Selon une nouvelle étude menée en Europe sur le changement climatique, il est faux d’affirmer que mettre fin à l’utilisation de combustibles fossiles entraînerait des coûts économiques importants.
Lorsque les politiciens et les experts s’expriment sur le changement climatique, ils réduisent régulièrement ce défi à une question de compromis : mettre fin à l’utilisation des combustibles fossiles entraînera d’importants coûts économiques. Cependant, une nouvelle étude menée en Europe suggère que ce raisonnement est faux.
Selon le think-tank sur la recherche énergétique Ember, l’expansion massive du système électrique européen en multipliant par quatre la production d’énergie renouvelable et la construction d’infrastructures électriques pourrait permettre à l’Europe d’économiser plus de 950 milliards d’euros d’ici 2035. Une telle stratégie assurerait la sécurité énergétique et un air plus pur en Europe.
Les chercheurs d’Ember ont modélisé l’ensemble du système électrique européen afin de trouver la voie énergétique la moins coûteuse jusqu’en 2050, date limite à laquelle les économies de l’Union européenne (UE) sont légalement tenues d’avoir des émissions nettes de carbone nulles. Les chercheurs ont constaté que, dans tous les scénarii les moins coûteux, l’Europe disposait d’un réseau électrique propre presque entièrement exempt de combustibles fossiles d’ici 2035, avec 95 % de sources à faibles émissions et entre 70 et 80 % de la production d’électricité provenant de l’énergie éolienne et solaire.
« La mise à l’échelle de l’énergie non polluante est une solution triplement gagnante », déclare Chris Rosslowe, analyste principal en matière d’énergie chez Ember. « Cela permettra d’économiser de l’argent, de mettre l’Europe sur la voie de ses engagements climatiques et de réduire la dépendance du continent aux combustibles fossiles importés. L’Europe devrait investir maintenant pour avoir un important retour sur investissement d’ici 2035. »
Par rapport à l’actuel programme énergétique européen qui prévoit l’expansion des combustibles fossiles, la solution alternative modélisée par les chercheurs ferait quadrupler la production d’énergie éolienne et solaire d’une année sur l’autre. En outre, une telle stratégie favoriserait le développement d’infrastructures, en doublant notamment les interconnexions électriques (les « pipelines » d’électricité entre les pays). Au cours des tests de résistance, les chercheurs ont constaté que le système électrique centré sur les énergies renouvelables restait stable et efficace, même lorsqu’il était soumis à de longues périodes sans vent ni soleil. Outre les économies non négligeables qu’un tel système électrique permettrait de réaliser, « il améliorerait considérablement la souveraineté énergétique de l’Europe à un moment où la réduction de la dépendance aux combustibles fossiles est une priorité urgente pour le climat, l’économie et la sécurité », écrivent les auteurs de l’étude.
Selon Chris Rosslowe, le scénario a surtout montré que l’« intermittence » de l’énergie éolienne et solaire, lorsque le vent ne souffle pas ou que le soleil ne brille pas, ne nécessiterait pas de sources d’énergies conventionnelles « répartissables » supplémentaires, telles que les turbines au gaz naturel.
« En réalité, nous constatons qu’au fur et à mesure que nous développons l’éolien et le solaire en Europe, le besoin de centrales électriques produisant de l’énergie garantie répartissable diminue au fil du temps, même si la demande en électricité augmente », affirme Chris Rosslowe. « Nous avons toujours besoin d’une certaine capacité de répartition, mais si nous pouvons augmenter l’éolien et le solaire, ces deux types d’énergie feront la majorité du travail la plupart du temps. » Ainsi, aucune nouvelle centrale à gaz ne devrait être construite après 2025.
Fait important, la modélisation a été réalisée avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a considérablement augmenté le coût des combustibles fossiles, notamment du gaz fossile. « La guerre actuelle des prix [du gaz et du pétrole] n’a pas été prise en compte », indique Chirs Rosslowe. « Dans ces conditions, les économies potentielles pourraient être encore plus importantes. »
Toutefois, la mise en œuvre d’un tel scenario dans la réalité se heurterait à des obstacles de taille, notamment d’ordre politique. Pour que les avantages et les économies promis se concrétisent, les pays européens devraient réaliser un investissement initial de 300 à 750 milliards d’euros, en plus des investissements existants pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables et des nouvelles infrastructures électriques. Il faudrait également ajouter près de 165 gigawatts de capacité de production éolienne et solaire chaque année, alors que le taux de croissance actuel est de seulement 24 gigawatts par an. Avec la guerre en Ukraine qui crée de nouvelles difficultés économiques sur tout le continent, un leadership exceptionnellement audacieux et décisif serait nécessaire pour obtenir l’appui d’une dépense financière aussi considérable, même si elle est pleinement justifiée par les gains à long terme.
L’étude d’Ember a été publiée le même jour que le nouveau rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Selon ce rapport, les investissements mondiaux dans le secteur de l’énergie augmenteront de 8 % en 2022 pour atteindre 2400 milliards de dollars. Cependant, l’AIE prévient que ces niveaux de dépenses en capital seront « loin d’être suffisants » pour répondre à la demande croissante tout en luttant contre la crise climatique.
La publication de l’étude d’Ember et du rapport de l’AIE intervient une semaine avant le sommet du G7, qui se tiendra en Bavière, en Allemagne. Le mois dernier, les dirigeants du G7 ont convenu de mettre en place des secteurs de l’électricité « essentiellement décarbonés » d’ici 2035, dans le but de rapprocher leurs pays des objectifs climatiques de l’accord de Paris. La réunion de la semaine prochaine devrait se concentrer sur la réaction à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les dirigeants du G7 prévoient que Vladimir Poutine, en plus d’affamer intentionnellement des centaines de millions de personnes dans le monde, a l’intention de faire pression sur l’Occident en coupant les dernières exportations de gaz naturel, empêchant ainsi les pays européens de remplir leurs installations de stockage avant l’hiver.
Article traduit de Forbes US – Auteur : David Vetter
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