Le contexte économique demeure difficile pour les acteurs de la mode, dans un marché toujours soumis à un taux d’inflation variable. Certaines marques doivent cesser leur activité. De canaux de distribution digitaux se développent, et de nouveaux modèles d’affaires émergent. Enfin, les règlementations en matière de développement durable se multiplient pour favoriser le respect de l’environnement mais aussi pour répondre à un besoin accru de transparence, particulièrement chez les jeunes consommateurs attirés par les matières écologiques.
Une contribution de Maximilien Abadie, Chief Strategy Officer et Chief Product Officer chez Lectra
Ce contexte incite marques et fabricants de mode à évoluer. La dimension économique de leur chaîne d’approvisionnement et son empreinte environnementale ne sont désormais plus considérées comme irréconciliables, mais comme des priorités qui contribuent à parts égales à leur réussite, aussi bien en termes d’image de marque que de chiffre d’affaires. Aujourd’hui, les entreprises montrent une telle volonté de combiner RSE et économie qu’un nouveau terme est en train d’émerger pour illustrer cette approche : Éconogie.
Apparu lors des salons Techtextil et Texprocess de Francfort en 2023, ce concept associe économie et écologie. Il traduit le fait que les aspects économiques et écologiques étant de plus en plus imbriqués, les marques n’ont désormais plus à choisir entre développement durable et rentabilité.
Une approche basée sur l’Éconogie offre de multiples avantages : au-delà de son impact environnemental, elle permet aux marques de mode de bénéficier de méthodes de travail plus efficaces et de faire des économies, en restant compétitives sur le long terme dans un secteur en constante et rapide évolution.
Cette approche répond en outre aux apparentes contradictions que l’on constate chez les consommateurs, qui souhaitent privilégier des produits caractérisés à la fois par leur faible impact environnemental et un bas prix.
Comment parvenir à concilier ces attentes ? La réponse se trouve dans la technologie.
Les solutions conçues pour l’industrie 4.0 favorisent une croissance durable
L’innovation technologique est en effet devenue essentielle pour améliorer les performances sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Elle amène un changement de paradigme, puisque les entreprises peuvent passer d’un modèle basé sur l’exploitation des ressources à un modèle basé sur l’utilisation des nouvelles technologies. L’industrie de la mode a besoin des solutions de l’industrie 4.0 car ces dernières offrent une connectivité et une visibilité optimales à chaque étape de la chaîne de valeur. Elles permettent aux entreprises de prendre rapidement des décisions éclairées, avec un impact global positif.
Des technologies telles que le cloud, l’internet des objets, le big data et l’intelligence artificielle optimisent les processus et augmentent ainsi les performances, avec des avantages économiques évidents. Elles améliorent l’utilisation des ressources énergétiques et naturelles et limitent l’empreinte carbone des activités, là aussi avec des conséquences positives sur l’impact environnemental des entreprises.
Dans le secteur de l’habillement, le concept d’éconogie peut s’appliquer très en amont de la production de vêtements.
Les matières premières représentant environ 60 à 70 % du coût de production, des technologies intelligentes et connectées, à l’image des solutions de salle de coupe développées selon des principes de l’éco-conception, peuvent significativement réduire le gaspillage de matière, tout en augmentant la rentabilité globale de la production.
Les solutions technologiquement avancées pour produire à la demande limitent la surconsommation de matière, réduisent les invendus et améliorent la gestion des stocks.
Quant au processus de création, il peut à présent s’appuyer sur des logiciels à la pointe de la technologie pour optimiser la planification des collections.
De nouveaux modèles économiques plus respectueux de l’environnement
L’optimisation des dimensions économiques et environnementales ne se limite pas à la phase de production : elle englobe également d’autres actions, notamment en matière de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).
Pour les marques qui souhaitent contrôler l’origine des tissus qu’elles utilisent, particulièrement pour les matières écologiques, certifiées et recyclées, il est aujourd’hui possible de recourir à des plateformes capables d’assurer la traçabilité de ces textiles, depuis la fibre jusqu’au consommateur. De telles plateformes permettent de vérifier la conformité des processus de production à des réglementations de plus en plus strictes, et fournissent les informations nécessaires pour prendre des décisions éclairées.
Outre la volonté d’optimiser les coûts, ces progrès en matière de traçabilité sont favorisés par l’introduction de réglementations et d’outils standardisés pour évaluer l’impact environnemental. Au sein de l’UE, on peut notamment citer le passeport numérique des produits (Digital Product Passport), dont l’adoption est prévue pour fin 2025. Même si son utilisation ne deviendra obligatoire qu’en 2027, on peut s’attendre à ce que de nombreuses marques européennes souhaitent prendre les devants dès 2025. Cela suppose qu’elles puissent suivre l’intégralité du cycle de vie de leurs produits et de leurs matières, mais aussi qu’elles soient en mesure de fournir des informations transparentes à leurs partenaires comme à leurs consommateurs.
Dans cette optique, ces marques devront adapter leur modèle économique pour respecter les nouvelles réglementations et garder une longueur d’avance en matière de développement durable. Cela leur posera de nouveaux défis mais leur ouvrira aussi de nouvelles opportunités. Les diverses réglementations invitent en effet l’industrie de la mode à évoluer vers une économie plus circulaire, à privilégier des matières plus écologiques, à agir pour atteindre la neutralité carbone, à sensibiliser les consommateurs et à faire preuve d’une plus grande responsabilité sociale.
On attend aujourd’hui des entreprises qu’elles soient à la fois flexibles et polyvalentes. Elles doivent tirer parti des compétences transversales qui les aideront à gérer une complexité croissante, y compris du point de vue d’un cadre réglementaire en constante évolution. Elles doivent également saisir les opportunités offertes par les progrès technologiques, notamment lorsqu’ils favorisent la traçabilité et le développement durable. De manière générale, la technologie peut véritablement changer la donne en optimisant l’utilisation des données. Les solutions qui les centralisent et les outils capables de les analyser en temps réel aident désormais les entreprises à prendre des décisions rapides et éclairées.
En matière d’« Éconogie », les marques adoptent des stratégies très différentes. Certains acteurs se concentrent sur une production et des collections limitées à l’échelle nationale, ou investissent massivement dans une stratégie de vente omnicanale, tandis que d’autres cherchent à savoir comment l’adoption de nouvelles approches, basées sur des solutions d’industrie 4.0, peuvent répondre à leurs besoins.
Bon nombre d’entreprises du secteur de la mode débutent leur transition vers plus de durabilité, et l’accompagnement par des experts reste donc essentiel. La qualité de cet accompagnement peut s’avérer déterminante pour la réussite de ces nouvelles stratégies. L’adoption de pratiques durables doit se traduire, pour les marques, par l’opportunité d’innover, de réduire les coûts et d’améliorer la productivité – entre autres bénéfices.
En optant pour une approche basée sur l’« éconogie », les entreprises peuvent accéder à un nouvel avantage concurrentiel. Même si elle nécessite un investissement à court terme, cette démarche améliore la proposition de valeur pour les consommateurs, rend possible la mise en place d’organisations et de modes fonctionnement différents, optimise la gestion des ressources, et creuse l’écart avec la concurrence.
Cette transition amène également à s’interroger sur les évolutions de la société au cours des décennies à venir. Le facteur clé sera la capacité à transformer l’ensemble de son écosystème d’organisations partenaires, de parties-prenantes individuelles, de compétences et de technologies.
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