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JDE Peet’s : « Quand on achète près 8% du café mondial, on a une responsabilité pour investir dans notre filière d’approvisionnement »

Capture d’écran, via la chaine YouTube de JDE Peet’s

Le café, un futur produit de luxe ? La matière agricole la plus échangée sur les marchés mondiaux est aujourd’hui menacée par la crise environnementale. Avec le programme Common Ground de filière de production transparente et écoresponsable mais également d’aides aux petits producteurs, JDE Peets, 1er groupe de café au monde, veut pérenniser le secteur tout entier. Rencontre avec Laurent Sagarra, vice-président chargé du développement durable.

 

JDE s’est engagé à s’approvisionner à 100 % de café issu de sources responsables d’ici 2025, concrètement, qu’est-ce que cela va changer ?

Je dirais plutôt qu’est-ce que cela a déjà changé ? Parce que si l’ambition de 2025 est au niveau mondial, on peut déjà regarder au niveau de l’Europe, puisque l’année dernière, nous avons déjà atteint 90 %.

 

Cela englobe beaucoup de choses : la durabilité des terres, l’égalité des personnes, la prospérité des producteurs. Est-ce que pouvez donner un exemple concret ?

Pour vous clarifier ce qu’englobe le sourcing responsable, il faut d’abord préciser qu’il n’est pas défini par nous, mais par le Global Coffee Platform.  Le GCP a défini le référentiel du café responsable et il est commun à l’industrie, aux pays producteurs, et aux ONG. Le GCP accrédite des organismes pour aller vérifier que le suivi colle au cahier des charges.

 

Qui s’en charge ?

Il y a environ une quinzaine d’organismes, comme l’ONG Enveritas avec qui nous collaborons, qui fait cela. Mais il y a deux façons de le faire : traditionnellement on fait ce qu’on appelle de la certification, après avoir sélectionné – sur la base d’audit – les agriculteurs qui répondent au cahier des charges. Mais il y a une deuxième manière de le faire, toujours sur la base de l’audit qui nous permet d’identifier les écarts pour ensuite investir de manière à les résoudre. Aujourd’hui c’est ce vers quoi nous tendons parce que notre objectif est de nous assurer à avoir du café dans le futur. Derrière le sourcing responsable, il y a la volonté de protéger les agriculteurs, de protéger la culture, et de l’engager dans un processus d’amélioration continue, pour s’assurer que les agriculteurs puissent vivre décemment du café et qu’ils le fassent en soutenant la planète et la biodiversité.

 

Comment sauver les tout petits producteurs, qui croulent sous toutes ces nouvelles procédures « administratives » ?

C’est aussi pour cela que JDE soutient une approche complètement inclusive du sourcing responsable : au lieu d’être une approche de sélection des agriculteurs, on investit. On se base sur les rapports détaillés des organismes de vérification pour réfléchir sur toutes les opportunités et les challenges. Cela se traduit chez JDE Peets par plus d’une soixantaine de projets mis en œuvre à la source, en collaboration avec les ONG, les gouvernements, et nos fournisseurs, pour construire de la résilience au niveau des agriculteurs. Quand on achète près 8% du café mondial, on a une responsabilité pour investir dans notre filière d’approvisionnement, c’est pour cela qu’on fait ces projets.

 

Le principal problème des petits producteurs est-il celui du rendement ?

Oui, lorsque vous regardez les soucis des caféiculteurs c’est en effet cela qui revient. A l’échelle de la planète, il y a un fossé entre un producteur qui produit entre cent à deux cents kilos par hectare, et celui qui produit entre trois et quatre mille kilos par hectare. Si on veut attaquer de façon durable les problèmes de pauvreté dans la caféiculture, la première chose à faire, c’est augmenter le rendement : un agriculteur qui produit 100 kilos par hectare, quel que soit le prix du café, restera dans une situation de pauvreté.

 

Cela ne va pas les pousser à la culture unique ?  Parce que la multiculture est préférable…

On a deux types de caféiculture : la culture à grande-échelle, comme au Brésil, avec des rendements très élevés. Et ensuite, on a le reste du monde. C’est à dire énormément de petits caféiculteurs, qui font, non seulement du café, mais plein d’autres choses, parce que, d’abord la culture du café est locale et se fait sous ombrage : les rentes de cafés sont intercalées avec d’autres cultures (bananes, citron, …). Cela n’est pas antinomique d’augmenter sa production parce que si vous gérez bien votre parcelle de café, même en agroforesterie, en multiculture, on a une opportunité énorme. La multicullture crée du complément de revenus. C’est d’autant plus important chez les petits agriculteurs. Si vous êtes sur une monoculture, et qu’il y a un problème climatique, vous perdez votre source de revenus.

 

Vous luttez également contre la déforestation via l’utilisation de l’intelligence artificielle et les images par satellite…

Le changement climatique met en danger la culture du café dans l’avenir, et l’une des causes principales du changement climatique, c’est la déforestation. Nous nous sommes engagés depuis maintenant un an avec Enveritas, pour que la production de café dans le futur soit sans déforestation. Concrètement, il faut commencer par identifier la déforestation liée au café, et ce, au travers de l’utilisation d’intelligence artificielle pour analyser des images satellites de haute définition. Lorsque vous superposez la carte de la forêt avec la carte de la caféiculture, on arrive à identifier les parcelles qui ont été déforestées, et ensuite on s’engage avec les divers gouvernements, et les ONG locales, pour retransformer ces parcelles de café en forêt. On soutient, au niveau financier, la restauration de ces parcelles.

 

Mais comment lutter contre la déforestation en aidant les petits producteurs à cultiver le café ?

Aujourd’hui il n’y a pas besoin de déforester pour faire du café. C’était le cas il y a trente ans, mais maintenant on s’assure que les parcelles de café existantes produisent davantage. Comme je vous le disais précédemment, le rendement est encore très faible dans certaines régions et il faut l’améliorer. La nouvelle réglementation européenne sur la déforestation interdit d’importer du café qui a été planté sur des parcelles déforestées après 2020.

 

Combien JDE a-t-il investi dans ces programmes écoresponsables ?

 On parle de plusieurs millions, mais sans donner de chiffres précis, on s’est engagé à supporter financièrement tous les pays avec lesquels on travaille dans la restauration des partielles déforestées. On investit à deux niveaux : d’abord pour avoir des données de qualité, qui permettent de cibler nos actions et évaluer l’étendue des enjeux en face de nous. Et l’autre partie de notre investissement va dans les programmes de terrain, pour supporter les agriculteurs et les problèmes de terrain. Notre budget actuel va tripler en 2024. Notre business est constitué à 95 % de café, don ces investissements éco-reponsables concernent notre avenir.

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