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Le Jour Du Dépassement Tombe De Plus En Plus Tôt

Cette année, le jour du dépassement tombe le 1er août, soit deux jours plutôt que l’année passée et presque cinq mois plus tôt qu’au début des années 1970. Selon l’organisation non gouvernementale (ONG) Global Footprint Network qui a créé cet indicateur, le jour du dépassement correspond à celui à partir duquel l’humanité aura consommé les ressources que la nature est capable de renouveler en une année. Cette date, même si elle est l’objet de critiques légitimes de la part d’une partie de la communauté scientifique, a le mérite d’être pédagogique et de donner la tendance quant à notre empreinte écologique. Des solutions existent pour inverser la tendance globale et certains pays développés ont déjà commencé à adopter des comportements vertueux.

Jour du dépassement : de quoi parle-t-on ?

Le jour du dépassement ou plus exactement le jour du dépassement écologique est un indicateur publié depuis 2006 par l’ONG Global Footprint Network. Il s’appuie sur les résultats de recherches publiées au début des années 1990 par deux chercheurs de l’Université de Vancouver, Mathis Wackernagel et William Rees, qui développaient alors le concept d’empreinte écologique. Cette empreinte écologique mesure deux choses : (i) les surfaces biologiquement productives dont il faut disposer pour produire certaines ressources renouvelables (alimentation, fibres textiles et autres biomasses) et (ii) les surfaces dont il faudrait disposer pour séquestrer, i.e. stocker, dans la biosphère certains polluants, dont les fameux gaz à effet de serre.

Selon Valérie Gramond de l’ONG internationale WWF, partenaire de l’ONG Global Footprint Network, le 1er août est « la date à laquelle nous aurons utilisé plus d’arbres, d’eau, de sols fertiles et de poissons que ce que la Terre peut nous fournir en un an pour nous alimenter, nous loger et nous déplacer et émis plus de carbone que les océans et les forêts peuvent absorber ». La Terre va donc vivre à crédit durant les cinq prochains mois de l’année. Par conséquent, il faudrait l’équivalent d’un peu plus de 1,7 Terre pour subvenir à nos besoins. Derrière ce constat alarmant se cache de fortes disparités entre pays. En effet, si cette date est agrégée à l’échelle de la planète et que 86 % de la population mondiale vit dans des pays avec un déficit écologique, certains pays contribuent plus que d’autres au déficit écologique global. Le jour du dépassement intervient respectivement les 9 et 19 février au Qatar et au Luxembourg alors qu’il n’intervient respectivement « que » les 13 et 21 décembre en Jamaïque et au Vietnam. La majorité des pays développés voient le jour du dépassement arriver entre mars et mai (15 mars pour les États-Unis et 5 mai pour la France) alors que les pays émergents et en voie de développement voient le jour du dépassement arriver plus tardivement, dans la seconde moitié de l’année (15 juin pour la Chine et 29 août pour le Mexique).

L’empreinte écologique n’est pas exempte de critiques

Derrière cet indicateur se cachent des millions de données agrégées à travers près de 15 000 indicateurs et transmises directement par les États à l’ONG. De ce fait, les données peuvent être sous-estimées et/ou difficiles à comparer entre les États. L’empreinte écologique ne concentre son analyse que sur la seule partie vivante du capital naturel, négligeant de nombreux enjeux tels que la déplétion des ressources minérales ou encore les pollutions chimiques et nucléaires.

De vives critiques se concentrent sur le mode de calcul de l’empreinte écologique, notamment sur la prise en compte des émissions liées aux énergies fossiles. Et pour cause, la quasi-totalité du déficit écologique est l’unique fait de la combustion d’énergies fossiles. Dans le détail, les concepteurs de l’empreinte écologique considèrent que les énergies fossiles sont une sorte d’énergie photosynthétique « en circuit fermé » car elles sont le résultat de la transformation lente de matières organiques qui se sont décomposées il y a plusieurs millions d’années. Leur combustion reviendrait donc à transférer du carbone d’origine organique. Là encore, la déplétion des ressources d’origine fossile n’est pas prise en considération. En d’autres mots, l’empreinte écologique sous-estimerait les effets de la combustion des énergies fossiles car la biosphère ne serait en réalité pas capable de séquestrer autant de gaz à effet de serre que la combustion des énergies fossiles ne produit tout en sachant que le temps de reconstitution des énergies fossiles est particulièrement long. En revanche, au-delà de ces critiques légitimes, l’empreinte écologique et a fortiori la date du jour du dépassement sont une manière simple et pédagogique d’aborder ce sujet, tout en s’efforçant d’éveiller les consciences sur des comportements et dynamiques d’exploitation qui induisent, entre autres choses, les dérèglements climatiques à l’œuvre.

Peut-on observer un renversement de tendance ?

Depuis 2000, l’empreinte écologique par personne dans les pays riches a diminué de 12,9 %. Elle a même diminué de 15,5 % dans l’Hexagone, derrière les États-Unis avec 18,4 %. Les efforts accomplis dans un nombre croissant de pays riches pour déployer les énergies renouvelables sont certainement un facteur important. Les comportements individuels évoluent également. De plus, et même si les résultats apparaissent aujourd’hui en-dessous des attentes et que certains reculs ont été observés, les volontés politiques ont été mises sous le feu des projecteurs depuis l’Accord de Paris sur le climat qui a été approuvé par l’ensemble des 195 délégations présentes lors de la Conférence de Paris sur le climat (COP 21) le 12 décembre 2015 et est entré en vigueur le 4 novembre 2016.

La Chine, dont l’empreinte écologique totale est la plus élevée, a vu cette dernière baisser de 0,3 % entre 2013 et 2014. Elle avait pourtant connu une hausse constante depuis 2000, l’empreinte écologique chinoise étant alors moitié moins importante qu’aujourd’hui.

En dépit de ces quelques bonnes nouvelles qui relèvent encore de l’anecdote, il convient de noter quelques bonnes pratiques qui pourraient faire reculer la date du jour du dépassement. L’ONG Global Footprint Network met ainsi en avant les quatre grands piliers dans lesquels des solutions peuvent être envisagées : (i) les villes dans lesquelles si l’on réduisait nos transports automobiles de moitié, 12 jours seraient gagnés ; (ii) la production d’énergie qui pourrait repousser le jour du dépassement de 93 jours si l’on en réduisait de moitié sa partie carbonée ; (iii) l’alimentation qui nous ferait gagner 38 jours si le gaspillage alimentaire était réduit de moitié et enfin (iv) la population qui pourrait repousser la date de 30 jours si une famille sur deux choisissait d’avoir un enfant de moins d’ici 2050. Les consciences semblent bel et bien éveillées mais, si la soutenabilité écologique doit devenir une priorité, ce sont désormais aux décideurs publics qu’il appartient de clarifier leurs objectifs et leurs moyens d’action autour de quelques-unes de ces bonnes pratiques afin d’inverser la tendance et de développer une économie durable, à l’écoute de son hôte, la Terre.

Tribune de Julien Moussavi, BSI Economics

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