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Le Green Deal Sauvera-t-il l’Union Européenne De La Crise ?

Dans la lignée des travaux du collectif « The Green New Deal », Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission Européenne, a dévoilé le 12 décembre dernier, la nouvelle stratégie de l’Union Européenne pour devenir le premier continent neutre en carbone d’ici 2050. Ce projet s’inscrit dans la continuité du dernier ouvrage de l’économiste star Jeremy Rifkin. A travers ce Pacte Vert ou Green Deal, l’Union Européenne compte préserver sa position unique sur l’échiquier mondial en devenant pionnière de l’économie verte et chef de file d’un nouveau modèle de croissance mondial.

 

Qu’est-ce que le Pacte Vert ou Green Deal ?

Le Pacte Vert est la nouvelle ambition de croissance de l’Europe et est porté par Ursula von der Leyen, nouvelle Présidente de la Commission Européenne depuis le 1er décembre dernier. Ce projet vise à renforcer, homogénéiser et décupler les politiques de l’Union Européenne en matière de lutte contre le réchauffement climatique en promouvant un cadre commun européen et en durcissant les objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, -50% en 2030 par rapport à 1990 et aucune émission en 2050. Pour rappel, certaines associations écologistes réclament une diminution de 70% des gaz à effet de serre dès 2030.

Dans les faits, le communiqué de la Commission européenne a identifié sept domaines d’action : l’énergie, l’industrie, la construction et la rénovation, la mobilité, la biodiversité, l’agriculture et l’alimentation ainsi que la pollution. Si cette communication reste encore programmatique, en annonçant la présentation dans les prochains mois de plans d’action pour chacun de ces domaines, plusieurs chantiers concrets se dessinent déjà pour 2020 et 2021. Parmi les plus attendus, la création d’une taxe carbone aux frontières de l’Union Européenne. La taxe carbone est un sujet de travail prioritaire et s’établira secteur par secteur dans le respect des régulations de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), afin de protéger les entreprises européennes qui respectent les normes environnementales. Le système d’échange de quotas d’émission sera également ouvert à de nouveaux secteurs, notamment au transport aérien et maritime ainsi qu’au secteur de la construction.

L’Union Européenne estime que seul un investissement public massif en plus des efforts continus du secteur privé pourra changer la donne et offrir un nouvel environnement économique propice aux solutions bas carbone. La Commission Européenne estime que l’effort conjoint pour less secteurs privé et public devra se lever à 260 milliards par an jusqu’en 2030, soit 1,5% du PIB de 2018. Pour contribuer à ces investissements supplémentaires, le Pacte Vert prévoit de créer un financement spécifique, d’augmenter à 25% la part du budget européen attribué aux projets environnementaux et d’allouer au moins 30% du Fonds InvestEU, soit 11 milliards d’euros, à la lutte contre le changement climatique.

 

Description des axes de la politique du Pacte Vert Européen
Un Pacte vert pour l’Europe – Commission Européenne

 

L’Union Européenne a-t-elle besoin d’un New Deal ?

Le Pacte Vert ou Green Deal prôné par l’Europe a été grandement influencé par les travaux du collectif Green New Deal et les derniers livres de l’économiste à succès Jeremy Rifkin sur la Troisième Révolution Industrielle et Le New Deal vert mondial. Dans son dernier ouvrage, l’économiste livre son mode d’emploi pour mettre en place un New Deal Vert capable de sauver l’humanité du réchauffement climatique et de la sixième grande extinction. Pour lui, la fin des énergies fossiles est possible en moins de vingt ans, grâce à la révolution numérique qui valorise l’accès devant la propriété et rend ainsi possible une décentralisation de l’échange économique. La notion même de production est remise en cause devant cette économie du partage. Cette rupture technologique ouvre un nouveau terrain de jeu dont veut s’emparer le New Deal en promouvant la décentralisation de la production d’électricité et l’élaboration d’un « vaste réseau numérique neural » de l’internet des objets. L’auteur ne se cache pas de monnayer ses services auprès de la Chine ainsi que l’Union Européenne. Toutefois, l’Union Européenne a-t-elle besoin de ce Green New Deal ?

Jeremy Rifkin et ses soutiens européens
Jeremy Rifkin et ses soutiens européens en 2015 – Source: Fondation on Economic Trends (cabinet de conseil de Jeremy Rifkin)

L’Union Européenne a pris le soin d’enlever la connotation historique du New Deal en se contentant de la formule « Green Deal ». Un choix politique soigné qui permet de ne pas exhumer les réformes menées par F.D. Roosevelt dans les années 1930 aux Etats-Unis à la suite du Jeudi Noir de 1929. Pourtant, l’empreinte des politiques du New Deal a été déterminante dans l’histoire politique américaine et mondiale et a marqué des générations d’économistes, dont Jeremy Rifkin. Il n’est donc pas anodin de voir resurgir la formule du « New Deal » aujourd’hui, où l’économie se remet seulement de la crise des subprimes de 2008 et où les démocraties s’interrogent sur leur avenir électoral et politique.

Dans les années 1930, le New Deal est avant tout un nouveau style politique, celui de Roosevelt, pragmatique à tout épreuve. Roosevelt s’aide d’une équipe de conseillers, le brain trust, recrutée dans les viviers universitaires de Harvard et Columbia. Différents points de vue se confrontent alors : les « planificateurs », qui veulent des réformes structurelles parce que l’économie ne peut s’auto-réguler qu’au détriment des plus faibles ; les « conjoncturistes », qui estiment au contraire qu’il suffit d’augmenter le pouvoir d’achat pour permettre l’écoulement de la production.

La première mouture du New Deal repose sur le compromis entre ces deux écoles de pensée. Il est alors question de sortir le pays de la crise par une énergique relance économique : ce qui implique une injection de crédits publics pour réamorcer la pompe, au prix d’un déficit budgétaire qui sera comblé ultérieurement grâce aux ressources fiscales fournies par la reprise économique. Ainsi, sonne la fin du « laisser faire » ! La stratégie des trusts sera mise au service de la nation, afin d’obtenir une répartition plus équitable des revenus et des richesses. Les concepteurs du New Deal ménagent donc une population traumatisée en cherchant à sauver le système de la libre entreprise par une intervention pragmatique de l’Etat.

L’analyse des conséquences du New Deal montre que l’ensemble des réformes passées n’a pas permis de relancer la croissance, mais plutôt de stabiliser une économie. Toutefois, Roosevelt a réussi le tour de force de créer un nouveau récit, celui d’une Amérique rééquilibrée et réconciliée derrière son Président.

 

« Les hommes qui ont donné de nouveaux fruits au monde sont incapables de créer un nouveau système grâce auquel ces fruits pourront être mangés. Et cet échec plane comme une catastrophe sur le pays ». Les Raisins de la Colère, Steinbeck

 

Dans ses ambitions comme dans ses moyens le Green Deal ou Pacte Vert européen reprend les codes du New Deal de Roosevelt : insuffler une nouvelle dynamique en ménageant le système existant. En effet, si le modèle de croissance est à réinventer, les solutions proposées par les penseurs influant auprès de la Commission Européenne reprennent les travers de la Deuxième Révolution Industrielle à savoir le « tout financier », en espérant que les fonds de pension abondent dans les actifs verts et le « tout technologique », en fantasmant un monde de l’internet des objets connectés. Néanmoins, l’on peut se féliciter que l’Union Européenne tente de bâtir un nouveau récit fondé sur l’urgence climatique, en tentant d’apporter la preuve qu’une nouvelle attitude politique écologique est possible.

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