Multimodalité et moyens de transport propres sont les deux faces d’une même médaille : celle qui permettra de contribuer significativement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Sous la pression de l’opinion et dans un contexte de fièvre innovationnelle, les progrès arrivent et les premiers projets opérationnels voient le jour.
Dans le très polluant secteur des transports, l’un des principaux atouts en faveur d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre repose sur une complémentarité plus affirmée entre les différents modes de transport qui s’offrent aux passagers. L’intermodalité aspire ainsi à mieux relier les modes de transport les plus polluants aux moins polluants sur tout ou partie des trajets, afin d’encourager l’usage des seconds. La quête d’une meilleure complémentarité entre l’avion et le train est, à ce titre, très significative. Et partiellement ignorée par les pouvoirs publics. Une récente étude du cabinet BearingPoint démontre ainsi la complémentarité et l’intérêt climatique d’une meilleure intermodalité train et avion dans un contexte français, tout en soulignant les difficultés à son développement.
La complémentarité train-avion demeure encore partiellement un impensé en France
En France, si la réflexion est engagée depuis longtemps, on avance encore lentement dans la possibilité offerte de réserver d’emblée un voyage avion + train et plus lentement encore dans la possibilité d’accéder aisément à l’un lorsque l’on vient de quitter l’autre. Progrès significatif néanmoins, Air France a promis qu’avant la fin de l’année, une réservation commune sera accessible sur une centaine de ses lignes, via un billet numérique déjà testé depuis quelques mois sur la liaison CDG-Lille, notamment. D’ailleurs ces dernières années, l’accès à la gare TGV de Roissy s’est progressivement simplifiée, même si les voyageurs aériens doivent toujours faire la queue (souvent très longue) devant un guichet automatique s’ils veulent emprunter un transport public vers la capitale. On est encore loin de pouvoir bénéficier du même service de correspondance entre un vol long-courrier et un vol court-courrier qui permet de faire le trajet de bout en bout non seulement sans passer devant un guichet ni avoir à récupérer son bagage et avec la garantie d’être réenregistré automatiquement sur le vol court en cas de retard du vol longue distance.
En termes de service, on est encore également loin en France, semble-t-il, d’avoir la possibilité offerte dans certaines grandes villes asiatiques, Kuala Lumpur par exemple, de s’enregistrer et de laisser son bagage au guichet de la compagnie aérienne nationale dont le comptoir est installé au cœur même, en centre-ville. De fait, cette gare dessert l’aéroport via une navette directe, confortable et extrêmement rapide équipée et d’un wifi à haut débit. C’est l’un des wagons de cette navette qui sert à transporter – de façon sécurisée mais sans requérir l’attention de leurs propriétaires – les bagages ainsi enregistrés dès le début effectif de son voyage…
Le train au cœur de l’aéroport
Pour autant, en France, cette complémentarité – baptisée multimodalité – est appelée à se développer de façon significative, tant les enjeux climatiques, mais également économiques, poussent à ce rapprochement. Suivant ainsi une tendance européenne où la libre-circulation intérieure, la robustesse des réseaux ferrés à grande vitesse et la qualité des aéroports en font un terreau fertile. Et, contre toute attente, c’est l’Europe centrale qui montre l’exemple et fait sortir de terre le premier projet d’ampleur. A cet égard, le projet le plus emblématique de cet inéluctable rapprochement programmé entre différents moyens de transport est sans conteste le Centralny Port Komunikacyjny (CPK), lancé formellement par le gouvernement polonais en 2017.
Il s’agit tout d’abord de construire un aéroport international flambant neuf au cœur du pays, mais aussi d’ajouter au cœur de cette réalisation une gare d’où partiront 2 000 kilomètres de liaisons ferroviaires nouvelles, la plupart empruntées par des trains à grande vitesse. Enfin, cet ensemble sera complété par plusieurs centaines de kilomètres de routes qui relieront ce nouvel aéroport aux principales artères, notamment autoroutières, du pays. L’Etat polonais a prévu d’assurer une partie des financements qui devraient être complétés par des financement Européens – la Communauté a d’ores et déjà accepté de financer en partie les travaux de conception – mais aussi des investissements privés, notamment en termes de logistique (hôtels, restaurant, commerces, etc…). De fait, il s’agit bien d’un projet totalement structurant pour la Pologne – CPK remplacera à terme l’aéroport international actuel de Varsovie puisque la capitale polonaise sera accessible en seulement 15mn – mais également pour toute la région PECO
Ainsi, le nouvel ensemble, situé au cœur de l’Europe, offrira un accès direct plus rapide à l’ensemble de la Communauté Européenne. Prévu pour accueillir 40 millions de voyageurs par an dès son ouverture, ce projet portera donc, à l’évidence, une concurrence nouvelle aux aéroports européens occidentaux qui aujourd’hui assurent nombre de ces liaisons intra-européennes, aériennes ou ferroviaires.
Dans les pays d’Europe occidentale où les infrastructures de transport sont déjà très développées, l’évolution vers la multimodalité se fera de façon plus progressive et surtout moins radicale. A l’image de l’accord signé l’été dernier entre la compagnie aérienne SWISS et les Chemins de Fer fédéraux suisses CFF. De cet accord est né une nouvelle entité SWISS Air Rail qui regroupe tous les efforts du pays en termes de multimodalité. C’est ainsi que Swiss Air Rail prévoit d’intégrer la gare centrale de Munich, en Allemagne, à son réseau intermodal existant avec pour résultat de proposer une réservation unique pour les passagers de SWISS au départ ou à l’arrivée de Zurich qui voudront donc finir (ou entamer) leur trajet vers Munich. Le coût du billet de train sera intégré à celui du transport aérien, avec les mêmes possibilités de réenregistrement en cas de soucis sur l’une des étapes. Des facilités qui s’étendront aux salons des classes affaires de la compagnie aérienne pour ceux qui voyagent de façon équivalente dans le train. Le trajet en train pourra même rapporter des « miles » de SWISS lorsqu’ils voyageront en train… Cette offre devrait progressivement s’étendre aux passagers de l’aéroport de Genève et plusieurs autres villes Suisses.
L’avion propre …en 2035
Reste que, pour contribuer à décarboner davantage encore les modes de transport, ceux-ci doivent devenir moins émetteurs de gaz à effet de serre. Si la mutation est déjà largement engagée avec le train -désormais essentiellement propulsé à l’électricité- et la voiture électrique qui commence à prendre son essor, l’avion propre n’est pas encore pour demain.
Même si le mouvement est bel et bien lancé là aussi. En septembre dernier, le patron d’Airbus, Guillaume Faury, annonçait que le premier vol commercial, neutre en carbone, serait probablement pour …2035, avec une phase de conception de prototypes entamée vers 2025. Et encore, si c’est l’avion à hydrogène qui est pour l’instant privilégié, il ne remplacera pas tous les modèles, notamment ceux assurant des vols long-courriers avec plusieurs centaines de personnes à bord.
Ces prévisions prudentes n’ont pourtant pas empêché, en octobre dernier, 193 pays de s’engager à atteindre la neutralité carbone dans l’aviation civile en 2050. Il faudra donc pour cela non seulement engager des investissements considérables (a priori 1 500 milliards de $/€ d’ici là) mais ne pas explorer uniquement l’avion à zéro émission. Si la lettre d’intention des pays de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) signataires de l’engagement ne le précise pas, les carburants alternatifs, fabriqués via une électricité « verte » participeront à l’évidence à l’équation retenue. Autre option : l’attrition. En septembre dernier, le P-DG d’Aéroports de Paris lui-même, Augustin de Romanet, déclarait que « si le trafic aérien devait décroître ce ne serait pas une tragédie existentielle pour nous ». A condition que ce soient les plus gros voyageurs qui réduisent leur consommation de voyages aériens : 1% de ceux-ci représenteraient …50% des émissions !
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