Rechercher

Le 19 avril, c’était le jour du dépassement : le mesurons-nous vraiment ?

gettyimages 494329005
Le 19 avril, c’était le jour du dépassement : le mesurons-nous vraiment ?

Chaque année, le Jour du dépassement vient nous rappeler que l’humanité a consommé l’ensemble des ressources que la planète peut renouveler en douze mois. Un signal fort, censé réveiller les consciences. Mais derrière cette date-choc, une autre question se pose, plus discrète et pourtant tout aussi essentielle : savons-nous réellement mesurer notre impact écologique ? Et plus encore, voulons-nous le faire avec précision ?

Une contribution d’Eric Peters, Country Manager Benelux & Southern Europe chez Wasabi

 

Cette année, en France, ce seuil symbolique est franchi le 19 avril – soit près de trois semaines plus tôt qu’en 2024. Cette accélération inquiète à juste titre. Mais avant d’y voir le reflet fidèle de nos pratiques, encore faudrait-il pouvoir s’assurer que nous savons correctement les quantifier. Car le vrai dépassement pourrait bien commencer là : dans notre incapacité collective à mesurer rigoureusement ce que nous émettons.


Dans les entreprises, cette difficulté reste un sujet sensible, parfois même évité. Une étude récente menée montre qu’une majorité de dirigeants hésitent encore à mesurer l’empreinte carbone réelle de leur activité. Non pas seulement par manque d’outils, mais aussi par appréhension. Selon les données françaises, 55 % d’entre eux redoutent ce que révélerait une mesure complète, et 69 % craignent une réaction négative du public si leurs émissions s’avéraient trop élevées.

 

Une transparence encore trop sélective

 

Alors que la pression sociétale et réglementaire s’intensifie, cette hésitation devient problématique. Non seulement elle fragilise les engagements environnementaux, mais elle brouille aussi les repères. Comment piloter une trajectoire bas carbone si les instruments de mesure sont partiels, opaques ou défaillants ?

Le problème est particulièrement aigu sur les émissions dites de « Scope 3 » – celles générées de manière indirecte, tout au long de la chaîne de valeur, notamment chez les fournisseurs technologiques. C’est pourtant souvent là que se concentre la majorité de l’empreinte carbone. Mais seules 6 entreprises françaises sur 10 déclarent aujourd’hui pouvoir en mesurer les effets avec précision. Près de la moitié n’ont pas accès aux données complètes de leurs fournisseurs, et 43 % doutent même de leur fiabilité.

 

Innovation entravée, décisions reportées

 

Cette opacité n’est pas sans conséquences. Sans données solides, la prise de décision s’affaiblit. Un tiers des entreprises interrogées admettent avoir repoussé des investissements technologiques, faute de pouvoir en évaluer l’impact environnemental. Et ce n’est pas un cas isolé : 76 % estiment que l’absence de données précises freine directement l’innovation.

L’effet est pervers : les entreprises souhaitent évoluer, moderniser leurs infrastructures, réduire leur empreinte. Mais sans base fiable pour arbitrer, la transition reste bloquée au stade de l’intention. L’incertitude devient un facteur d’immobilisme. Et pendant ce temps, les dates du dépassement, elles, continuent d’avancer.

 

Responsabilité partagée

 

Des progrès sont néanmoins perceptibles. Une large majorité d’entreprises reconnaît que la qualité de leurs outils de mesure s’est améliorée au cours des cinq dernières années. Mais cette dynamique doit s’accélérer. Il ne s’agit plus seulement de rendre des comptes, mais de disposer de repères concrets pour agir.

Cela implique une exigence renouvelée envers les partenaires, en particulier dans l’univers technologique, où les données environnementales restent encore trop souvent imprécises, inaccessibles ou invérifiables. Aujourd’hui, près d’une entreprise sur deux se dit peu encline à travailler avec un fournisseur incapable de produire des données fiables sur ses émissions. Cette exigence peut devenir un levier de transformation puissant, à condition qu’elle soit partagée par l’ensemble de la chaîne.

 

Le Jour du dépassement ne doit pas seulement nous alerter sur l’état de la planète. Il doit aussi nous pousser à interroger la robustesse des outils que nous utilisons pour comprendre cet état. Car on ne peut pas corriger ce que l’on refuse de mesurer. Et on ne peut pas agir durablement sur la base d’estimations vagues.

Mesurer mieux, c’est déjà commencer à infléchir la trajectoire. Encore faut-il avoir le courage de regarder les bons chiffres, et de les rendre publics.

 


À lire également : Les entreprises face aux enjeux environnementaux dans un monde instable : déroute ou renaissance ?

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC