Fondé en 2008 à Annecy, le leader de l’e-commerce bio Greenweez poursuit ses efforts pour promouvoir la consommation responsable. Pour Forbes France, le fondateur Romain Roy profite du 15ᵉ anniversaire pour présenter la nouvelle raison d’être de Greenweez et ses objectifs fixés en matière de durabilité. Un modèle que la startup veut exporter à travers l’Europe grâce au soutien de Carrefour, son principal actionnaire.
Comment vous est venue l’idée de Greenweez et comment le projet a-t-il évolué depuis son rachat par Carrefour en 2016 ?
Romain Roy : J’ai d’abord fait une école d’ingénieur, puis Centrale Supelec et je suis parti en Espagne pour faire mon service militaire. Je suis devenu DJ pendant un temps et dans les années 2000, je remarquais de plus en plus de mes amis montaient des start-up. J’ai donc décidé de revenir en France et de lancer ma carrière au sein d’ ISDnet, le premier opérateur IP français, qui lançait à l’époque les premiers centres d’hébergement (datacenters).
En 2003, j’ai créé G3net qui commercialisait des solutions de téléphonie sur IP pour les entreprises. Pour l’époque, c’était assez révolutionnaire et elle a été rachetée en 2007. De mon côté, j’avais toujours l’envie d’entreprendre et une volonté plus intense de retrouver du sens. Il se trouve qu’un de mes amis travaillait pour un fonds d’investissement sur des sujets d’impact et nous nous sommes associés pour créer Greenweez, en septembre 2008, pile au moment de l’irruption de la crise des subprimes. Greenweez a été créée initialement comme un site de ventes de produits écologiques non alimentaires (comme des petits panneaux solaires par exemple).
Vous comptez aujourd’hui plus 3 millions de foyers français utilisateurs à votre actif et près de 16 millions de produits bio, écoresponsables et durables ont été livrés depuis votre lancement… Comment expliquer ce succès ?
R. R. : Très vite, dès 2010, nos clients nous ont suggérer de nous diversifier en commercialisant des produits Bio, et le succès a été immédiat. Nous avons ensuite en 2020 élargi notre offre en nous lançant sur le marché frais – comprenant les fruits et légumes locaux, les alternatives végétales, la crémerie ou encore les produits traiteurs. La même année, nous lancions aussi une offre à destination des professionnels comme les entreprises, les crèches et autres structures publiques. Enfin, nous avons ouvert une marketplace sur notre site en 2021, permettant à des vendeurs tiers de commercialiser leurs produits à nos clients, et avons ainsi élargi l’offre à de nouvelles catégories.
Aujourd’hui, notre société emploie plus de 250 collaborateurs et recense plus de 170 000 produits de l’alimentaire bio, mais aussi toutes les marques éthiques et responsables dans l’hygiène, la beauté, la mode, l’ameublement, le jardin ou encore les mobilités douces et les loisirs créatifs.
En termes de financement, notre succès initial nous a permis de mener plusieurs levées de fonds successives jusqu’en 2015. À ce moment, nous pouvions soit opter pour un nouveau tour de table ou bien décider de s’adosser à un industriel. Au bout de plusieurs rencontres d’enseignes de distribution, nous avons décidé de rejoindre Carrefour. C’était une étape décisive pour notre expansion à l’international ; nous permettant de racheter nos plus gros concurrents européens comme l’espagnol Planeta Huerto en 2018 et l’italien Sorgente Natura un an plus tard.
Face à la croissance exponentielle du commerce en ligne, un modèle qui concilie scalabilité et durabilité est difficilement imaginable. Comment relever le défi ?
R. R. : La période Covid a été l’occasion de prendre du temps pour réfléchir et repenser nos valeurs. Nous avons pour notre part connu à cette époque une explosion du chiffre d’affaires mais avons également pris conscience que l’adaptabilité de notre système logistique centralisé aux forts pics d’activité était limitée (d’où l’idée de la marketplace), et réalisé en parallèle que nos engagements n’étaient plus en phase avec les enjeux climatiques et environnementaux.
Nous avons donc décidé en 2021 de devenir une Société à Mission, et structuré ainsi notre démarche d’impact en repensant notre raison d’être et en l’inscrivant dans nos statuts. Par ailleurs, nous avons rejoint la même année la Convention des Entreprises pour le Climat, et travaillé pendant plus d’un an avec 150 entreprises de toutes tailles et de tous secteurs pour définir des feuilles de route devant permettre d’ici 2030 de faire évoluer nos modèles économiques vers des modèles régénératifs, convaincus que la neutralité carbone ne suffira plus. Nous sommes conscients que notre modèle e-commerce actuel ne sera pas aussi neutre qu’on le souhaiterait à terme, mais sommes déterminés à réduire son impact (e choix de Chronopost a par exemple été fait en connaissance de ses efforts en matière de déploiement de modes de transport électrique pour la livraison). Notre prochain défi est de maximiser la mise en relation aux producteurs, en circuit court. Nous aurons ainsi contribué à éliminer de nombreux maillons de chaîne logistique et donc à réduire drastiquement notre impact. Lorsque nous aurons suffisamment densifié notre réseau de producteurs et fournisseurs, nous ajouterons cette sélection par zone à notre plateforme.
Pendant cette période d’inflation des prix, le débat sur l’encadrement des promotions en grande distribution refait surface avec en ligne de mire l’entrée en vigueur de la loi Descrozaille d’ici 2024. Est-ce que le choix du moins cher ne risque pas de l’emporter sur l’alternative durable aux yeux du consommateur ?
R. R. : La problématique du pouvoir d’achat est évidemment primordiale. L’inflation a fait gonfler le prix moyen du caddie et on peut comprendre que certains aient dû renoncer au bio. Il faut toutefois préciser que le bio est moins soumis aux pressions inflationnistes que les produits traditionnels, car ils ne dépendent pas entre autres des mêmes contraintes logistiques, et que l’écart de prix entre bio et conventionnel a de ce fait tendance à se réduire.
Dire que le bio est plus cher reste juste, si l’on compare strictement les prix de produit à produit, mais il est essentiel de comprendre qu’une alimentation plus responsable implique également de manger moins de viande, de cuisiner plus de produits bruts, et finalement consommer responsable ne coûte pas forcément plus cher. Comme n’importe quel autre distributeur, nous subissons des hausses de prix de nos fournisseurs et essayons de travailler avec eux pour que celles-ci correspondent à une réalité et pas à des anticipations de hausses futures. Dans ce combat contre l’inflation, chacun doit faire sa part mais il me semble que les marges disparaissent bien souvent dans les intermédiaires entre les producteurs et les distributeurs.
Concernant les enjeux climatiques et environnementaux, je pense qu’il est primordial d’expliquer de façon claire et non-culpabilisante pour embarquer un maximum de gens. La solution sera collective et globale, ou ne sera pas. L’avenir est à la collaboration plutôt qu’à la compétition et seule la logique écosystémique des modèles économiques à visée régénérative nous permettra d’imaginer à terme des modèles économiques plus durables et plus compatibles avec nos défis planétaires.
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