TRANSPORT MARITIME | À l’heure du tout électrique, il est tout à fait raisonnable de se demander si le passage à une industrie entièrement électrique est possible pour les énormes navires qui transportent l’essentiel du commerce mondial. Alors, quelle énergie pour le futur des navires de transport maritime ?
Il faut tout d’abord se demander s’il est nécessaire de décarboner le transport maritime. La réponse est oui. En outre, il est essentiel de réduire parallèlement toutes les sources de gaz à effet de serre. Les transports terrestres sont les plus faciles à contrôler, mais le transport maritime international représente à lui seul environ 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon l’Organisation maritime internationale (OMI). Ce chiffre ne tient pas compte d’une grande partie du transport maritime à courte distance et de l’absence de transport terrestre.
Cependant, ce dernier point donne une idée de la nécessité de segmenter davantage le secteur pour voir quelles solutions peuvent fonctionner à quel moment. Après avoir rassemblé un ensemble de données provenant de sources publiques, notamment des données nationales, des données des Nations Unies, des données de l’industrie maritime internationale et des organisations de transport fluvial, on observe qu’il n’existe pas d’ensemble de données publiques intégrées ni même d’organisations traitant de l’ensemble du secteur, en raison notamment de son ampleur et de sa diversité.
La projection jusqu’en 2100 est l’un des principaux résultats de cette étude. Il n’est pas nécessaire d’être particulièrement perspicace pour constater qu’en dépit de l’augmentation rapide enregistrée entre 1990 et aujourd’hui, la projection prévoit une baisse considérable du nombre de tonnes métriques de fret dans les décennies à venir. Pourquoi ? La réponse est simple. Environ 40 % de tous les transports maritimes en vrac dans le monde concernent le charbon, le pétrole et le gaz. Comme le pic de la demande en combustibles fossiles est pour cette décennie, selon de nombreuses sources crédibles et plus récemment Fatih Birol, directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, ces 40 % diminueront dans les années à venir. Sinopec, le géant chinois du raffinage et de la distribution de pétrole, a annoncé que la consommation d’essence atteindrait son maximum cette année, en 2023, en raison de l’électrification massive des transports terrestres.
En outre, 15 % des marchandises en vrac sont constitués de minerai de fer brut, acheminé vers les mêmes ports mondiaux, en particulier ceux de Chine, où les navires charbonniers sont en service. Cependant, on dispose de nouvelles technologies qui permettent de transformer le minerai de fer en nouvel acier avec de l’électricité verte, soit directement via les processus de Fortescue ou de Boston Metals, soit par réduction avec de l’hydrogène vert comme HYBRIT et H2 Green Steel, soit par réduction directe avec du biométhane et de la chaleur industrielle électrifiée via les technologies MIDREX.
À l’heure actuelle, les États-Unis sont les premiers à utiliser la ferraille d’acier pour répondre à la nouvelle demande, avec une utilisation de 70 % des fours à arc électrique. L’Europe n’en est qu’à 40 %. D’autres pays atteindront le niveau des États-Unis. Les infrastructures de combustibles fossiles seront de plus en plus alimentées par des fours à ferraille. Enfin, la Chine arrive à la fin de la construction de ses grandes infrastructures, de sorte que sa demande d’acier se stabilisera également, et les autres économies en développement ne connaîtront pas la même augmentation extraordinaire de la demande en raison de conditions différentes dans des pays tels que l’Inde et l’Indonésie.
Ce sont donc 55 % des produits en vrac qui diminuent de manière substantielle. En outre, l’essor de la conteneurisation cannibalise le transport maritime en vrac depuis les années 1950. De plus en plus, les céréales et d’autres produits autrefois manipulés en vrac sont transportés dans des conteneurs.
Cette combinaison se traduit par une baisse significative du tonnage. Entre-temps, en particulier dans le domaine du transport maritime transocéanique, des sources d’énergie de remplacement pour pousser les énormes navires sur l’eau vont être utilisées, mais elles seront plus chères. Cela exercera une pression à la baisse sur le transport maritime par rapport à la transformation locale. Le transport par conteneurs augmentera, ce qui présente des avantages et des inconvénients, mais cela ne suffira pas à compenser la perte de marchandises en vrac. Le secteur du transport maritime l’a bien compris.
Et il y a là aussi un signe avant-coureur. Cette année, un seul très gros transporteur était en commande auprès des constructeurs de navires au niveau mondial, alors que plus de 900 navires vieillissants sillonnaient les océans. Ce n’est pas un taux de remplacement. Le secteur maritime sait que cette transformation est imminente et que les discussions sur les investissements et la stratégie sont très différentes de ce qu’elles étaient il y a cinq ans.
Il s’agit de la première partie de la préparation du débat sur la décarbonisation du transport maritime dans les décennies à venir. La prochaine segmentation nécessaire concerne le transport maritime intérieur, le transport maritime à courte distance et le transport maritime en eaux profondes.
Cependant, quelle que soit la manière dont on découpe le secteur, les navires qui traversent les océans et naviguent sur les rivières et les lacs sont des sources majeures d’émission de gaz à effet de serre et d’autres polluants. Le secteur doit se transformer.
Article traduit de Forbes US – Auteur : Michael Barnard
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