Pour encourager les filles à se lancer dans les métiers de l’informatique, la web@cadémie a créé sa première promotion « ambition féminine ». Dans cette classe mixte, 80 % des étudiants sont des étudiantes. Un choix assumé par la direction qui dit vouloir « renverser la vapeur ». Reportage dans les locaux d’Epitech à Paris, où les apprenties codeuses ont fait leur rentrée.
Dans une salle au plafond bas éclairée par des néons, les étudiants, regroupés par groupe de quatre, sont penchés sur leurs écrans. Les yeux sont rivés sur les lignes de codes bariolées et les bavardages portent sur des histoires d’HTML CSS, ou de charte graphique. Sur 19 apprentis développeurs web, 15 sont des filles. Agées de 18 à 30 ans, elles sont entrées ici après avoir réussi « la piscine », une initiation intensive de trois semaines où elles codaient tous les jours de 8h à 23h. Certaines avaient déjà appris des bases de code en autodidacte, d’autres n’ont même pas le bac. Qu’importe le cursus scolaire ou professionnel suivi jusqu’ici, à la web@cadémie, tout le monde part sur les mêmes bases. Elles ont deux ans pour se former avant de décrocher leur certification qui feront d’elles des développeuses web.
L’ autonomie au coeur du projet pédagogique
Comme dans les précédentes promotions de la web@cadémie, les étudiants du parcours « ambition féminine », bénéficient d’une pédagogie plutôt libre. Ici, pas d’emploi du temps millimétré ou de cours à heure fixe : chacun doit travailler en autonomie pour réaliser le projet qui lui est attribué. « Pour moi, c’est la seule façon d’apprendre le web, explique Pamela, 29 ans. De toute façon, un prof ne pourra pas toujours se mettre à jour. Quand on regarde Twitter par exemple, il y a des nouvelles fonctionnalités tous les deux mois ! » A quelques tables d’elle, Martine, 28 ans et ancienne étudiante en droit, s’est aussi adaptée à cette nouvelle façon de travailler. « Ça m’amène à chercher et à trouver les solutions par moi-même. Ça me booste », explique la jeune femme qui s’est levée ce matin à 3 heures pour se plonger dans son PC.
Cette semaine, les étudiants planchent sur deux exercices : une maquette de site web qu’ils doivent retranscrire en langage HTML CSS et un script à réaliser en PHP. Au fond de la salle, Solenne et Pamela ont presque fini le premier exercice et se lancent dans un débat passionné sur leur langage de code fétiche. « JavaScript est plus permissif, alors que PHP ne laissera rien passer. C’est pour ça que PHP est plus compliqué, parce qu’il doit traiter des infos plus sensibles », affirme Pamela, sûre d’elle. « De toute façon on n’a pas le choix, JavaScript ça viendra plus tard dans l’année », tranche sa voisine. Si cette discussion laissait encore planer le doute, Vincent, l’étudiant chargé d’encadrer les étudiants l’affirme : le fait d’avoir une promo majoritairement féminine ne change rien au niveau ou à la motivation du groupe. « Ça reste des étudiants qui posent les mêmes questions que les autres », assure-t-il.
Une appellation pour encourager les femmes
Mais alors pourquoi avoir créé cette promotion labellisée « ambition féminine » ? « Ce nom permet d’inciter les femmes à venir en leur disant que c’est une formation pour elle », affirme Sophie Vigier, directrice de la Web@cadémie. « On s’est dit que quand même il y avait un problème : alors que c’est une opportunité, que plein de femmes pourraient accéder à ces métiers du numérique, elles n’y vont pas. Il y a pleins de raisons : culturellement, on enjoint pas les femmes à le faire, elles ne connaissent pas ces métiers, et enfin c’est un milieu masculin pas toujours bienveillant pour elles », constate-t-elle. Catherine, 19 ans, confirme : « Je n’avais jamais rencontré de femmes développeuses, donc je n’avais pas eu l’idée de le faire. C’est un peu comme pour les mécaniciens, si on ne voit que des hommes, on ne pense pas à devenir mécanicienne ! ».
Si elle souhaitait suivre une formation à la web@cadémie avant d’avoir entendu parler de ce projet de promo féminine, elle reconnaît aujourd’hui qu’il y a quelques avantages. « On ne peut pas venir me dire que j’use de mes charmes pour avoir des réponses, c’est quand même quelque chose de bien ! », explique la jeune fille, déjà confrontée à ce genre de réflexions par le passé. Ici, tous les étudiants, filles et garçons confondus, ont un sweat-shirt estampillé « Web@cadémie ambition féminine ». « Dans le métro parfois les gens regardent mon sweat, puis me dévisagent un peu », rigole Pamela. Amusée, Delphine rétorque : « Je suis contente de montrer que je suis à la web@cadémie. Franchement, ambition féminine, c’est la classe ! »
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