Fin octobre, la Fédération des entreprises du recyclage annonçait dans son rapport annuel un bilan 2018 en demi-teinte. En cause notamment, des problèmes de débouchés pour certaines matières telles que le papier-carton ou les métaux ferreux. Qu’en est-il de la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques ? Dans un contexte d’élaboration de projet de loi « économie circulaire », c’est le moment de mettre en place des mesures efficaces pour faire évoluer les comportements et proposer d’autres modèles de consommation. Par Pierre-Emmanuel Saint-Esprit.
Premier constat, les chiffres. 93 % des ménages français sont équipés de téléphones portables (1). Téléphones que nous renouvelons environ tous les 22 mois, alors que leur durée de vie moyenne est estimée à quatre ans selon l’UNEP(2). Le marché du téléphone portable, tout comme celui des autres produits électroniques, se porte donc très bien. Conséquence : les Français consomment chaque année 23 kg de déchets électriques et électroniques. Six kilos de plus qu’il y a quatre ans. Second constat, la fabrication représente 70 à 85 % de l’empreinte carbone d’un produit électronique (3). Par exemple, un smartphone nécessite plus de 70 kg de matières premières. Peut-on décemment continuer à consommer ainsi ?
Consommer responsable n’est plus aujourd’hui réservé à une poignée de citoyens et citoyennes, soucieux de satisfaire leur conscience écologique. C’est un enjeu de société, mais qui suscite des questions. Si les solutions existent, toutes n’ont pas le même impact positif sur l’environnement. Dans le cadre du projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire présenté à l’Assemblée en ce mois de décembre, il s’agit de ne pas se tromper de combat et de reconsidérer pour cela certaines idées reçues.
Première idée reçue : le recyclage, c’est bon pour la planète
Le recyclage est un premier pas pour lutter contre le gaspillage, mais il est loin d’être la bonne solution. A l’échelle mondiale, près de 45 millions de tonnes de déchets sont produits chaque année (4). L’équivalent de 4500 Tours Eiffel ! Or, seulement 20 % des déchets sont pris en charge (5). Le reste disparaît dans la nature polluant les sols et les eaux. Quant au processus de dépollution des déchets – collecte, tri, démontage… -, il est long, coûteux et très énergivore.
Deuxième idée reçue : produit inutilisé rime avec déchet
Nous sommes pour favoriser le réemploi. Selon une étude de l’Ademe, 30 millions de téléphones portables dorment dans nos tiroirs. Autant de téléphones qui pourraient être remis en circulation une fois réparés et remis à neuf. Mais les produits ne sont pas facilement réparables, voire, le prix de réparation est plus élevé que l’achat d’un nouvel appareil. Il est de la responsabilité des constructeurs de revoir leurs processus de fabrication pour en finir avec l’obsolescence programmée. La mise en place d’un indice de réparabilité, à l’instar de l’électroménager, est également un excellent moyen de guider le consommateur vers des produits plus « responsables ».
Enfin, encourageons la réparation en imposant une disponibilité obligatoire de cinq ans pour les pièces détachées des téléphones et ordinateurs portables, trop souvent victimes d’un renouvellement accéléré.
Troisième idée reçue : le reconditionné n’est pas de bonne qualité
Le marché des appareils reconditionnés connaît une forte croissance : +13 % pour les smartphones en 2017 contre 3 % pour les neufs. Mais nous pouvons faire mieux. Les produits reconditionnés souffrent d’une image de mauvaise qualité qui joue négativement sur la confiance des consommateurs. Il est essentiel de poser une définition claire du terme « reconditionné ». Basé sur un ensemble de critères de qualité à respecter, cela permettra de renforcer la fiabilité des produits et de valoriser cette filière. C’est un des amendements qui a été proposé d’ajouter dans le projet de loi « économie circulaire » et qui a d’ailleurs été voté en commission par les députés.
Nous sommes sur la bonne voie. La loi sur l’économie circulaire est une formidable opportunité de changer notre façon de produire et de consommer. Ne manquons pas l’occasion de mettre en place dès aujourd’hui les mesures qui permettront à tous, gouvernement, entreprises, citoyens et citoyennes, d’adopter les vraies bonnes pratiques, plus responsables et respectueuses de la planète.
Tribune par Pierre-Emmanuel Saint-Esprit, Co-fondateur et CEO de HelloZack
(1) INSEE
(2) UNEP, Programme des Nations Unies pour l’environnement
(3) HOP 2019
(4) Université des Nations Unies 2016
(5) ConsoGlobe
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