Après une hausse des tarifs réglementés de l’électricité d’environ 8,6% au 1er février dernier, on sait désormais que ceux du gaz vont connaître la même évolution dès l’été. Des annonces justifiées, selon le gouvernement, par la nécessité d’investir dans des capacités de production d’énergies renouvelables. Pourtant, ces augmentations sont loin de profiter à la filière verte ! Alors que l’accélération de la transition énergétique devrait être une priorité absolue face à la crise climatique, le secteur des énergies renouvelables pâtit d’obstacles administratifs et fiscaux toujours plus nombreux. Une situation aussi contre-productive écologiquement qu’économiquement !
Une contribution de Julien Tchernia, PDG et cofondateur d’Ekwateur
Hausse des prix : les énergies renouvelables sont les coupables idéales !
Selon la présidente de la Commission de Régulation de l’Energie, Emmanuelle Wargon, la hausse des prix du gaz prévue au 1er juillet prochain serait notamment destinée à financer le raccordement d’infrastructures de production de biogaz. Les hausses des prix de l’électricité quant à elles seraient dues en grande partie à la nécessité d’investir dans des centrales de production solaires ou éoliennes. Les énergies renouvelables sont ainsi devenues les coupables idéales d’une inflation énergétique qui pèse lourdement sur le quotidien des Français. Pourtant, la réalité est bien plus complexe et la filière des énergies renouvelables est bien loin de bénéficier de ces augmentations.
Une hausse de taxes sans compensation pour les renouvelables
Les prix de l’électricité prennent en compte principalement trois facteurs : le coût de production, le coût d’utilisation des réseaux et les taxes. La hausse qu’ont connue les ménages en février est due au rétablissement de l’une de ces taxes, la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), qui avait été réduite dans le cadre du bouclier fiscal. Une taxe dont le produit n’est plus fléché directement vers les énergies renouvelables mais vient abonder directement le budget de l’Etat.
En ce qui concerne le prix du gaz, son augmentation est due non seulement à l’augmentation du tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GRDF mais aussi au doublement de la TICGN (taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel), là encore du fait de la suppression du bouclier fiscal. Or, cette taxe s’appliquera de façon indiscriminée au biogaz comme au gaz d’origine fossile et pénalisera donc autant les consommateurs faisant le choix du renouvelable que les autres !
La garantie d’origine, un mécanisme précieux encore mal reconnu
Aucun mécanisme de soutien aux énergies renouvelables ne permet de compenser l’effet de ces hausses de prix sur les choix de consommation. Le seul outil permettant de financer directement le développement de nouvelles capacités de production de biogaz ou d’électricité verte reste la garantie d’origine, un certificat qui permet d’assurer que l’équivalent de la consommation d’énergie de chaque client.e ayant souscrit à une offre verte a été bien produite et injectée sur le réseau. Un outil précieux, reconnu au niveau Européen, mais qui n’est toujours pas reconnu en France par l’ADEME comme moyen permettant de diminuer le bilan carbone de la consommation d’énergie.
Malgré les déclarations gouvernementales pour justifier les hausses de prix, l’Etat met donc en réalité des bâtons dans les roues des acteurs de la filière des énergies renouvelables.
Une situation particulièrement incohérente en termes budgétaires étant donné que le secteur a rapporté plus de 13,7 milliards d’euros à l’Etat pour le compte de l’année fiscale 2022-2023 grâce au mécanisme de prix garanti mis en place en 2003. En une seule année, les renouvelables ont ainsi remboursé quasiment 32% des 43 milliards investis par l’État dans leur développement au cours des 20 dernières années.
Pour une incitation fiscale à la transition énergétique
Alors que les coûts prévisionnels du nouveau nucléaire ne cessent d’augmenter, il est risqué de mettre tous ses œufs dans le même EPR. Pourtant, la France est aujourd’hui en retard dans la diversification de son mix énergétique : les énergies renouvelables ne représentent que 20,2% de la consommation énergétique française soit moins que l’objectif européen de 23% fixé pour 2020. Pour atteindre le nouvel objectif de 42,5% en 2030 fixé par le Parlement européen pour l’ensemble des pays membres, la France doit donc plus que doubler ses capacités de production en 6 ans. Un défi qui exige une politique fiscale fortement incitative. Des taxes s’appliquant de façon indiscriminée aux renouvelables et aux fossiles ralentissent au contraire fortement la transition et accentuent la défiance des consommateurs envers le secteur de l’énergie dans son ensemble.
Pour atteindre ses objectifs, l’Etat français n’a plus d’autre option que de créer des conditions fiscales et administratives favorables au financement des énergies vertes ainsi qu’à l’autoconsommation à travers des crédits d’impôt, des réductions de taxes comme la TVA ou encore une suppression progressive des aides indirectes aux énergies fossiles. C’est à cette seule condition que les Français seront incités à se réapproprier durablement la question de la transition énergétique tout en en tirant un bénéfice direct.
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