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TRIBUNE | Face au Black Friday, le Green Friday pourrait l’emporter

Jean-Paul Raillard, Président du Green Friday.
Jean-Paul Raillard, Président du Green Friday.

Dans cette tribune exclusive pour Forbes France, Jean-Paul Raillard, Président du Green Friday, nous explique pourquoi des alternatives au Black Friday seraient les bienvenues dans un contexte d’urgence climatique toujours plus marqué. Un propos qui fait écho aux récents spots télévisés de l’Ademe vantant la déconsommation et faisant l’objet d’une levée de boucliers de la part de plusieurs commerçants.

Avec un volume d’achat avoisinant les 400 millions d’euros l’an passé, l’édition 2023 du Black Friday s’annonce aussi « prometteuse » que les précédentes. Nous sommes maintenant passés d’un « Black Friday » à un « Black Friday week » et même à un « Black Friday month » pour certains annonceurs. Peut-être aurons-nous droit à un « Black Friday autumn » en 2024 ?

Pourtant, la dénonciation de ces « fausses bonnes affaires » ne date pas d’hier. Fin 2022, le Président de l’UFC Que Choisir déclarait : « Au-delà des arnaques et promo bidons sur lesquelles nous ne cessons d’alerter, ce marketing commercial effréné a en effet, un bilan carbone déplorable : génération de publicités et de courriels annonçant les promotions, gaz à effet de serre engendrés par la myriade de livraisons [et de retours], kyrielles d’emballages, sans parler du cycle de vie des produits achetés… Le « vendredi noir » porte bien son nom ». Tout était déjà dit. En effet, les réductions réelles ne dépassent pas 2 à 7,5% d’après UFC que Choisir¹.

L’application en mai 2022 de la directive européenne Omnibus qui visait à mieux encadrer les offres promotionnelles n’a pas changé les pratiques frauduleuses habituelles dans la détermination du prix de référence qui est parfois manipulé plusieurs mois à l’avance comme l’a montré un reportage récent de France².

Face à l’inflation qui frappe en premier lieu les produits d’alimentation ainsi que l’énergie et qui lamine le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes, il n’est pas étonnant que beaucoup de Français restent sensibles aux sirènes du Black Friday annonçant toujours plus de rabais et envahissant les supports de communication les plus divers. 44% d’entre eux envisagent de faire des achats le jour du Black Friday et parmi eux, les 18-24 ans restent parmi les plus séduits.

Mais suffit-il d’avertir le consommateur des pièges de cette opération commerciale ? Non, car le sujet est beaucoup plus large : comment pouvons-nous encore ignorer l’impact environnemental de l’hyperconsommation dont le Black Friday est l’emblème, alors que l’urgence de la transition écologique se fait de plus en plus pressante et que les appels à la sobriété se multiplient.  Mais alors que devons-nous et que pouvons-nous faire ?

En réponse, le Green Friday renforce une nouvelle fois son action de façon résolument offensive pour sa septième année d’existence. Il regroupe plus de 500 adhérents en France et en Europe dont l’ambition est de convaincre les consommateurs de la nécessité de « consommer moins tout en consommant mieux ». Pour appuyer leur opération de communication sur cette thématique, les adhérents du Green Friday ne se contentent pas de mots ni de boycotter l’événement, ils s’engagent à proposer des animations autour des dégâts de la surconsommation afin de sensibiliser les consommateurs sur la signification de l’acte d’achat et reversent 10% de leur chiffre d’affaires de ce jour-là à des associations comme HOP (Halte à l’Obsolescence Programmée)³ et Zero Waste France⁴. 20 000 € ont ainsi été distribués fin 2022. Cela peut paraître modeste mais plusieurs raisons nous poussent à poursuivre et amplifier notre réponse au Black Friday.

En premier lieu, nos idées progressent dans l’opinion :  depuis 2019, la part des Français se déclarant opposés au Black Friday (15 %) reste faible mais a doublé comme le note un rapport d’analyse de l’OBSOCO publié en novembre 2022. De même, une étude commandée par le Green Friday avec le soutien de la MAIF et menée par Harris Interactive, montre que si pour une très grande majorité de Français, le Black Friday reste perçu comme une occasion d’acheter à prix réduits les produits dont ils estiment avoir besoin, une part croissante de ceux-ci prennent de plus en plus en compte la réalité de leurs besoins ainsi que l’impact social et écologique de leur consommation dans leurs choix. 

Plus largement, le dernier baromètre Greenflex – ADEME sur la consommation des ménages est évocateur : 

  • 60% des Français se disent inquiets pour l’avenir de la planète et estiment qu’il est urgent d’agir (+8 points par rapport à l’an dernier) ; 
  • 11% des Français seulement se disent résignés (5 points de moins que l’an dernier) ;
  • 93% pensent qu’il faut revoir toute ou partie de notre modèle économique. 

Les Français se sentent donc à la fois plus préoccupés mais moins résignés, ce qui est encourageant et souligne l’importance de mettre en avant les alternatives plus vertueuses. En second lieu, sur le plan des alternatives à la consommation, beaucoup de Français déclarent, selon l’étude Harris Interactive⁵, faire des efforts au quotidien en essayant par exemple de privilégier la réparation, le réemploi, la seconde main, le local et les marques éthiques. La forte croissance du marché de la seconde main en est une illustration.

Sur ce plan, de nombreux acteurs publics et privés se positionnent depuis plusieurs années pour favoriser ces alternatives par le soutien à l’offre de produits et de services issus de l’économie circulaire ou encore de l’économie de la fonctionnalité. Le lancement récent du bonus réparation sur les produits électriques et électroniques ainsi que sur le textile contribue à cette tendance. 

Enfin, un signal important vient d’être envoyé par l’ADEME avec sa campagne sur la thématique de « Posons-nous les bonnes questions avant d’acheter ! ». Au lancement de cette campagne, le Ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires a délivré un discours en ce sens déclarant que « la préservation de notre modèle de société dans un contexte de dérèglement climatique, impose une transition vers plus de sobriété et impose de trouver un chemin vers une économie plus circulaire. » L’heure est désormais réservée aux actes forts en la matière.

Le Green Friday est un mouvement qui veut s’inscrire dans la durée en invitant les consommateurs à se questionner et à se responsabiliser sur leurs modes de consommation. Face aux lourdes menaces de la crise environnementale, l’action de chacune et de chacun est une partie de la réponse. La sobriété est à ce sujet une véritable innovation sociétale et non un retour à l’âge du bronze.

Monsieur Christophe Béchu a déclaré il y a quelques jours qu’il rêvait « d’un Green Friday où le récit de la sobriété, de la réparation, du réemploi serait mis à l’honneur comme contre-modèle de société ». Nous y travaillons depuis 2017 certainement trop discrètement – et cette déclaration va nous donner un sérieux appui !


  1. https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/black-friday-peut-vraiment-faire-de-bonne-affaires-1574924933
  2. https://www.france.tv/france-2/journal-20h00/5390979-edition-du-vendredi-17-novembre-2023
  3. Halte à l’Obsolescence Programmée : https://www.halteobsolescence.org/
  4. https://www.zerowastefrance.org/
  5. Enquête réalisée en ligne du 8 au 10 novembre 2022 sur un échantillon représentatif de 1608 personnes âgées de 15 ans et plus

 

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