Fin mai, la France annonçait fièrement qu’elle était parvenue à réduire ses niveaux d’émissions de gaz à effet de serre de 5.8% en 2023 par rapport à l’année précédente. Une nouvelle réjouissante et ce d’autant plus que ce résultat dépasse l’objectif annuel de 5% de baisse que s’est fixé le gouvernement pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, en adéquation avec les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat.
Baisse qui s’annonce structurelle, résultats encourageants dans l’ensemble des secteurs d’activité… bref tous les indicateurs étaient au vert. Tous ? Non. L’un d’entre eux résiste encore et toujours aux efforts menés au cours des dernières décennies. Les puits de carbone français souffrent et leurs résultats sont, sinon mauvais, tout du moins décevants.
Mais concrètement, qu’est-ce qu’un puits de carbone ? C’ est un système naturel ou artificiel capable d’absorber et de stocker le dioxyde de carbone (CO₂) de l’atmosphère. Les forêts, les océans et les sols sont ainsi des exemples de puits de carbone naturels.
Or, le plan de neutralité carbone français s’appuie à la fois sur des efforts de réduction des émissions de GES menés dans chaque secteur d’activité mais également sur ces puits de carbone naturel, principalement notre espace forestier, qui doit permettre d’absorber les émissions résiduelles, celles que l’on ne pourra pas réduire ou supprimer.
Mais la forêt française n’est pas au mieux de sa forme. Si, paradoxalement, sa surface ne cesse de s’étendre, +20% depuis les années 80, ses capacités d’absorption du CO2 sont mises à mal. Pire encore, certaines forêts émettent désormais davantage de carbone qu’elles n’en stockent. La Citepa estime que ces puits, qui absorbaient 45 Mt de CO2 par an dans les années 2000, n’en absorbent plus que 20 millions actuellement.
La raison est simple. La forêt, censée nous aider dans la lutte contre le réchauffement climatique, en est déjà une victime : sécheresses à répétitions, proliférations de maladies, mortalité précoce des jeunes plants… A cela s’ajoute une hausse des récoltes de bois et des pratiques de gestion forestière qui posent question. Ainsi, selon l’Académie des Sciences, seules 17% des forêts françaises sont constituées de 3 essences ou plus d’arbres et 50% d’entre elles sont en mono-espèce, augmentant les risques qui pèsent sur ces puits de carbone.
Si l’objectif du gouvernement de planter 1 milliard d’arbres en 10 ans est louable, ses effets ne seront positifs qu’à très long terme. Par ailleurs, les conditions climatiques ont considérablement augmenté le taux de mortalité des nouvelles plantations et la hausse des températures couplée à aux événements météorologiques extrêmes risquent d’augmenter cette valeur.
Selon les plans du gouvernement, la filière bois devait permettre de compenser 20% de nos émissions de CO2. Malheureusement ce chiffre est très optimiste. Selon l’IGN, les capacités d’absorption de nos forêts devraient continuer de baisser sur les prochaines décennies, peu importe les scénarios envisagés.
Mais ce constat alarmant nous permet également de nous recentrer vers ce qui est et a toujours été la solution première pour atteindre nos objectifs de neutralité carbone, celle qui doit toujours rester au cœur de notre stratégie climat : la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Pour répondre à la question posée en titre de cette tribune, “peut-on encore compter sur nos puits de carbone ?”, la réponse est non, ou tout du moins, pas avant longtemps. Miser sur les puits de carbone, compte tenu de leur état actuel et probablement futur, est un pari bien trop risqué.
Bien entendu, nous devons poursuivre nos efforts pour préserver ces forêts qui, au-delà de leur mission de puits de carbone, sont également un réservoir immense pour la biodiversité. Mais cela implique de revoir en profondeur notre gestion forestière et le fonctionnement de la filière bois, en prenant en compte les conséquences du changement climatique. Les pratiques telles que la monoculture ou les coupes rases doivent disparaître au profit d’une gestion plus équilibrée, prenant en compte à la fois les besoins de la filière bois et les capacités de notre forêt à se régénérer, avec ou sans implication humaine. C’est la seule solution pour permettre à la forêt française de reprendre pleinement son rôle, même à long terme, dans la régulation des émissions de CO2.
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