Sonia Souid a déjoué les pronostics pour faire son trou dans le foot professionnel. L’ancienne mannequin et Miss Auvergne est en effet une pionnière dans l’univers très masculin des agents. Retour sur une success-story rare et inspirante.
Ne lui dites jamais qu’elle n’en est pas capable ! Le meilleur moyen de la polariser avec succès sur son objectif, c’est bien de lui balancer ce genre de formule. Sonia Souid a depuis toujours un caractère bien trempé. La self-made woman s’est précocement construit une carapace, du haut de ses 12 ans où elle ‘détonnait’ déjà avec son mètre 74. Un gabarit pas commun, taillé pour un destin hors norme. Cette autodidacte originaire de Clermont-Ferrand s’est imposée dans le monde des agents du ballon rond. Un monde aussi fantasmé que décrié, qu’elle a décidé d’embrasser malgré de nombreuses mises en garde amicales, voire franchement haineuses.
Le Football ? « Un sport qui abîme. Il peut déformer une personnalité, c’est une passion qui consume. Il faut se préserver. », confie d’entrée de jeu Sonia Souid. Femme d’affaires à succès à la tête d’une équipe d’une dizaine de collaborateurs, la trentenaire continue à tracer son sillon. A l’origine, en 2012, un premier coup médiatico-sportif avec l’arrivée du « Zidane du Moyen-Orient », l’international émirati Hamdan Al Kamali à l’Olympique Lyonnais pour un prêt de six mois. Puis il y eut la signature de l’entraîneur français de renom, Guy Lacombe, au club Al Wasl de Dubaï, ou encore le recrutement en 2014 de la première femme entraîneur d’une équipe professionnelle masculine, Corinne Diacre, au Clermont Foot qui évolue alors en Ligue 2.
Au passage, Sonia Souid se fait autant d’ennemis que d’admirateurs, parmi lesquels le très puissant patron de l’OL, Jean-Michel Aulas. Une personnalité pleine de bienveillance à son égard. Mais avant de s’asseoir à la loge du gratin du ballon rond et d’enregistrer un chiffre d’affaires annuel tâtonnant les cinq millions d’euros, l’Auvergnate d’origine algérienne a suivi un parcours en zigzag. Une trajectoire atypique lui ayant permis de forger sa carapace et sa réputation. Dans la famille Souid, le sport, et le football plus particulièrement, ont toujours occupé une place de choix. « J’ai toujours été plus à l’aise en baskets qu’en talons aiguilles ! », aime à dire l’agent. Son père, préparateur physique dans le football professionnel, mène une belle carrière dans les pays du Golfe persique. Il a toujours incité ses filles et fils à pratiquer un sport, qu’il soit collectif ou individuel.
L’adolescente s’épanouira dans le volley-ball. Sélectionnée par le Pôle espoir de la ville de Riom, dans le Puy-de-Dôme, Sonia Souid accède à l’équipe professionnelle où elle a l’opportunité de faire quelques apparitions. Une étape très formatrice. Mais son souvenir sportif le plus fort, c’est certainement la Coupe du Monde de football 1998. « Nous étions en vacances en famille dans un camping au bord d’un lac auvergnat, nous vivions une véritable communion avec l’Equipe de France qui, match après match, nous transportait. Zidane m’a fait vibrer, rêver. Je n’avais jamais moi-même tâté du cuir. Néanmoins, j’ai pris conscience de son puissant impact, notamment émotionnel. », se souvient cette nostalgique de la grande épopée des Bleus. « Heureux qui comme moi a pu vivre l’aventure black, blanc, beur ! », s’émeut-elle plus de deux décennies après.
A la faveur de cet événement clef, le virus du football lui est définitivement inoculé. En 2003, son bac en poche, elle entre à la fac de médecine mais un événement l’en détourne. La belle se fait remarquer pour son physique des plus avantageux. Avec sa peau caramel, ses yeux noisette en amande, ses traits fins et son mètre quatre-vingt-un, on lui répète à l’envi qu’elle a toutes ses chances au concours de Miss Auvergne. Elle finit par se laisser convaincre par sa monitrice d’auto-école qui la défie par « un cap ou pas cap ». « J’avais 18 ans et l’essentiel de ma garde-robe se résumait à des vêtements de sport et des baskets. A vrai dire, je n’avais jamais porté de talons hauts ! Avec l’aide de ma mère et de son amie commerçante dans le prêt-à-porter, j’ai dû me constituer en urgence un vestiaire féminin…Autant dire que je n’imaginais pas être retenue lors des différents castings. Et pourtant, ma candidature a été validée. », en sourit-elle encore aujourd’hui.
Ce relooking express façon ‘Reine du shopping’ lui fait décrocher l’écharpe de Miss Auvergne en vue de l’élection Miss France 2004. Un sacre qui a néanmoins un coût, celui d’échouer à son année de médecine. Si elle ne devient pas Miss France, se classant après le premier tiers éligible, une musique entêtante l’habite, celle de « monter à Paris ». Comme de nombreux provinciaux, Sonia Souid veut vivre son histoire d’amour avec la plus belle ville du monde. La capitale de la mode lui ouvre les portes du mannequinat. L’ancien garçon manqué a cédé la place à une élégante Parisienne assumant fièrement sa féminité. En parallèle, cette touche-à-tout s’essaie aux arts dramatiques, au cours Florent et au studio Pygmalion. Son chemin semble tout tracé.
« Une négociation réussie, c’est de ne jamais étrangler l’une des parties. Tout le monde doit sortir de table avec un sourire. «
Mais de rencontres en soirées comme seule Paris peut en offrir, elle est initiée aux codes feutrés de l’immobilier de luxe. L’apprenti comédienne découvre qu’elle excelle en apporteuse d’affaires ! Son verbe et son sens du relationnel affolent les compteurs de vente. Cette étape de sa vie sera décisive. Un jour de visite sur ces terres rhône-alpines, elle confie à son père son envie de se diversifier, sans trop savoir dans quoi. « Si tu aimes négocier, et que le sport te manque, pourquoi ne songes-tu pas à devenir agent sportif ? », lui souffle le patriarche. C’est l’étincelle. Sonia Souid se met en tête de postuler à la prochaine session d’examen organisée par la Fédération Française de Football. « Nous sommes début décembre 2009, j’ai moins de quatre mois pour me préparer alors que je n’ai aucune base de droit. J’ai une énorme montagne devant moi… », se remémore-t-elle.
Exit les mondanités parisiennes, la vingtenaire passe en mode studieux. Son cerveau préparé à recevoir et mémoriser une multitude d’informations depuis son passage en école de médecine lui permet d’absorber l’essentiel. Au prix toutefois de nuits blanches et d’une vie sociale réduite à néant pendant 120 jours. En mai 2010, les résultats tombent. Elle figure parmi les 18 élèves reçus sur les 400 candidats de sa promotion. Sonia Souid en est d’ailleurs l’unique femme. Sa licence d’agent sportif FFF en poche, elle s’imagine naïvement que le plus dur est derrière elle. L’ex-reine de beauté n’a qu’une obsession, devenir crédible dans ce monde imbibé de testostérones. Mais on lui fait rapidement comprendre qu’elle n’est pas à sa place. « A cette époque, la seule information que l’on pouvait trouver sur moi en tapant mon nom sur Google était mon passé de Miss Auvergne. Certains présidents de clubs professionnels que je démarchais étaient convaincus que c’était dans le cadre… d’une caméra cachée ! », se rappelle-t-elle.
Systématiquement renvoyée à son genre et à sa beauté, l’agent sportif en stilettos amuse, intrigue, agace… Atteinte dans son intégrité de femme, cette éternelle optimiste est sur le point de flancher. Sans réseau ni assise financière pour se permettre de voyager à la rencontre des dirigeants de clubs français – une stratégie susceptible de l’aider -, elle se retrouve dans une impasse. Elle décide de jouer son va-tout en rejoignant son père aux Emirats. Dans ce petit État, les clubs de football ne manquent pas. L’agent novice comprend rapidement le potentiel que recèle ce marché. « Je pouvais passer facilement d’un club à l’autre en me déplaçant en voiture. En 2010, personne ne regardait vraiment du côté de cette région du monde… Les meilleurs joueurs locaux avaient pour la plupart l’habitude de négocier seuls leur contrat de travail. Et puis, j’avais facilement accès aux dirigeants de clubs, bien souvent des princes, à la portée de tous depuis leurs chaises en plastique, là où ils s’installent pour assister à l’entraînement de leur équipe. Il fallait s’armer d’une seule chose : l’audace ! », rembobine cette obstinée.
Une stratégie payante. En moins d’un an, l’expatriée française connaît toutes les personnes clés de chaque club, et également celles de la Fédération des Emirats arabes unis de football. Le fait d’être une femme est loin d’être un handicap car l’agent de football « Sonia » est unique. Dans le paysage, elle est la seule à avoir pris son bâton de pèlerin pour défricher ces terres où l’argent coule à flot. Ainsi, ses interlocuteurs lui témoignent respect et enthousiasme. La suite, c’est le transfert réussi du fameux Hamdan Al Kamali, le premier joueur émirati à évoluer en Ligue 1. Un coup d’éclat qui l’installe dans le milieu.
Sonia Souid est réclamée en Métropole depuis qu’elle est devenue en 2012 une sorte de pont entre la France et les Emirats arabes unis, et aujourd’hui entre l’Europe et les Pays du Moyen-Orient. Sacrée revanche pour la Franco-Algérienne éconduite. Parmi ses négociations notoires, le transfert de Kevin Cabral de Valenciennes au PSG, de l’Argentin Lucas Ocampos de Monaco à l’Olympique Marseille ou de l’international algérien Rachid Ghezzal à l’Olympique Lyonnais. Lorsqu’elle regarde dans le rétroviseur, elle veut surtout se rappeler de ceux qui l’ont toujours encouragée, à l’instar de Moncef, son père, et de son mentor, Jean-Michel Aulas.
Cependant, elle reste marquée à vif par les déclarations misogynes du président de l’union des clubs professionnels de football, Claude Michy, qui dira en conférence de presse : « Sonia Souid a beaucoup de charme, mais c’est une femme. Elles veulent montrer qu’elles savent faire. ». Une formule machiste ayant allègrement été commentée et relayée bien au-delà des sphères footballistiques. Une mentalité rétrograde, triste réalité de certaines résistances hexagonales à l’inclusion des femmes.
La réponse de la bergère au berger ? Elle sera judiciaire. La femme blessée a déposé plainte en début d’année pour diffamation. Sonia Souid a également décidé de s’ouvrir aux talents des footballeuses qui profitent aujourd’hui d’une authentique exposition populaire et médiatique. Sonia Souid a récemment accroché à son tableau de chasse la star de l’équipe de France féminine, Amandine Henry, charismatique capitaine des Bleues.
La méthode de l’agent sportif est de toujours s’efforcer à se mettre dans la tête de celles et ceux qu’elle représente. « Une négociation réussie, c’est de ne jamais étrangler l’une des parties. Ni le club, ni l’athlète, ni l’agent qui négocie. Tout le monde doit sortir de table avec un sourire. ».
Aujourd’hui, Sonia Souid affiche un sourire XXL.
Chiffres-clefs
5% : proportion d’agents sportifs féminins en France
1000 : négociations menées dans le football professionnel à travers le monde
2 : ventes de clubs conclues en Europe
5 : millions de CA
11 ans de carrière
15ème : place dans le classement de l’Institut Choiseul des 100 de moins de 40 ans qui comptent dans le Sport Business en France, en 2019 et 2020.
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