CLIMAT | Quelques heures à peine après son investiture, Joe Biden a signé un décret pour réengager les États-Unis dans l’Accord de Paris sur le climat. Les 195 États signataires de cet accord œuvrent pour réduire l’utilisation de combustibles fossiles nocifs pour la planète, tels que le charbon, le pétrole ou le gaz naturel. L’objectif est de maintenir l’augmentation de la température mondiale à un niveau bien inférieur à 2 degrés Celsius (de préférence à 1,5 degré Celsius) par rapport aux niveaux préindustriels. Le réengagement des États-Unis dans l’Accord de Paris est une bonne nouvelle pour les aéroports et leurs usagers, car selon une récente étude anglaise, publiée dans le journal Climate Risk Management, une augmentation de la température mondiale de 2 degrés Celsius risquerait de modifier à jamais l’industrie aéronautique.
Les États-Unis reviennent dans l’Accord de Paris à un moment crucial. La dernière décennie a été la plus chaude jamais enregistrée sur Terre. En outre, ces dernières années le cercle arctique a battu des records de température. Tous ces facteurs ont provoqué une élévation du niveau de la mer, avec des répercussions sur les côtes du monde entier. Selon le rapport récent Sea Level Rise Report Card, élaboré par le William & Mary’s Virginia Institute of Marine, non seulement le niveau de la mer le long des côtes américaines augmente plus rapidement qu’auparavant, mais l’on peut s’attendre à ce qu’il grimpe encore de 50 cm d’ici 2050. Cela représenterait une hausse de plus de 48 cm en moins de 30 ans.
Richard Dawson et Aaron Yesudian, professeurs au sein de la Newcastle University’s School of Engineering, ont recensé plus de 14 000 aéroports à travers le monde qui risquent d’être touchés par l’élévation du niveau de la mer. Pour ce faire, ils ont pris en considération l’emplacement des aéroports et leur exposition au risque de tempêtes, en fonction du niveau de la mer actuel et futur. Les deux chercheurs ont également étudié le risque d’inondations si le niveau de la mer atteint un seuil extrême, et les répercussions sur les vols des mesures actuelles de prévention des inondations.
Ainsi, ils ont recensé près de 270 aéroports à travers le monde en situation de danger d’inondations côtières en cas d’élévation du niveau de la mer. Une hausse de la température mondiale supérieure à 2 degrés Celsius provoquerait la disparition de 100 aéroports, qui se trouveraient ainsi sous le niveau de la mer, et exposerait 364 aéroports à un risque d’inondations. Si les parties à l’Accord de Paris échouent à mettre en œuvre les objectifs formulés et que la hausse de la température moyenne mondiale dépasse 2 degrés Celsius, alors 572 aéroports pourraient disparaître d’ici 2100.
Dans leur étude, les professeurs Richard Dawson et Aaron Yesudian listent les nombreux facteurs qui rendent les aéroports particulièrement vulnérables à l’élévation du niveau de la mer. Les villes sont souvent situées près des côtes et les aéroports qui les desservent sont souvent construits sur des zones de faible élévation, et cela pour une raison pratique : il est plus facile de trouver de vastes étendues relativement plates dans des zones de faible élévation, où les trajectoires de décollages et d’atterrissages réduisent le risque de collision. De ce fait, de nombreux aéroports sont construits sur des terres gagnées sur la mer : des zones côtières humides, des prairies marécageuses ou des plaines inondables.
S’appuyant sur les recherches menées en 2019 par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui montrent à quelle vitesse le niveau de la mer augmente le long de la majorité des côtes mondiales, Richard Dawson et Aaron Yesudian affirment que le risque pour les aéroports situés sur des zones de faible élévation va inévitablement s’accroître.
Selon le modèle élaboré par les deux professeurs, les 20 aéroports le plus à risque face au changement climatique sont tous situés en Asie du Sud-Est et de l’Est. En haut de la liste, on trouve l’aéroport de Bangkok-Suvarnabhumi (BKK) en Thaïlande et l’aéroport international de Wenzhou-Longwan (WNZ) en Chine. Au total, c’est la Chine qui compte le plus d’aéroports parmi les 20 premiers du classement, dont l’aéroport international de Shanghai Hongqiao (SHA).
En Europe, l’aérodrome de Corvo (CVU), situé dans l’archipel portugais des Açores, est l’aéroport le plus vulnérable, suivi par l’aéroport de Brême (BRE) en Allemagne. Au Royaume-Uni, l’aéroport de Londres-City (LCY) présente le plus grand risque. Si toutes les mesures de prévention contre les inondations étaient retirées, l’aéroport d’Amsterdam-Schipol (AMS) aux Pays-Bas serait le plus vulnérable, néanmoins il bénéficie actuellement d’une protection contre une inondation comme il s’en produit une fois tous les 10 000 ans.
Les États-Unis comptent cinq aéroports à risque parmi les 100 premiers du classement : l’aéroport international Louis Armstrong de La Nouvelle-Orléans (MSY), l’aérodrome de Nightmute en Alaska (NME), l’aéroport de Key West en Floride (EYW), l’aéroport international de La Guardia (LGA) et l’aéroport international de Newark-Liberty (EWR), les deux derniers situés dans la région de New York.
L’élévation du niveau de la mer n’est pas uniquement un problème côtier. En effet, ce phénomène a des répercussions non seulement sur les aéroports, mais également sur l’industrie aéronautique dans son ensemble. Selon le professeur Richard Dawson, « l’importance des aéroports côtiers dans le réseau aérien mondial est disproportionnée, et d’ici 2100, entre 10 et 20 % des lignes seront interrompues. L’élévation du niveau de la mer constitue donc un risque sérieux pour les flux mondiaux de passagers et de marchandises, avec des répercussions considérables en ce qui concerne le trafic aérien et les interruptions de lignes. » Richard Dawson et Aaron Yesudian estiment que près d’un cinquième des lignes aériennes pourraient être touché.
Les deux chercheurs prévoient que certains aéroports de petite taille ou situés sur les côtes vont disparaître des cartes, car il ne sera pas financièrement viable de les sauver. Certaines régions seront plus particulièrement touchées, car leurs aéroports « permettent actuellement d’apporter un lien économique, social et médical crucial », selon les deux scientifiques.
Au contraire, les aéroports de plus grande taille sont généralement bien protégés et ils bénéficient plus facilement de financements pour adapter leurs infrastructures. « Par rapport aux dépenses mondiales en termes d’infrastructures, le coût de l’adaptation est modeste », a déclaré le professeur Richard Dawson.
Environ 1000 aéroports le long des côtes, exploitant cinq routes commerciales ou moins, sont vulnérables. Toujours selon le professeur Richard Dawson, « dans certains endroits, le taux d’élévation du niveau de la mer, les ressources économiques limitées ou encore l’absence d’espace pour d’autres emplacements rendront certains aéroports non viables. »
Article traduit de Forbes US – Auteure : Suzanne Rowan Kelleher
<<< À lire également : Changement climatique : le lourd prix de l’inaction
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits