De l’hydrogène naturel caché sous les sols français ? L’heure est à l’exploration sur le territoire pour confirmer ce potentiel eldorado avant l’espoir d’une exploitation commerciale. Plusieurs entreprises françaises entendent bien puiser dans leurs ressources pour mener à bien cette mission d’envergure mondiale qui pourrait grandement aider à panser les plaies de la planète.
Et si l’hydrogène blanc devenait l’or pâle de demain ? Egalement « hydrogène naturel » ou « hydrogène natif », l’hydrogène blanc est une ressource naturelle qui ne résulte pas d’une transformation issue du gaz ou de l’électrolyse, donc d’un procédé humain. L’hydrogène blanc présente ainsi deux avantages de taille par rapport aux autres types d’hydrogène : contrairement à certaines méthodes de fabrication telles que le vaporeformage, sa production ne s’accompagne d’aucune émission de dioxyde de carbone, car il est généré naturellement par la Terre. Selon de nombreux experts, les sources naturelles d’hydrogène blanc seraient assez importantes pour satisfaire les besoins en hydrogène de toute la planète. De quoi faciliter grandement la transition écologique.
L’engouement pour l’hydrogène naturel, ou blanc, est maintenant sorti des sphères académiques et industrielles spécialisées pour atteindre le grand public. Longtemps controversée, l’idée qu’il existe de l’hydrogène naturellement dans le sol et qu’il est possible de l’exploiter est désormais indéniable. C’est l’entreprise canadienne Hydroma, dans sa qualité de pionnière, qui a décrypté cette possibilité en 2012, lorsqu’elle installe ses premiers puits au Mali.
Depuis, l’enthousiasme a pris une dimension mondiale. En France, Emmanuel Macron lui-même a annoncé en décembre dernier, à l’occasion des deux ans de France 2030, des « financements massifs pour explorer le potentiel de l’hydrogène blanc », avant d’ajouter « on ne peut pas laisser dormir cette ressource », et affirmant que « la France peut devenir un des pays pionniers dans cette énergie du futur ». En France, diverses sources d’hydrogène blanc ont été détectées dans plusieurs zones telles que la Drôme, la Côte-d’Or, la Lorraine, le Cotentin ou encore les Pyrénées. Si un vaste travail d’exploration doit encore être réalisé, les gisements seraient gigantesques.
Un eldorado potentiel sur le sol français
Précédent cette annonce du Président de la République, un arrêté du Journal Officiel en date du 23 novembre accordait un permis exclusif de recherches de mines d’hydrogène natif, hélium et substances connexes dit « Sauve Terre H2 » dans le département des Pyrénées-Atlantiques. Ce permis a été accordé à la startup TBH2 Aquitaine, qui s’intéresse au potentiel du Béarn, région marquée par la présence de roches mantelliques à faible profondeur. Le permis concerne une zone de 225 km² dans tout le département. Les travaux d’exploration, d’une durée de cinq ans, devraient permettre d’en savoir plus sur les quantités potentielles d’hydrogène cachées dans le sous-sol béarnais. Les sociétés Storengy, filiale d’Engie, et 45-8 Energy ont déposé ensemble une demande de permis de recherches, également dans les Pyrénées-Atlantiques, pour une zone de 266 km² mitoyenne sur dix kilomètres de celle que va prospecter TBH2 Aquitaine. Un autre a été déposé dans l’Ain et le Puy-de-Dôme par la société Sudmine.
Mais le potentiel le plus important se situe plus au nord-est. En Lorraine, le gisement pourrait atteindre 46 milliards de tonnes avec une capacité « d’auto-génération » importante compte tenu de la teneur du sol en molécules d’eau et en minéraux composés de carbonate de fer qui, une fois combinés, génèrent la réaction produisant l’hydrogène. Le processus chimique étant extrêmement rapide, de quelques semaines à quelques mois, la ressource pourrait être quasi infinie, selon des informations du média spécialisé H2 Mobile. Ce gisement colossal dans le sous-sol lorrain équivaudrait à plus de la moitié de la production mondiale actuelle. A titre de comparaison, l’ambition européenne est d’atteindre 10 millions de tonnes d’hydrogène vert à horizon 2030. Plusieurs entreprises s’intéressent donc à l’hydrogène naturel en Lorraine, dont la Française de l’Énergie (FDE). Les équipes de la FDE ainsi que le laboratoire GeoRessources de l’Université de Lorraine auraient découvert des réserves colossales d’hydrogène naturel dans le bassin minier lorrain de Folschviller, en mai 2023. Cette découverte a donné naissance au programme REGALOR II, mené en collaboration entre la FDE et le laboratoire GeoRessources. Celui-ci débutait en avril 2024 pour une durée de trois ans et permettra de mesurer plus finement les gisements et les différents processus d’exploitation.
Des retombées écologiques et économiques colossales
L’hydrogène est attendu comme le sauveur dans de nombreux secteurs, notamment celui de la mobilité, pour parvenir à la décarbonation. Car les transports dépendent encore beaucoup des énergies fossiles. Le chemin est encore long pour l’hydrogène, mais les grands groupes investissent dans cette source d’énergie et se montrent confiants.
Selon France Hydrogène, qui rassemble les principaux acteurs de la filière dans l’Hexagone, le secteur pourrait représenter d’ici à 2050 un chiffre d’affaires de 40 milliards d’euros et employer plus de 150 000 personnes. Mais l’un des freins au déploiement de l’hydrogène est son prix. Actuellement, l’hydrogène le moins coûteux et le plus répandu, appelé « hydrogène gris » est produit grâce aux énergies fossiles (pétrole, gaz naturel et charbon). Sa production génère donc énormément de CO2. Il est également possible d’en produire par électrolyse de l’eau, une méthode beaucoup plus coûteuse, mais sur laquelle la France compte s’appuyer, avec une enveloppe de 9 milliards d’euros investie d’ici à 2030. La production de l’hydrogène blanc pourrait être trois fois moins chère que celle de l’hydrogène gris, grâce à ses propriétés naturelles, et pourrait donc renverser la situation dans les années à venir. Si un seul site produit actuellement de l’hydrogène blanc, au Mali, l’exploration des sous-sols béarnais et lorrains pourrait changer la donne dans les années à venir et propulser la France vers une véritable révolution énergétique.
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