Il pourrait s’avérer difficile de supprimer les crédits d’impôt pour l’énergie verte, comme Donald Trump s’est engagé à le faire. Quoi qu’il en soit, une grande partie du secteur peut survivre et se développer sans ces subventions.
Article de Christopher Helman pour Forbes US
Il ne faut pas surestimer les dommages que la politique énergétique du président élu Donald Trump pourrait causer à la transition verte mondiale. Ce dernier a promis d’abroger la loi sur la réduction de l’inflation (IRA) adoptée par les démocrates en 2022, qu’il a qualifiée durant la campagne électorale de « nouvelle escroquerie verte » en raison des 500 milliards de dollars de crédits d’impôt et autres subventions accordés aux projets d’énergie renouvelable qu’elle prévoit. Les entreprises de technologies propres et leurs bailleurs de fonds craignent à juste titre de perdre des avantages tels qu’un crédit d’impôt à l’investissement pouvant représenter jusqu’à 30 % (voire parfois 50 %) des coûts d’un projet. Les groupes de défense de l’environnement et les investisseurs dans les actions liées aux énergies propres ont réagi avec inquiétude au triomphe de Donald Trump à l’élection présidentielle.
Cependant, l’abrogation de l’IRA est loin d’être acquise, étant donné que la plupart de ces projets ont apporté des emplois et des investissements dans les circonscriptions républicaines du Congrès. Les technologies propres pourraient même bénéficier d’autres politiques de Donald Trump, comme la réduction du taux d’imposition des sociétés et des formalités administratives, y compris les enquêtes environnementales fastidieuses, qui retardent l’implantation de projets verts et de lignes de transmission d’électricité.
Voici la principale raison pour laquelle l’énergie verte devrait continuer à prospérer sous Donald Trump : l’industrie a dépassé le point de décollage. Les subventions ajoutent du carburant supplémentaire (et sont importantes pour les technologies les plus récentes qui ne sont pas encore commercialisées), mais elles ne sont pas absolument nécessaires pour que la révolution verte se poursuive. L’économie, les clients et l’augmentation de la demande d’électricité, en particulier pour tous les nouveaux centres de données construits pour répondre aux besoins de l’intelligence artificielle (IA), continueront à stimuler la croissance des énergies alternatives.
« Pour rendre le monde meilleur, il faut une énergie plus abondante, fiable, abordable et sûre », déclare Chris Wright, PDG de Liberty Energy et conseiller de Donald Trump, dont la candidature au poste de secrétaire du département de l’Énergie a été évoquée. « Nous voulons une énergie abondante et bon marché. » Cependant, Chirs Wright concède que « si vous vous inquiétez sur la question des subventions pour les énergies propres, vous avez peut-être des raisons de vous inquiéter ». Il convient de noter qu’à l’instar d’autres acteurs de l’industrie pétrolière, Liberty, une société de services pétroliers basée à Denver et dont le chiffre d’affaires s’élève à 4,5 milliards de dollars, s’intéresse aux énergies vertes.
« Notre capacité à résoudre ce problème de manière rentable est supérieure à tout ce que l’on peut imaginer actuellement », affirme l’investisseur milliardaire Tom Steyer, de Galvanize Capital, une société spécialisée dans les technologies climatiques. S’exprimant un mois avant les élections américaines lors du Forbes Sustainability Leaders Summit, Tom Steyer a cité des données montrant que 86 % de tous les nouveaux équipements de production d’électricité déployés dans le monde l’année dernière étaient alimentés par des énergies renouvelables.
« Personne au Vietnam n’a installé de panneaux solaires parce qu’il s’inquiétait des inondations à Houston [provoquées par le changement climatique]. Personne n’a fait cela pour être gentil », a déclaré Tom Steyer, mais plutôt parce que c’est bon marché. Si l’on prend l’exemple de la Chine, qui est aujourd’hui le plus grand marché automobile du monde et dont plus de la moitié des ventes sont des véhicules électriques : « Ils vendront plus de véhicules électriques que nous ne vendons de voitures. Pourquoi le feraient-ils ? Pas pour aider les États-Unis, mais parce que ces véhicules coûtent 14 000 dollars et parcourent plusieurs kilomètres avec une seule charge. »
« Moins cher, plus rapide, plus performant : c’est comme une fusée, tout le monde l’achète, et c’est ainsi que l’on gagne au capitalisme », a déclaré Tom Steyer. « Si les États-Unis ne veulent pas y participer et que nous voulons tracer des douves autour du pays et revenir aux années 1950, le reste du monde progressera. Ils réussiront et nous échouerons. »
Qu’on ne s’y trompe pas, les producteurs de combustibles fossiles font partie des grands gagnants des résultats du 5 novembre. Par exemple, l’ancien représentant américain Lee Zeldin, nommé par Donald Trump pour diriger l’Agence de protection de l’environnement, ne manquera pas de s’attaquer à la nouvelle règle l’Agence sur le méthane (finalisée cette semaine), qui imposerait des amendes de plusieurs milliards de dollars par an aux foreurs de pétrole et de gaz pour les rejets illicites de gaz naturel.
Cependant, il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les énergies alternatives se porteront très bien. En voici dix.
L’énergie verte est déjà bon marché
Selon le groupe Lazard, même sans subventions, l’énergie éolienne et solaire est le mode de production d’électricité le moins cher des États-Unis, à 9 cents par kilowattheure ou moins pour les projets nouvellement construits à l’échelle des services publics. Si l’on ajoute des batteries pour stocker l’énergie (pour les périodes où le vent ne souffle pas ou le soleil ne brille pas), le coût passe à environ 13 cents. C’est compétitif par rapport aux nouvelles turbines à gaz naturel et bien moins cher que d’essayer de construire de nouvelles centrales nucléaires à grande échelle à 20 cents le kilowattheure.
Les États républicains bénéficient grandement de l’IRA
Jusqu’à présent, 80 % des bénéfices de l’IRA sont allés à des circonscriptions républicaines du Congrès. Le Texas produit déjà plus d’énergie verte que la Californie et devrait ajouter 36 gigawatts d’énergie solaire, éolienne et de batteries au cours des 18 prochains mois, selon Cleanview, une société de conseil en données énergétiques. La Californie, deuxième du classement, n’ajoutera que 11 gigawatts. La semaine dernière, le géant des énergies renouvelables NextEra Energy a déclaré aux analystes qu’il pensait que l’IRA survivrait principalement parce que les emplois verts sont politiquement populaires. C’est ce qu’espèrent 18 membres républicains de la Chambre des représentants, qui ont écrit une lettre au président de la Chambre, Mike Johnson, en août, soulignant qu’« une abrogation totale créerait un scénario catastrophe dans lequel nous aurions dépensé des milliards de dollars du contribuable pour ne presque rien recevoir en retour ». Cette semaine, Mike Johnson a déclaré que le Congrès devrait utiliser un scalpel et non un marteau de forgeron pour modifier l’IRA. Il est probable qu’un Congrès contrôlé par les républicains abordera toute modification de l’IRA dans le cadre de la procédure de réconciliation budgétaire, une procédure qui évite l’obstruction démocrate au Sénat, mais qui nécessite tout de même des tractations entre les républicains, y compris ceux qui ont des projets IRA dans leur circonscription.
Les réseaux électriques américains ont davantage de besoins en tout
Pendant des décennies, la production d’électricité a simplement suivi le rythme de la croissance économique des États-Unis. Cela va changer, car les géants de l’informatique en nuage accélèrent la construction de centres de données pour répondre à la demande de services en ligne tels que ChatGPT du leader de l’IA OpenAI. En d’autres termes, la production d’électricité doit désormais croître plus rapidement que l’économie. L’entreprise de services publics AEP prévoit une forte croissance de la demande, en particulier dans des États comme l’Indiana, où elle prévoit une augmentation de 60 % de la demande d’électricité commerciale dans les années à venir, principalement en raison des centres de données, comme le projet de 11 milliards de dollars qu’Amazon est en train d’ériger à New Carlisle, le plus grand projet d’investissement de l’histoire de l’État.
Amazon, Google, Meta et Microsoft ont les moyens de payer
Actuellement, les contribuables subventionnent effectivement les centres de données des entreprises les plus rentables du monde en payant 30 % des coûts des nouvelles centrales électriques qui les alimentent, par le biais de crédits d’impôt verts. Pourquoi ? Ce n’est pas comme si les grandes entreprises technologiques pouvaient construire un centre de données sans prévoir suffisamment d’électricité pour l’alimenter. De plus, les opérateurs de réseaux peuvent exiger qu’ils utilisent des énergies renouvelables. Si Donald Trump tient sa promesse de réduire les incitations fiscales vertes et le taux de l’impôt sur les sociétés (de 21 % actuellement à 15 %), ces grands consommateurs d’électricité s’en sortiront très bien.
Les capitalistes trouveront un moyen.
Même si les investissements fondés sur les critères ESG ont fait l’objet d’attaques politiques (de la part de représentants républicains, entre autres), quelque 7 000 milliards de dollars d’actions et d’obligations vertes, socialement responsables et désignées par les critères ESG restent alloués dans le monde entier. La fin des aides d’État obligera les entreprises à se faire concurrence pour attirer les capitaux privés, qui sont moins nombreux. Les meilleures technologies qui n’ont pas besoin de subventions se hisseront plus rapidement au sommet. Il convient toutefois de rappeler que, même avant l’adoption de la loi sur la réduction de l’inflation, le gouvernement jouait un rôle actif en soutenant des projets de longue haleine, tels que la technologie nucléaire avancée, dont les retombées pouvaient être considérables. TerraPower, la start-up fondée par Bill Gates qui construit un nouveau type de réacteur nucléaire dans le Wyoming, s’attend à ce que la moitié de son coût de 4 milliards de dollars soit couvert par le département de l’Énergie dans le cadre du programme de démonstration des réacteurs avancés (Advanced Reactor Demonstration Program) lancé par le premier gouvernement Trump. Et, bien sûr, Tesla d’Elon Musk a développé la berline Model S grâce à un prêt fédéral de 465 millions de dollars accordé par le département de l’Énergie sous la présidence de Barack Obama, un prêt que la société a remboursé avant la date prévue.
Les systèmes énergétiques continueront à gagner en efficacité
Des percées dues à l’IA et aux matériaux sont à venir, en particulier dans les domaines du nucléaire à petite échelle et de la géothermie. D’autres technologies sans carbone suivront l’éolien et le solaire sur la courbe des coûts, même sans aide fédérale. Une nouvelle étude du MIT a suivi 1 000 chercheurs travaillant pour une entreprise américaine et a constaté que lorsqu’ils ajoutaient l’IA à leur travail, ils découvraient 44 % de matériaux en plus et déposaient 39 % de brevets en plus, tandis que la production des meilleurs chercheurs doublait presque. L’optimisation des systèmes ne fait que commencer.
Les politiques à l’échelle des États et locale sont hors de portée de Donald Trump
Les commissaires aux services publics et les opérateurs de réseaux des États peuvent influencer les constructions et même imposer la production d’énergie verte. Nulle part aux États-Unis, il n’est possible de construire une centrale à charbon, même si l’on parvient à la financer. Les électeurs californiens viennent d’approuver un fonds de 10 milliards de dollars en faveur de solutions climatiques. Si la Californie était un pays, son économie se classerait au quatrième rang mondial : ses décisions ont toujours eu une influence considérable à l’échelle nationale. Certes, Donald Trump a menacé de retenir les fonds fédéraux (même pour les secours en cas de catastrophe) pour punir les États qui ne suivraient pas sa ligne de conduite sur les questions environnementales (ou autres). Cependant, les États ne sont pas du genre à reculer. Le gouverneur Gavin Newsom a déjà demandé la tenue d’une session législative extraordinaire afin de trouver des fonds pour financer une réponse juridique aux efforts de Donald Trump et « protéger les valeurs de la Californie ».
Les grandes compagnies pétrolières apprécient également les subventions vertes
Bien qu’elles n’apprécient guère les réglementations lourdes et imprévisibles, les grandes compagnies pétrolières ont également un intérêt à promouvoir des solutions climatiques. Darren Woods, PDG d’ExxonMobil, appelle depuis longtemps à l’imposition d’une taxe mondiale sur le carbone (une solution que les économistes préconisent, mais que les politiciens n’ont pas envie de mettre en œuvre) et ne veut pas voir Donald Trump retirer à nouveau les États-Unis des accords de Paris sur le climat, arguant qu’il est préférable que Washington ait un siège à la table des négociations. « Je ne pense pas que les pauses et les départs soient une bonne chose pour les affaires », a déclaré Darren Woods cette semaine lors du COP29 en Azerbaïdjan. Exxon s’efforce depuis une dizaine d’années d’améliorer sa réputation en matière de protection de l’environnement. Ce n’est que récemment que la société a renoncé à essayer de comprendre comment extraire des quantités commerciales de pétrole à partir d’algues. Elle a planifié un vaste projet de production d’hydrogène dans l’une de ses raffineries du Texas, mais affirme qu’elle ne le mettra en œuvre que si elle est certaine de pouvoir bénéficier des généreux crédits d’impôt de l’IRA pour la production d’hydrogène.
Le gaz naturel est vert
Ne le dites pas à Tom Steyer (ni à l’ancien vice-président Al Gore, dont la société Generation Investment Management a investi 15 milliards de dollars dans des placements respectueux du climat), mais le gaz naturel est le principal responsable de la réduction de 40 % des émissions de carbone liées à l’électricité aux États-Unis. Depuis l’avènement de la révolution de la fracturation du gaz de schiste, les émissions américaines de CO2 sont passées d’un pic de 2,4 milliards de tonnes par an en 2007 à 1,5 milliard de tonnes en 2023, le gaz remplaçant le charbon. Pendant ce temps, les émissions mondiales ont continué à augmenter. Certes, le gaz naturel, ou méthane, est un combustible fossile, mais lorsqu’il est brûlé dans une centrale électrique, il n’émet que la moitié du dioxyde de carbone du charbon, sans la suie, les métaux lourds et le smog. Donald Trump s’apprête à balayer le moratoire imposé par Joe Biden sur l’approbation fédérale de nouvelles installations d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL). En l’espace d’une décennie, les États-Unis sont passés d’une situation où ils n’exportaient pratiquement pas de gaz à une situation où ils devancent même le Qatar et l’Australie en termes d’exportations. Malgré le moratoire de Joe Biden sur l’approbation des installations d’exportation de GNL, une myriade d’usines sont toujours en cours de construction. Donald Trump lèvera le moratoire et pourra s’attribuer le mérite d’un quasi-doublement des exportations de GNL. « La surabondance attendue de GNL est toujours d’actualité », déclare l’analyste Neil Beveridge de Bernstein Research. « Mieux vaut être acheteur que vendeur [de GNL] sous Trump », car les prix vont baisser, ajoute-t-il. C’est une excellente nouvelle pour les émissions mondiales et les pays qui dépendent encore du charbon, comme l’Allemagne, qui a décidé, après l’accident nucléaire de Fukushima au Japon en 2011, d’arrêter progressivement ses propres centrales nucléaires et a fermé la dernière d’entre elles en 2023.
La révolution verte a le vent en poupe
À première vue, la révolution verte n’en est qu’à ses débuts. Au cours de la dernière décennie, les États-Unis ont presque quadruplé leur production d’électricité à partir de l’énergie éolienne et solaire, pour atteindre environ 660 milliards de kilowattheures d’énergie renouvelable en 2023. Cela semble énorme, et pourtant, il y a dix ans, l’éolien et le solaire ne fournissaient que 16 % de l’électricité américaine (contre 39 % pour le gaz naturel), contre 4 % il y a dix ans. Certains seront peut-être surpris d’apprendre qu’à l’échelle mondiale, l’homme n’a jamais autant consommé de pétrole (103 millions de barils par jour), de gaz naturel (11,6 milliards de mètres cubes par jour) et de charbon (8,5 milliards de tonnes par an). Les parts de marché évoluent, mais même sous la présidence de Joe Biden, les choses n’allaient pas assez vite, estime Tom Steyer, candidat à l’élection présidentielle de 2020, qui attend avec impatience le jour où il sera politiquement possible pour les dirigeants de la planète d’instaurer un prix mondial du carbone. « Il faut un système de plafonnement et d’échange dans le monde entier », explique-t-il. « Les États-Unis ne peuvent pas agir seuls et laisser le reste du monde polluer gratuitement. »
Une traduction de Flora Lucas
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