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La guerre en Ukraine va accélérer la transition énergétique de l’Europe

Europe et transition énergétique
La guerre en Ukraine va accélérer la transition énergétique sur le continent européen, notamment avec l'abandon du gaz russe. | Source : Getty Images

Alors qu’aux États-Unis, le programme Build Back Better s’enlise dans les couloirs du Congrès, l’Europe a placé les énergies à faible émission de carbone au cœur de son économie post-pandémie, et la guerre en Ukraine ne va faire qu’accélérer cette transition.

 

L’enlisement du programme Build Back Better dans les couloirs du Congrès américain montre que, dans l’ensemble, les principales économies mondiales n’ont pas tiré parti de la pandémie pour se décarboniser. Au lieu de cela, et malgré les promesses pleines d’espoir des politiciens durant la pandémie, de nombreux pays ont renforcé leur dépendance aux combustibles fossiles en accordant sans réserve des subventions aux industries fortement polluantes, telles que l’aviation, le pétrole et le gaz, afin de protéger les emplois.

À l’inverse, l’Europe a tenu sa promesse de placer les énergies à faible émission de carbone au cœur de l’économie post-pandémique. À l’aide d’une enveloppe de 2000 milliards d’euros, le plan de relance pour l’Europe, baptisé NextGenerationEU, facilite (entre autres) les prêts destinés à encourager l’adoption d’énergies à faible émission de carbone. Dans le cadre de cette initiative, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a récemment annoncé que l’Italie recevrait son premier versement d’environ 21 milliards d’euros.

Ces dernières semaines, l’Union européenne (UE) a de nouveau fait preuve de lucidité face à une nouvelle crise, à savoir la guerre en Ukraine, pour pousser davantage la décarbonisation de son système énergétique tout en renforçant la sécurité en énergie du continent.

Nombreux sont les partisans d’un arrêt immédiat des importations d’énergie russe. Toutefois, une réduction progressive, bien que dramatique, est un scénario plus probable. Il est possible d’examiner les conséquences de l’arrêt des importations de gaz russe en Europe d’ici 2025 en soumettant ce scénario au modèle Energy Transition Outlook élaboré par DNV. Ce modèle permet de comprendre comment l’économie, les technologies, les secteurs d’activité, les régions géographiques et les politiques s’influencent mutuellement. Ainsi, il est possible d’obtenir des données annuelles sur le déroulement de la transition énergétique.

Selon le modèle, avec l’abandon du gaz russe, l’Europe se décarbonisera plus rapidement et produira moins d’émissions. En 2024, près de 34 % de l’énergie de l’Europe sera produite par des énergies renouvelables et le nucléaire, soit deux points de pourcentage de plus que les prévisions réalisées avant la guerre en Ukraine. Les émissions énergétiques diminueront dans les mêmes proportions. Ces évolutions sont durables et, bien que relativement faibles (si l’on considère qu’une réduction de 580 millions de tonnes d’émission de CO2 jusqu’en 2030 est faible), elles démontrent qu’un changement rapide et structurel du système énergétique européen ne nécessite pas un nivellement par le bas. En d’autres termes, un tel changement ne nécessite pas l’utilisation prolongée du charbon. Ce dernier jouera un rôle mineur à très court terme en tant que combustible de transition, mais ses prix augmentent également. C’est la raison pour laquelle il ne remplacera que 6 % du déficit en gaz.

Les centrales nucléaires européennes vieillissantes constituent un élément important pour répondre à la demande d’électricité en Europe, en comblant un tiers de la pénurie de gaz russe en 2023. Leur place à plus long terme dans le bouquet énergétique de l’Europe est susceptible de dépendre davantage de la politique en matière d’environnement de chaque pays, comme en témoigne la place prépondérante du nucléaire dans la stratégie énergétique du Royaume-Uni, plutôt que du faible coût de cette énergie. En effet, le nucléaire est et restera cher. La valeur du nucléaire ne réside pas dans le prix. Les partisans de l’énergie nucléaire affirment qu’elle offre à l’Europe une plus grande sécurité énergétique, bien que la vue effrayante des chars russes à Tchernobyl vient quelque peu contredire cet argument.

Avec un déficit d’approvisionnement à combler et des prix qui atteignent des sommets sur plusieurs années, l’industrie pétrolière et gazière risque de se retrouver en surcapacité. Le modèle prévoit que la production européenne de gaz augmentera de 12 % d’ici 2030, mais la décarbonisation reste la caractéristique essentielle de la transition énergétique. La guerre en Ukraine va peser sur la production économique mondiale et ralentir encore la mondialisation. Ce sont deux facteurs de baisse pour la demande de pétrole en particulier, qui est déjà mise à rude épreuve par l’électrification croissante, notamment avec la production de véhicules électriques.

Toujours selon le modèle, la principale mesure d’indépendance énergétique avancée par les politiciens européens, à savoir un développement plus important et plus rapide des énergies renouvelables, a un effet initial lent. Il faudra deux ans, par exemple, pour que ce développement plus rapide permette de combler 10 % du déficit résultant de l’abandon du gaz russe. Toutefois, même si les conséquences sont moindres, ce développement sera plus important au fil des années. Ainsi, sur une période de cinq ans, le modèle prévoit que le développement des énergies renouvelables atteindra le seuil d’augmentation fixé par l’UE, à savoir 20 %, et que, d’ici 2030, l’énergie solaire photovoltaïque et éolienne comblera plus de la moitié du déficit d’approvisionnement en gaz naturel.

Les limites de la construction de l’infrastructure gazière pèsent également sur la vitesse à laquelle la Russie peut augmenter ses exportations vers la Chine. En effet, Moscou ne pourra pas compenser la perte de ses clients européens en se tournant vers l’Est, car la construction de nouveaux gazoducs et ports méthaniers prend beaucoup de temps.

Il peut sembler provocant de parler de changement climatique face aux horreurs qui se déroulent en Ukraine. Cependant, les récents rapports du GIEC ont une nouvelle fois montré qu’il faut agir maintenant si l’on veut limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C. Une Europe galvanisée prouve que des changements systémiques peuvent se produire en très peu de temps lorsque la volonté politique est présente.

 

Article traduit de Forbes US – Auteur : Sverre Alvik

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