En France, les femmes devraient travailler 15 mois pour arriver à gagner le même salaire annuel qu’un homme. Ce dernier jour de « travail » est l’« Equal Pay Day ». En France, c’est l’ONG BPW* qui œuvre depuis 1930 pour faire avancer la cause des femmes au travail. Cette année, l’association a décidé de mettre en avant le monde des sciences, qui n’est pas en reste en terme d’inégalités salariales et de manque de parité. Claire Kowalewski, past présidente de BPW Paris, nous explique pourquoi.
Quelle est l’origine de l’ « Equal Pay Day » ?
Claire Kowalewski : Le mouvement a été créé aux États-Unis en 1988. Le sigle de l’association BPW (Business and Professional Women) a été détourné avec la couleur rouge pour en faire le symbole du découvert des femmes en banque. C’est même devenu un sac rouge, « the red purse campaign », pour symboliser l’écart de salaire entre les femmes et les hommes à postes égaux et compétences égales. La première édition européenne a eu lieu en Allemagne en 2008, la France a suivi l’année d’après.
À quoi correspond la date du 31 mars ?
La date est fonction du nombre de jours qu’il faut travailler en plus pour avoir le même revenu qu’un homme. Nous nous basons sur des chiffres officiels, avec une année de décalage. Ce jour-là tombe le 31 mars : les femmes doivent travailler jusqu’à cette date pour rattraper la différences de 25,7 % de salaire sur l’année 2016, à poste et compétences égaux. La date est calculée de manière significative pour chaque pays, l’écart salarial n’étant pas le même. La France fait partie des plus mauvais élèves. Le chiffre a même augmenté par rapport à l’année dernière, passant de 24 à 25,7 %. En 2013, on était à – 27 % soit 80 jours de plus pour rattraper 2012. En 2014, – 28 % avec 77 jours de plus. On est tombé à 24 % en 2015, et statut quo en 2016. Sachant que dans notre calcul, nous intégrons le temps partiel subi par les femmes. Nous contestons absolument ce chiffre de l’ordre de 19 %, puisqu’il n’inclut pas les temps partiels. Il faut se baser sur un calcul moyen de la situation de toutes les femmes qui travaillent en France, et la majorité n’est pas forcément cadre, bien au contraire.
Pourquoi avoir choisi le monde des sciences et des mathématiques cette année ?
Les sciences sont un domaine où il y a une très forte discrimination. 36 % des chercheurs entrés en 2014 au CNRS étaient des femmes, seulement 10 % ont des postes de direction. 15 % d’étudiantes ont été admises à la rentrée 2016 de Polytechnique, 15 % aux Arts et Métiers et l’école Centrale Supélec reste autour de 20 %. Dans les universités, elles sont 21% en mathématiques et 13,9% en mathématiques fondamentales. Bref, c’est un secteur terriblement masculin. De manière générale, le problème commence à l’école à cause des stéréotypes et de la pression des parents d’élèves. Une fois qu’elles sont sur le marché du travail, c’est le même refrain. Même si des femmes contribuent à la recherche de manière très régulière, ce sont souvent des hommes qui ont eu un Prix Nobel. C’est une constante dans ce domaine. En France, quand on parle de femmes dans le domaine scientifique, tout le monde pense à Marie Curie mais on oublie toutes les autres. Ce sont des femmes qui ont fait des découvertes scientifiques, des progrès dans la médecine dont on parle très peu parce qu’elles ont toujours été au second plan.
Les choses n’ont-elles pas progressé en terme de parité ?
C’est un statu quo historique qu’on traine depuis des années. Il y a eu de gros progrès notamment grâce à la loi Coppé Zimmermann. Maintenant les choses vont plus vite. On sait que si vous avez 30 % de femmes dans un board, la situation des femmes dans l’encadrement de l’entreprise va évoluer. Mais, à mon sens, c’est un sujet dont on ne parle pas assez dans les réseaux féminins. La plupart des réseaux concernent les femmes cadres et dirigeantes, qui ne représentent pas la majorité des femmes qui travaillent. Et, en général, les sujets traités sont un petit peu récurrents. On parle beaucoup de leadership, de management au féminin mais c’est vrai qu’on oublie de parler d’autres secteurs d’activités où il y a peu de femmes cadres comme la distribution par exemple (C’était le thème de leur table ronde en 2015, NDLR). C’est notre rôle en tant qu’association militante de mettre le doigt là où il y a des disparités importantes.
Ce soir a lieu votre table ronde annuelle **, quelles sont vos autres actions durant le reste de l’année ?
Ce soir, c’est donc les femmes et les sciences avec Sylvaine Turck-Chièze, présidente de Femmes et Sciences ; Aline Aubertin, présidente de Femmes Ingénieurs ; Laurence Broze, présidente de Femmes et Mathématiques et Florence Raineix, directrice générale de la Fédération nationale des Caisses d’Epargne. Le tout animée par Murièle Roos, éditrice et fondatrice du magazine Femmes Majuscules. Le reste de l’année, nous menons bénévolement des actions de sensibilisation auprès du jeune public et des parents, en 3ème ou en classes préparatoires et organisons des petit-déjeuners et des débats thématiques.
** Table ronde de l’Equal Pay Day, ce soir à partir de 19h, Mairie du 9è arrondissement, 6 rue Drouot, Paris. Soirée gratuite, ouverte à tous mais inscription obligatoire par email : [email protected].
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