Une électricité hyper compétitive en Europe ? Une électricité qui frôle souvent le zéro euro du mégawattheures (MWh) ? Ce n’est plus un rêve, c’est une réalité. Et elle est produite majoritairement grâce aux énergies renouvelables.
Une contribution de Julien Tchernia, co-fondateur et PDG d’Ekwateur, sur les prix de l’énergie en Europe.
Les prix spot (tarif de l’électricité demi-heure par demi-heure), en Espagne et au Portugal ont battu des records entre fin février et fin mai. Le pic a été atteint entre le 26 avril et le 10 mai avec une moyenne de 3,14 euros du MWh en Espagne, et de 2,89 euros au Portugal. Quand on met ces prix en regard avec les 1000 € du MWh en France au plus fort de la crise, c’est vertigineux. Et même en se contentant de les comparer aux 59,5 € /MWh du nucléaire français en dehors des périodes de crise selon la Cour des comptes, c’est très impressionnant.
Durant la période, les prix espagnols et portugais ont même été négatifs sur certaines plages horaires, ce qui signifie que, pour se débarrasser de l’excédent d’électricité, les producteurs payent les acheteurs ! A titre de comparaison, la France connaissait, au même moment, un tarif moyen de 21 euros du MWh, l’Allemagne de 54,5 €/MWh.
Les deux pays de la péninsule ibérique ont bénéficié d’une “perfect storm” : un alignement des conditions climatiques qui a permis une production optimale de leurs énergies renouvelables. Un ensoleillement et des vents favorables notamment. Une situation également due à des conditions hydriques favorables. Les turbines tournent à fond, la production augmente, les prix chutent ! Cela montre le potentiel des énergies renouvelables, qui doivent prendre leur part dans les mix énergétiques nationaux.
Et surtout, la déflation ne date pas d’aujourd’hui, elle trouve son origine dans un changement systémique.
Espagne et Portugal, pays les plus compétitifs d’Europe
Le décrochage des deux pays débute mi 2022. A ce moment-là, l’Espagne et le Portugal obtiennent une dérogation de la part de l’Union européenne qui leur permet de plafonner le prix du gaz qui entre dans la production électrique. Entre juin 2022 et mars 2023, ce dispositif a permis aux pays d’avoir des prix deux voire trois fois moins chers, au plus fort de la crise, comparé au reste de l’Europe. Malheureusement cette baisse était fictive puisque financée par les impôts des Espagnols.
La suite est plus intéressante. A partir d’avril 2023, adieu le bouclier gazier, la crise s’érode, les prix diminuent progressivement à travers l’Europe. Et pourtant, la péninsule ibérique maintient, globalement, des prix inférieurs à ses voisins. Entre mars 2023 et fin février 2024, début de la “perfect storm”, les prix spot espagnol étaient de 81 euros le MWh, les prix portugais de 83 euros, derrière la France (85,7 euros/MWh), et l’Allemagne (87 euros/MWh). Puis vient la “perfect storm” avec, comme expliqué ci-dessus, des prix spots à environ 3€/MWh pendant 3 semaines, de jour comme de nuit, de minuit à minuit ! Cela fait de l’Espagne et du Portugal les pays les plus compétitifs d’Europe depuis juin 2022.
Avant la crise de l’énergie, en 2020, les prix de l’électricité étaient plus élevés dans les deux pays avec une moyenne sur l’année de 34 euros/MWh pour l’Espagne et le Portugal, contre 32,20 pour la France et 30,5 pour l’Allemagne. Que s’est-il passé depuis 2020 ?
Intense développement des énergies renouvelables
Durant l’année 2023, l’Espagne a augmenté de 8 points la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique, passant de 42,2% à 50,4% en seulement un an. Ce développement devrait d’ailleurs continuer et représenter 74% de l’énergie produite en 2030, selon les objectifs du Plan National Intégré pour l’Énergie et le Climat (PNIEC) mis en application par le président Pedro Sanchez.
Dans le même temps, la production électrique à partir des centrales à gaz a reculé de 7 points dans le mix énergétique du pays, pour finir à 17,2% de la fourniture. Une décision qui permet d’être moins touché par les fluctuations du prix du gaz, dépendant des mouvements de marché (crise de 2008), d’aléas géopolitiques (crise Ukrainienne) ou encore de changements brutaux de politique énergétique (le Japon après Fukushima). Choix doublement payant car les coûts de production des centrales à gaz sont bien plus élevés que ceux du renouvelable.
La situation du Portugal est identique. Le pays a battu un nouveau record de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables en 2023, ces dernières représentant 61% du mix énergétique.
Les coûts de production des renouvelables sont imbattables. Lors de leurs pics de disponibilité, les prix sont au plus bas. Durant la période analysée, la France a connu des problèmes liés à la corrosion sous contrainte des centrales nucléaires. L’atome connaîtra d’ailleurs des soucis de disponibilité à l’avenir. Selon la Cour des comptes, le réchauffement des eaux et la réduction des débits fluviaux, servant notamment à refroidir les réacteurs, multiplieront de 3 à 4 fois les arrêts des centrales pour cause climatique. Enfin, l’Allemagne paye aujourd’hui au prix cher son mix énergétique encore très dépendant du fossile.
Il ne fait maintenant plus aucun doute que le renouvelable est la clef de l’énergie à bas prix, et de l’indépendance énergétique. Si on veut défendre le pouvoir d’achat des français il faut accélérer son déploiement. A rebours de ce qui est proposé aujourd’hui par le RN, pourtant aux portes du pouvoir.
À lire également : Future of sustainibility | Juin sous la pluie : entre précipitations et réalité climatique
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits