et 14 suites, dont l’ ADN reflète l’Art de Vivre et les goûts d’Ariane de Rothschild, le tout orchestré par Pierre-Yves Rochon.
Vous avez parcouru le monde durant votre enfance avec votre famille, (entre autres Bangladesh, Congo belge …) fait des études à Paris et un MBA à NY pour être aujourd’hui banquière et présidente du comité exécutif du Groupe Edmond de Rothschild ainsi que vice-présidente d’Edmond de Rothschild Heritage .Qu’est-ce qui vous a donné le goût des chiffres pour vous lancer dans la finance ?
«Depuis mon enfance, j’ai baigné dans l’univers des affaires, par mon père qui dès le petit-déjeuner parlait business. Cela me passionnait. Ce qui explique sans aucun doute mes choix professionnels et mon goût pour les affaire (sourire).
J’ai très tôt été sensibilisée à notre style de vie.
J’ai grandi dans des pays qui m’ont exposée à la pauvreté et la souffrance extrêmes de certaines populations, ce qui m’a fait prendre conscience, très jeune, d’être particulièrement privilégiée».
Quelles qualités faut-il pour présider le Comité exécutif du Groupe ?
«En premier lieu, il faut des qualités émotionnelles. C’est d’ailleurs ce que l’intelligence artificielle ne pourra jamais vraiment remplacer. Je pense que l’humain est central, le point d’entrée incontournable.
En second lieu, il faut avoir une grande souplesse d’adaptation pour bien s’intégrer dans l’entreprise, dans un monde extrêmement volatil.
Enfin, la curiosité et l’ouverture d’esprit sont pour moi fondamentales, afin d’appréhender l’entreprise et rester ouvert aux tendances et mutations de ce monde».
Travailler dans un monde d’hommes a dû être quelque part un défi ? Comment arriver à imposer ses codes dans un univers traditionnellement masculin aux règles bien établies ?
«Pour une femme, c’est effectivement un parcours particulier pour se faire respecter, d’autant plus complexe dans l’industrie bancaire, aux règles très codifiées. Cela était encore plus compliqué avec un statut de « mère » et « d’épouse ». Néanmoins, ces perceptions ont évolué positivement.
Par ailleurs, j’ai toujours eu une vision stratégique claire pour le groupe Edmond de Rothschild, des valeurs fortes et une détermination sans faille : cela m’a aidé me faire respecter».
L’art semble tenir une place importante dans votre vie ?
«L’art est dans l’ADN de ma famille, qui est une famille de grands collectionneurs. Je m’inscris dans cette dynamique en contribuant à l’enrichissement de certaines de nos collections telles que les tableaux et meubles du XVIIIe siècle français, et en constituant mes propres collections comme celles des verres, d’œuvres contemporaines ou d’art moderne chinois.
Par ailleurs, à travers les fondations, j’ai développé un certain nombre de programmes qui soutiennent la création artistique».
Comment passe-t-on des chiffres à l’Art de Vivre et à la création du Four Seasons Hotel Megève. Quelles furent vos motivations ?
«A mes yeux, un héritage se doit d’être développé, enrichi sinon il stagne et disparaît.
Dans le groupe Edmond de Rothschild, les métiers doivent être pérennisés. Comme vous le savez, nous sommes philanthropes par tradition. Mais depuis quelques années, à une philanthropie engagée.
Concernant le nouvel hôtel du Mont d’Arbois, il y avait plusieurs enjeux. Tout d’abord je voulais pérenniser le Mont d’Arbois. M’assurer de la qualité constante de l’offre, quelle que soit la saison, et permettre au personnel d’évoluer.
Ensuite, je voulais apporter une expérience inédite, donner une nouvelle dimension aux séjours de nos clients à la montagne. Avec le Four Seasons Hotel, nous avons veillé à garder le cachet de Megève tout en lui apportant l’Art de Vivre Edmond de Rothschild et les codes contemporains du Four Seasons. Les standards de l’excellence hotellières ne devaient pas s’imposer au détriment de cet Art de Vivre que nous prônons et que nous distillons depuis tant d’années».
L’Art de Vivre tient une place prépondérante dans votre famille. Quelles sont les valeurs que vous défendez et que vous insufflez au Four Seasons Megève ?
«Je voulais valoriser les expériences esthétiques et multiculturelles, avec un esprit de collection à cet hôtel, tout en donnant une impression de simplicité. Ce qui est toujours le plus difficile à obtenir mais qui symbolise la véritable élégance. A ce titre, Pierre-Yves Rochon, l’architecte de décoration intérieure qui s’occupe beaucoup des Four Seasons, a parfaitement compris les enjeux.
Ensemble, nous avons défini trois grands axes d’expression : l’art, la gastronomie et le bien-être. Au Four Seasons de Megève, les objets n’ont pas été choisi uniquement sur le critère de beauté intrinsèque mais aussi pour ce qu’ils portent en eux, ce qu’ils expriment d’un pays et d’une culture. Je me suis personnellement investie dans ce projet pour apporter du sens à chaque objet, aux détails de matières, de rythmes ou de graphisme. C’était important pour moi de susciter la curiosité des clients, leur donner envie d’aller plus loin, au-delà de leur séjour à Megève».
Vous êtes vice-présidente d’Edmond de Rothschild Heritage qui regroupe les vins, la ferme, les pépinières et bien évidemment la branche hôtellerie avec Le Mont d’Arbois, le Four Seasons et les 8 restaurants dont Le 1920, 2 étoiles au Guide Michelin, le golf et 2 spa. Avez-vous des nouveaux projets et l’envie de créer un label Hôtelier Rothschild ?
«Il est trop tôt pour répondre à cette question. Je suis en effet concentrée à assurer la pérennité du projet, avec une solidité économique.
Le plus important aujourd’hui pour moi est de recueillir les avis et le ressenti des clients pour me permettre d’ajuster ma vision et d’envisager le futur».
Comment voyez-vous évoluer le luxe dans 10 ans ?
«A mes yeux le plus important dans le luxe, c’est la capacité à raconter une histoire unique et authentique.
Cela présuppose une qualité irréprochable des produits et services offerts, ainsi que le respect de l’Homme et des produits».
Vos 4 filles suivent-elles votre chemin ?
«Pour le moment, le plus important est qu’elles tracent leurs propre chemin, qu’elles vivent pleinement leurs expériences. Elles sont au milieu de leurs études : nous verrons dans quelques années…»
La Compagnie Vinicole est présente dans le bordelais, ainsi qu’en Afrique du Sud, Argentine, Nouvelle-Zélande et Espagne : avez-vous comme projet de racheter d’autres vignobles dans le nouveau monde ou ailleurs ?
«Durant les deux prochaines années, nous allons consolider les vignobles existants et continuer à optimiser la qualité de nos vins : cela passe par la collaboration avec des œnologues conseil de renom comme Eric Boissenot, mais aussi des méthodes de travail comme le tri parcellaire, ou encore de nouveaux challenges techniques».
Vous avez racheté slate.fr dont vous étiez actionnaires majoritaires. Quelle est votre vision et comment doit évoluer un magazine comme celui-ci ?
«Nous avons été actionnaires minoritaires jusqu’en 2008. J’aime cette plate-forme digitale, innovante et qualitative. Nous sommes actuellement majoritaires, mais je tiens à l’indépendance du journalisme, et c’est de notre responsabilité de relayer des informations de qualité».
Quelle est votre définition du luxe ?
«L’apparente simplicité. Une simplicité faite d’ingéniosité, une simplicité réfléchie, qui occulte le travail complexe et très élaboré, qu’il a fallu déployer pour y parvenir».
Votre comble du luxe ?
«Faire ce qu’on aime».
Le luxe dont vous ne sauriez-vous passer ?
«Construire».
Renseignements pratiques
En 2008, Ariane de Rothschild intègre les principales entités du groupe Edmond de Rothschild et devient Vice-Présidente de la Holding. Elle est également Vice-Présidente d’Edmond de Rothschild Heritage, Vice-Présidente honoraire de Rit Capital Partners (Grande-Bretagne), administrateur de Baron et Baronne associés (champagne) et préside, entre autres, les Fondations Edmond de Rothschild. Ariane de Rothschild a été nommée Présidente du comité exécutif du groupe Edmond de Rothschild en 2015, groupe qui gère 156 milliards d’euros d’actifs pour 1 milliard de chiffre d’affaires, rassemble 2600 collaborateurs côté finance mais plus de 3000 personnes au total.
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