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L’Agriculture Urbaine, Vecteur Ecologique De Lien Social ?

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Barcelona city.
Depuis quelques années désormais, l’agriculture urbaine change. Difficile, en 2019, de traverser une grande ville sans remarquer çà et là des couleurs et des odeurs qui semblent venir d’un autre monde. Des sensations nouvelles dues à la végétalisation progressive de nos zones urbaines. Cette tendance en plein boum, à Paris, Bruxelles, ou encore Berlin, où de nombreux projets ont germé ces 5 dernières années, redéfinit notre approche de la ville, notre « présence à la ville ». Par M. Augustin Nourissier.
 
L’agriculture urbaine prend de nombreuses formes : sur toiture comme dans le cadre du projet “sous les fraises”aux Galeries Lafayette à Paris, ou encore comme l’extension prévue de la Gare du Nord, qui sera surmontée d’un toit transparent, sous lesquels vont être «plantés » des espaces paysagers et végétalisés. Dans des caves comme le projet Bruxellois Permafungi qui produit des pleurotes sous la ville. En pleine terre, et même dans les bâtiments. On trouve toutes les approches possibles, qu’elles soient très technologiques comme la ferme ECF à Berlin et son système aquaponique qui permet de marier pisciculture et production de légumes, ou pluridisciplinaire, liant les principes de la permaculture et de la culture en sol pour produire tout en faisant respectant l’environnement.
 
Les projets d’agriculture urbaine suivent de nombreux modèles économiques : depuis la gestion communautaire, en passant par des micros fermes productives, jusqu’aux projets de potagers d’entreprise. L’implantation en ville au contact direct des « mangeurs » permet d’expérimenter de nouveaux modèles plus participatifs et pédagogiques.
Au-delà même des projets professionnels, beaucoup de citoyens s’y mettent également chez eux. Il n’est plus du tout choquant de cultiver ses tomates cerises ou ses fraises sur son balcon même en plein centre-ville. L’envie de mettre les mains dans la terre et de consommer des produits frais est après tout universelle.
 
 
Des villes plus belles et plus humaines
 
S’il est vrai qu’il est aujourd’hui illusoire d’imaginer nourrir nos grandes villes uniquement avec des fermes urbaines (les surfaces de toit disponibles ne sont pas suffisantes), les bienfaits de l’arrivée de l’agriculture en ville dépassent de loin les questions de production.
 
Ramener des fermes en ville c’est d’abord recréer des zones vertes et des habitats indispensables à l’épanouissement de la biodiversité. Un simple potager urbain de quelques dizaines de m² peut faire revenir en villes des dizaines d’espèces d’insectes, d’oiseaux et bien sûr une biodiversité moins visible mais encore plus précieuse : la vie du sol. Les milliards d’organismes qui habitent nos sols et qui font leur fertilité sont une ressource précieuse et fragile.
 
L’enjeu est aussi bien sûr de créer des villes plus belles et plus humaines. Les impacts positifs sur la santé et le bien-être des contacts réguliers avec la nature sont maintenant très bien documentés : réduction du stress, renforcement du système immunitaire, etc. Les potagers urbains créent des oasis verts uniques dans nos villes tellement minérales.
 
 
Les bienfaits des toits “verts”
 
Vivre en ville devient de plus en plus inconfortable en été, à cause des canicules toujours plus marquées. Les fermes urbaines sont une solution efficace pour combattre les îlots de chaleur : elles permettent de remplacer des toitures noires et sèches par une nature verte, luxuriante et humide. Les avantages ne s’arrêtent pas aux beaux jours, car lorsqu’elle est pratiquée en terre, l’agriculture urbaine permet de stocker des quantités importantes d’eau de pluie. Jusqu’à 50% de l’eau tombée est absorbée par la terre et les plantes et ne va pas ruisseler et remplir les réseaux d’écoulement déjà saturés. Cette eau permet ensuite la croissance de plantes qui nettoient notre atmosphère. Elles fixent ainsi des quantités importantes de carbone réduisant encore les effets de serre locaux. Une étude menée à Toronto en 2001 démontrait d’ailleurs qu’une végétalisation de 6% des toits pourrait permettre une baisse de la température allant de 1°C à 2°C. 
 
La participation à la lutte contre les îlots de chaleur n’est pourtant pas le seul avantage de la végétalisation des toits parisien. En effet, selon une étude lancée par l’Agence Régionale pour la Biodiversité (ARB) et l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France, la végétalisation est aussi bénéfique à l’épanouissement des espèces animales et végétales. En tout, les toits et façades végétalisés de la région parisienne, ont permis le développement de 268 espèces de plantes et de 303 espèces d’invertébrés. C’est face à tous ces résultats positifs que la mairie de Paris s’est investie dans un projet de végétalisation de la capitale qui devrait atteindre 100 hectares de toits et façades végétalisés en 2020
 
Le projet de rénovation de la Gare du Nord, qui prévoit la création d’un toit paysager de 11 000m2, rentre dans cette stratégie de végétalisation de la capitale.  Cette nouvelle surface de plus d’un hectare viendra donc, entre autres, renforcer le retour de la biodiversité dans la capitale française. Autre point positif, si l’on en croit l’étude réalisée à Toronto, cet espace pourrait participer à faire baisser la température extérieure du quartier de la Gare du Nord. Ce qui ne serait pas un luxe dans une ville où les canicules se renforcent d’année en année et où la température extérieure atteint régulièrement les 40°C durant les mois les plus chauds.
 
 
Tisser des liens sociaux
 
L’agriculture urbaine est aussi un fantastique créateur de tissu social : avant l’époque moderne, la vie humaine était rythmée par les saisons et les grands rendez-vous dans les champs. Des semis aux récoltes, l’implication dans des potagers recrée une communauté de voisins qui se rencontrent autour d’un projet commun. L’agriculture est une langue universelle capable de tisser des liens sociaux dans nos villes où les rapports de voisinages sont de plus en plus distants.
 
Mais n’oublions pas l’objectif de ces potagers ou de ces fermes urbaines : la production de fruits et légumes locaux de qualité. Plus besoin de chambres froides, de transport ou d’emballages. L’agriculture urbaine donne accès à des produits d’une fraîcheur inégalable. Tout le monde y gagne, à commencer par les maraîchers eux-mêmes, qui y trouvent des possibilités d’emplois locaux et une relation de proximité avec leurs clients. De ces échanges naîtra une meilleure compréhension du monde agricole, ils permettront d’éduquer les acheteurs ce qui aura, aussi, un impact positif sur l’agriculture de campagne. Nous assistons ainsi à la renaissance du chaînon manquant entre les villes et le monde rural qui participera à la construction de villes plus belles et plus inclusives. La graine est plantée, à nous de l’arroser tous ensemble.
 
 
Tribune par M. Augustin Nourissier, co-fondateur de Skyfarms et formateur en permaculture et mise en place de projets de potagers collectifs.

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