Rechercher

Débarquement de Normandie : Comment la Seconde Guerre mondiale a marqué le paysage fossile des plages ?

Normandie
Arromanches-Les-Bains, Normandie. Getty Images

En juin 1988, les géologues Earle F. Mc Bride et M. Dane Picard ont prélevé du sable sur la plage de Normandie. Le sable, qui reflète les affleurements rocheux que l’on trouve à l’intérieur des terres et le long de la côte, est composé principalement de grains de quartz, de feldspath, de calcaire et de coquillages fragmentés.

 

Cependant, en observant les échantillons au microscope, les deux géologues ont également trouvé des grains magnétiques et de petites sphères de fer et de verre. 

Ils ont vite compris qu’il s’agissait de particules sédimentaires générées par le débarquement de Normandie. Le 6 juin 1944, plus de 156 000 soldats ont débarqué en Normandie pendant la Seconde Guerre mondiale. Une série de batailles sanglantes ont eu lieu sur la plage, faisant près de 10 000 victimes. Les grains magnétiques sont des fragments d’obus et de munitions métalliques, tandis que le verre est en fait du sable de quartz fondu par la chaleur des grenades qui explosent.

Les géologues pensent que les particules de métal et de verre contenues dans le sable prélevé en Normandie survivront à l’érosion par les vagues pendant 100 à 1 000 ans, voire plus.

Une étude publiée dans la revue Current Biology montre comment la guerre a également influencé les communautés de micro-organismes marins, suggérant que la Seconde Guerre mondiale pourrait même entrer dans les archives fossiles.

La Seconde Guerre mondiale est une guerre mondiale qui a duré de 1939 à 1945. Impliquant directement plus de 100 millions de personnes dans plus de 30 pays, les principaux participants ont mis toutes leurs capacités économiques, industrielles et scientifiques au service de l’effort de guerre. Les armées comptaient des millions de soldats et d’innombrables véhicules motorisés, camions, chars, navires et avions.

Des carottes de sédiments prélevées sur différents sites de la baie de Brest ont permis aux scientifiques de reconstituer l’évolution des communautés de micro-organismes marins au cours des 5 000 dernières années. L’étude a analysé l’abondance des diatomées, des dinoflagellés et d’autres organismes marins unicellulaires dans les couches de boue des carottes.

L’abondance relative des divers micro-organismes reste la même pour la plupart des carottes analysées, mais on observe un changement soudain dans les couches de boue supérieures, les plus récentes. Autour de l’année 1941, la diversité des dinoflagellés change et les diatomées deviennent dominantes.

Des changements similaires dans les communautés de micro-organismes marins modernes sont souvent associés à la pollution industrielle ou à la contamination par les nutriments due au ruissellement des champs agricoles dans les bassins versants et les rivières.

En analysant la composition chimique des carottes, l’étude note que ce changement coïncide avec une pollution par des métaux lourds et des composés organiques datant des années 1930 à 1940.

Depuis plusieurs siècles, la baie de Brest est un port militaire important. Elle a également fait partie du plan allié d’invasion de la France métropolitaine et abrite aujourd’hui deux bases navales françaises. Les auteurs de l’étude suggèrent que les opérations militaires de la Seconde Guerre mondiale ont constitué une source majeure de polluants affectant la composition des communautés marines de la baie, de la Manche et de l’océan Atlantique voisins. Le 6 juin 1944, un assaut aérien de 1 200 avions a précédé un assaut amphibie impliquant plus de 5 000 navires. Des éléments toxiques comme le plomb et le mercure ont été libérés par la combustion du carburant, des composés organiques par les déversements de carburant et d’huile, et des métaux comme le lithium, l’aluminium et le nickel proviennent des véhicules et autres machines. Après la guerre et surtout à partir des années 1980-1990, les micro-organismes suivent des contaminations chroniques d’origine agricole, ne retrouvant jamais les niveaux préindustriels.

Comme les micro-organismes des groupes étudiés possèdent une coquille résistante ou forment des kystes de repos à coquille dure dans des conditions de vie défavorables, ils ont un fort potentiel de fossilisation. Lorsqu’ils meurent, leurs coquilles et leurs kystes coulent au fond de la mer et la boue déposée par les courants marins les protège de toute érosion ultérieure.

Le changement de communautés pourrait faire partie des archives fossiles et préserver les effets de la Seconde Guerre mondiale sur l’environnement pour les prochains millions d’années.

 

Article traduit de Forbes US – Auteur : David Bressan 

<<< À lire également : Les corps de 270 soldats allemands découverts dans un tunnel de la Première Guerre mondiale après 100 ans >>>

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC