La honte de prendre l’avion s’intensifie en Europe après plusieurs manifestations pour le climat qui ont eu lieu dans les grandes villes mondiales. Le flight shaming risque d’inverser la courbe économique des compagnies aériennes, jusque-là en croissance depuis des dizaines d’années.
Les avions commerciaux occupent le trafic aérien depuis le « De Havilland Comet » en 1952. L’aviation était si glamour que le terme « jet set » a été inventé pour décrire le groupe social des personnes aisés qui ont fait le tour du monde à bord de ce que l’on appelait des avions de luxe.
Le voyage en avion n’est peut-être plus aussi glamour, mais il devient de plus en plus populaire. Quelque 4,6 milliards de passagers devraient prendre leur envol en 2019, soutenant une industrie du transport aérien d’un billion de dollars. Mais le groupe européen de « Flight Shamers » et les manifestations pour le climat pourraient changer la donne.
Préoccupés par le changement climatique mondial, un groupe de plus en plus influant composé de militants d’Europe du Nord ont commencé à dire non aux voyages en avion. Ces protestations gagneront-elles en notoriété après le mouvement de lutte contre les combustibles fossiles qui avait poussé plus d’un millier d’investisseurs représentant 6 billions de dollars de fonds à ne plus utiliser de combustibles fossiles ?
Le mouvement « flight shaming », d’origine suédoise, s’est développé et ses slogans comme « flygskam » (honte de prendre l’avion) et « tågskryt » (fierté de prendre le train) sont en cours de traduction en plusieurs langues. Un avocat britannique qui boycotte désormais les vols et qui aimait voyager a dit à l’Agence Reuters : « C’est une pilule difficile à avaler, mais quand on regarde les problèmes liés au réchauffement climatique, le sacrifice devient tout à coup petit ».
« Nous devrions tous éviter au maximum de prendre l’avion, l’avenir de notre planète est en jeu », a déclaré l’actrice Emma Thompson. Mais pour montrer à quel point un tel changement est difficile, son vol British Airways à destination de Londres pour aller soutenir les manifestations pour le climat aurait généré deux tonnes de dioxyde de carbone pour chaque passager de première classe, dont Emma Thompson. Un journal britannique a noté que le groupe « Extinction Rebellion » » a déclaré que le CO2 produit par son vol afin qu’elle se rende à leur manifestation était un « malheureux échec dans notre grande bataille pour sauver la planète ».
Le transport aérien est aujourd’hui considéré comme responsable de près de 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Si rien n’est fait, les émissions augmenteront au même rythme que les passagers, qui devrait croître de 3,5 % par an jusqu’en 2036, année où 8,2 milliards de passagers prendront l’avion.
Le sentiment anti-aérien semble également avoir traversé l’Atlantique de l’Europe vers l’Amérique. Un projet de loi de « Green New Deal » demandait aux États-Unis de « construire un réseau ferroviaire à grande vitesse afin que le transport aérien cesse d’être nécessaire ». Dans une des premières FAQ, ses auteurs écrivaient : « Nous nous sommes fixés comme objectif d’atteindre le net-zéro, plutôt que le zéro émission de CO2, en 10 ans, parce que nous ne sommes pas sûrs de pouvoir nous débarrasser si vite des avions ».
L’industrie du transport aérien se moque de ce sentiment à ses propres risques et périls. Bien qu’elle ait échoué cette fois-ci, la proposition de « Green New Deal » a été signée par la représentante Alexandra Ocasio-Cortez et 67 cosignataires du Congrès américain, et pourrait bien constituer un enjeu important lors des élections américaines de 2020.
Jusqu’à présent, la réaction de l’industrie du transport aérien a été incertaine. Lors de la 75e assemblée générale annuelle de l’Association internationale du transport aérien (AITA), Alexandre de Juniac, président de l’AITA, a déclaré : « Arrêtez donc de nous traiter de pollueurs », lors d’une conférence de presse lançant une initiative mondiale de l’AITA pour la réduction des émissions de CO2.
L’industrie du transport aérien annonce un programme de compensation et de réduction des émissions de CO2 pour l’aviation internationale (appelé CORSIA) approuvé par l’Organisation de l’aviation civile internationale de l’ONU. L’objectif de CORSIA est de plafonner les émissions nettes de CO2 de l’aviation internationale aux niveaux de 2020, même si la croissance des passagers et des vols se poursuit. C’est ce qu’on appelle la croissance neutre en carbone. « Entre 2020 et 2035 (CORSIA) atténuera plus de 2,5 milliards de tonnes de CO2 et générera au moins 40 milliards de dollars de financement pour des initiatives de réduction des gaz à effet de serre », a déclaré Alexandre de Juniac, directeur général et CEO de l’AITA.
Qu’il s’agisse ou non d’initiatives mondiales, l’industrie du transport aérien a peu d’options quant à la façon dont elle peut continuer à évoluer tout en réduisant ses émissions, du moins dans un avenir proche. Après avoir assisté ces derniers mois aux « lancements » de trois maquettes non volantes d’avions eVTOL (décollage et atterrissage verticaux électriques), il est clair que les centrales électriques hybrides gaz/électricité et hydrogènes alimentées par batterie sont loin de propulser des avions légers de type hélicoptère et encore moins des Airbus A380.
Ce qui pourrait alimenter les vols commerciaux et réduire les émissions de CO2, ce sont les soi-disant biocarburants. Mais leur disponibilité est strictement limitée, obligeant les compagnies aériennes à continuer d’utiliser du carburant classique. Néanmoins, l’AITA s’est fixé un objectif de 2 % pour les carburants durables d’ici 2025.
Alors que reste-t-il ? Un certain nombre de compagnies aériennes proposent des « solutions » de travail à la pièce, comme la possibilité pour les passagers de payer plus cher leur billet pour « compenser » le carbone émis. Comme on peut l’imaginer, de telles initiatives ne sont pas très populaires. Même lors de la récente conférence de l’AITA, seule une poignée de dirigeants des compagnies aériennes ont déclaré avoir acheté des billets pour venir à Séoul.
La compagnie aérienne scandinave SAS vient d’annoncer qu’elle met fin aux ventes duty-free à bord de ses avions pour réduire le poids de l’avion, économiser du carburant et réduire les émissions de CO2, dans le cadre de sa stratégie globale visant à réduire ses émissions de 25 % d’ici 2030 (par rapport à 2005).
L’industrie du transport aérien doit suivre deux voies si elle veut continuer à prospérer. L’une d’entre elles, bien sûr, est d’explorer toutes les solutions technologiques pour réduire les émissions de CO2. La deuxième est de convaincre un public de plus en plus sceptique que l’industrie du transport aérien fait non seulement tout ce qu’elle peut pour lutter contre les changements climatiques, mais qu’elle a fait, selon elle, des progrès mesurables et importants à cet égard.
Dans le cas contraire, l’industrie du transport aérien, qui compte plusieurs milliards d’avions, sera une cible tentante pour des protestations de plus en plus ardentes pour lutter contre le dérèglement climatique
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