La crise sanitaire laissera-t-elle des traces indélébiles sur le secteur de l’immobilier de bureau ? Jean-Frédéric Heinry, le président d’Altarea Entreprise Studio, pilote une cellule de veille et de réflexion sur les tendances dans le domaine des usages bureaux avec pour objectif de faire évoluer la conception des futurs projets tertiaires de Cogedim, une filiale d’Altarea qui est aujourd’hui le premier développeur de bureaux en France. Il nous livre ses réflexions.
Cette crise marque t-elle la fin du bureau tel que nous le connaissons ?
Jean-Frédéric Heinry : Toutes les crises engendrent, de toute façon, des répercussions. Après les événements du 11 septembre, tous les immeubles de bureau américains se sont dotés de systèmes de contrôle draconiens. Depuis les manifestations des gilets jaunes, les entreprises réclament toutes, y compris dans l’architecture des bâtiments, des protections pour les façades.
Cette crise sanitaire devrait donc engendrer une nouvelle demande sur les espaces de bureau. L’impact sera concret et sans doute durable. Avec l’apport des outils modernes, les salariés ne veulent plus être cadenassés devant leur bureau. Le besoin d’un bâtiment physique ne devrait pourtant pas être remis en cause. Le bureau est un lieu de communication et d’échange. C’est un indispensable outil de management, de diffusion de culture d’entreprise : un véritable réseau social !
Pour coller aux nouvelles demandes des utilisateurs, les travaux de la « papesse des tendances », Li Edelkoort, sont à retenir. Plutôt spécialisée dans le luxe, elle a posé un regard neuf sur ce que devait être le bureau de demain. Ses conclusions sont très intéressantes. Plutôt que d’imaginer un lieu où l’on serait comme à la maison (concept largement mis en avant ces dernières années), elle prône un lieu où l’on serait mieux qu’à la maison. Supposant donc des connections parfaites, un système de cybersécurité sans faille, de la fibre optique pour chaque poste et autre avantage que l’on ne peut pas trouver dans sa cuisine. Et là où les salariés étaient parfois entassés pour faire des économies de m2, ils seront dorénavant plus espacés, de manière à respecter les gestes barrières.
Comment vous imaginez le bureau post crise sanitaire ?
Jean-Frédéric Heinry : Si le concept du bureau n’a donc pas vécu, la demande devrait cependant s’atténuer ces prochains mois. Le contexte actuel va freiner des décisions alors qu’une partie des salariés restera vraisemblablement en télétravail. Le besoin d’adaptation des immeubles de bureau devrait toutefois se maintenir. La préoccupation actuelle des entreprises est très pragmatique. Elle concerne les transports et la restauration. Ceux qui doivent prendre le métro voudront-ils le prendre ? Comment organiser un service de restauration sans risque ?
De nouvelles pratiques s’apprêtent à se développer pour être ouverts sur la ville, comme apporter des commerces de proximité au pied des bureaux, développer des projets de logistique pour favoriser les livraisons du dernier kilomètre ; permettre aux immeubles de fonctionner à n’importe quelle heure pour coller à des horaires étendus de travail.
Ces évolutions vont-elles, en parallèle, déplacer la demande de bureaux vers les villes et les régions moins denses ?
Jean-Frédéric Heinry : Le phénomène n’est pas nouveau. Cela concernait déjà des cadres mariés avec de jeunes enfants souhaitant avoir plus de place. La crise pose une autre question : celle de la ville du quart d’heure, ce concept imaginé par Carlos Moreno. A savoir que pour vivre heureux, il faut avoir à moins de 15 minutes de trajet son logement son bureau, ses commerces, son école et ses sorties culturelles. Ce que l’on ne trouve pas si fréquemment. L’urbanisation est donc bel et bien la réponse la plus adéquat mais à condition d’offrir les nouvelles conditions de mixité d’usage et sociale. Le quartier de ville est un outil de paix social.
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