Le plastique jouit de nombreux avantages par rapport aux autres matériaux. Il est léger, durable et flexible. Nous l’avons donc aimé passionnément, et nous en fabriquons encore beaucoup – 340 millions de tonnes par an, selon Kjetil Bøhn, le PDG de Quantafuel, une entreprise basée à Oslo, qui fabrique des carburants plus propres à partir de plastique et d’autres déchets.
Mais le plastique tue notre terre et nos eaux, comme l’a si bien dénoncé David Attenborough dans Blue Planet II l’année dernière, avertissant que nos océans sont entrain de se transformer en véritables « soupe toxique ».
Selon certaines études, le rapport entre les déchets plastiques et la vie marine dans les océans est actuellement de 1:5, mais d’ici 2050, il atteindra les 1:1.
« Les nouvelles sont vraiment catastrophiques », déclare Bøhn. « Les gens en ont assez de voir mourir des baleines, des poissons et des phoques qui souffrent. Mais nous pouvons faire quelque chose pour que ça change ».
« La manière dont nous avons traitons les déchets plastiques jusqu’à maintenant a été ridicule », ajoute Bøhn. « Nous avons expédié beaucoup de nos déchets en Chine, mais la Chine en a aujourd’hui assez », ce qui a créé des défis considérables pour nos Etats. En Europe, environ 70% du plastique est soit brûlé, soit mis en décharge – et c’est également en Europe que le taux de recyclage est le plus élevé au monde.
« Vous avez peut-être lu quelque part que 90% de tous les déchets plastiques dans le monde qui se retrouvent dans l’océan proviennent de dix rivières d’Asie, la plupart chinoises, mais si vous étiez sur place et ramassiez un de ces bouts de plastique, vous trouveriez aussi bien des sacs Tesco provenant du Royaume-Uni que du plastique norvégien, [ou même français] qui, selon nous, ont été recyclés ».
Rien qu’en Norvège, avec une petite population de 5,25 millions d’habitants, quelque 60 000 camions à ordures transportent chaque année les déchets du pays vers l’Allemagne. Une partie est acheminée par bateau, ce qui est encore moins écologique parce que les navires utilisent du diesel lourd. Parmi le plastique recyclé, la moitié va être partiellement mise en banque en Allemagne ou ailleurs en Europe ou est réutilisée, par exemple, comme pot pour le jardin. La moitié qui n’est pas recyclée est soit brûlée, soit expédiée en Chine.
Les gouvernements du monde entier commencent à limiter l’utilisation des plastiques, en particulier ceux à usage unique, comme les gobelets en plastique dans lesquels vous emportez votre café. Quarante grandes entreprises du Royaume-Uni se sont ainsi engagées à les éliminer, notamment ceux utilisés dans la vente au détail de produits alimentaires. Mais cela ne résout toujours pas le problème de savoir quoi faire avec le plastique déjà fabriqué.
Le problème avec le plastique, c’est que dès qu’il est mélangé, sale ou que vous imprimez quelque chose dessus, il devient très difficile d’en faire autre chose. Les bouteilles en PET (polyéthylène téréphtalate) ne peuvent pas être réutilisées non plus. Un problème supplémentaire avec le plastique est que nous avons du mal à nous en débarrasser. Selon M. Bøhn, nous produisons pour l’heure 340 millions de tonnes par an et la situation ne va pas aller en s’arrangeant : d’ici à 2050, nous produirons 1124 millions de tonnes de plastique… par jour.
Quantafuel a cependant une solution. N’essayez pas ceci à la maison – mais si vous faites bouillir du plastique dans une bouilloire, vous verrez qu’il se décompose et prend une forme huileuse. Et pour cause : le plastique est essentiellement un hydrocarbure. Bøhn, fondateur et ancien PDG d’Agrinos AS – une entreprise de biologie agricole située dans 10 pays – a collecté un total 250 millions de NOK (soit 26 millions d’euros) pour financer l’expansion de Quantafuel. La société prévoit d’entrer en bourse à Oslo à la mi-2019. Quantafuel utilise son propre système catalytique pour adapter différents procédés chimiques en convertissant des matériaux contenant du carbone de faible valeur – principalement mais pas exclusivement en plastique – en carburants synthétiques de haute qualité.
Cet automne, Quantafuel va ouvrir sa première usine européenne à Skive, dans le nord du Danemark. Des déchets de carbone, principalement en plastique, seront utilisés afin de créer un combustible propre et à faible teneur en carbone. L’entreprise possède déjà une technologie dont elle est propriétaire dans une usine pilote à Sonora, au Mexique, avec un partenaire local. Elle fabrique en outre 800 litres de diesel synthétique à partir de 1 000 kilos de déchets plastiques. Et le diesel synthétique réduit les émissions de gaz à effet de serre de 66%.
L’usine danoise produira initialement 14 000 tonnes de combustible propre par an, avant de produire 90 tonnes de carburant à partir de 120 tonnes de plastique par jour. Une usine norvégienne juste à l’extérieur d’Oslo est également en construction. Quantafuel devrait se développer en Europe puis aux États-Unis. La société a été approchée par un certain nombre de producteurs d’énergie européens car l’UE a stipulé que les sources d’énergie renouvelables devraient représenter 20% de la consommation énergétique européenne totale d’ici 2020.
Les promoteurs du secteur de la plasturgie, en pleine expansion et estimé à 1,9 milliard de dollars (1,6 milliard d’euros) d’ici à 2024, ont déclaré que leur technologie contribuerait à empêcher les déchets plastiques de pénétrer dans nos océans et d’évacuer les sites d’enfouissement. En dépit d’une certaine opposition de l’utilisation des plastiques locaux pour alimenter les projets, comme le rapporte le Guardian, étant donné que le monde a besoin de carburant propre et ce dans un avenir très proche, l’utilisation des hydrocarbures pour produire de l’énergie est absolument logique. Le processus de production de Quantafuel réduit les émissions de carbone de l’énergie produite de 80% et est considérablement moins dommageable pour l’environnement que l’extraction de pétrole et de gaz.
Quantafuel n’est pas la seule entreprise à fabriquer du carburant plus propre à partir de plastique. Mais Bøhn soutient que ses systèmes catalytiques brevetés lui confèrent un net avantage par rapport aux concurrents et que la taille du marché au cours des 25 prochaines années offre suffisamment d’espace pour plusieurs entreprises. Il envisage d’étendre l’influence de l’entreprise jusqu’aux États-Unis, avant le reste du monde. Quantafuel a également établi un partenariat stratégique avec Vitol, le plus grand négociant en énergie indépendant du monde, pour être le distributeur exclusif du carburant à faible teneur en carbone produit par les usines de recyclage de Quantafuel.
Il y a beaucoup de savoir-faire en Norvège en ce qui concerne la fabrication d’huile, et l’équipe de Quantafuel, composée de 17 membres et de son conseil d’administration, ne se limite pas à sa juste part. Et dans ce pays qui est l’un des plus grands producteurs de pétrole au monde et le troisième plus grand producteur de gaz, maintenant dédié au dépassement du pétrole, la demande de carburants propres est encore plus forte.
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits