Le monde du chocolat a la bougeotte. Barry Callebaut, le principal fabricant de chocolat du monde lance un nouveau produit, qui semble plus sain et respectueux de l’environnement. Un jour, le chocolat pourra-t-il compter dans les cinq fruits et légumes quotidiens ?
« J’ai toujours trouvé absurde que pour faire du chocolat, on ne se serve que des fèves, les graines du fruit, et qu’on jette 70 % de la masse » : à la tête du principal fabricant de chocolat du monde, Barry Callebaut, Antoine de Saint-Affrique a voulu marquer son engagement social et environnemental par une innovation de taille.
Présenté fin septembre à San Francisco, WholeFruit – les puristes espèrent un jour PleinFruit – est un chocolat entièrement issu du fruit du cacaoyer, la cabosse, mais, à la différence des chocolats 100% cacao, il mêle le jus et la pulpe aux fèves. Naturellement doux, grâce aux sucres du fruit, il contient en moyenne 40% de sucre en moins qu’un chocolat traditionnel et 90% de fibres en plus. Objectif du chocolatier : un processus sans déchets. Même l’écorce de la cabosse trouve son utilité alimentaire – dans des tuiles au fromage, par exemple. Distribué avant les fêtes en exclusivité à 30 chefs de par le monde, WholeFruit sera proposé l’an prochain aux artisans chocolatiers, et enfin aux marques.
Barry Callebaut tient ainsi à montrer qu’on peut concilier fruit du cacaoyer et ambition gastronomique, luxe et cabosse, champagne et jus du cacaoyer. Pour être surprenante, l’association gustative n’en est pas moins convaincante. Mais dans un monde où glaces et barres chocolatées continuent de peser lourd – si l’on ose dire –, WholeFruit se trouvera aussi dans des produits confectionnés, comme ceux de Mondelez aux Etats-Unis.
Un océan de chocolat
Barry Callebaut, en effet, c’est 2 millions de tonnes vendues chaque année : presque un quart de tout le cacao qui se récolte et de tout le chocolat qui se mange dans le monde. Fondée en Suisse dans les années 1990 par Klaus Jacobs, l’entreprise génère aujourd’hui une rentabilité d’environ 8% sur un chiffre d’affaires de plus de 7 Md€, en croissance de 6% par an. Depuis qu’il en a pris la tête en 2015, après avoir dirigé l’ensemble des activités alimentaires d’Unilever, le Français Antoine de Saint-Affrique a maintenu cette croissance en volume, avec une accélération de la rentabilité. Mais il a surtout imposé un virage vers une RSE ambitieuse et exigeante.
La charte « Forever Chocolate », publiée l’année suivante, donne au chocolatier 4 objectifs à tenir d’ici à 2025 : 100% d’ingrédients durables ; un bilan carbone et forêt positif ; sortir 500 000 fermiers de la pauvreté et surtout éradiquer le travail des enfants parmi ses fournisseurs. Une question structurelle qui vaut des problèmes d’image récurrents à qui travaille avec des centaines de milliers de petites fermes africaines, souvent familiales. Au cœur de la stratégie : donner à tous les enfants concernés la possibilité d’aller à l’école, ce qui correspond bien à l’objet de la Fondation Jacobs, actionnaire de référence de la société depuis le décès du fondateur.
Mais à la vérité, c’est tout le secteur de la confiserie-chocolaterie qui est menacé par l’épidémie d’obésité et les préoccupations environnementales croissantes de la jeunesse. Il est loin, le temps où Klaus Jacobs pouvait entrer au classement Forbes des milliardaires grâce à la vente de Jacobs Suchard à Philip Morris, lui-même à la recherche de synergies entre deux activités agricoles, le tabac et le chocolat.
Aujourd’hui, si le secteur veut garder sa bonne santé, il sait qu’il lui faut trouver des produits nouveaux, naturels et débarrassés de l’empire du sucre industriel. Avec Wholefruit, Barry Callebaut lui montre la voie. D’autres industriels la défrichent également : le jour semble proche où le cacao pourra quitter la confiserie pour redevenir, voyez-vous cela, un fruit.
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