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Collectivités locales : des innovations pour lever les verrous de la sobriété énergétique

La smart city

La fin de l’année est classiquement le moment où les collectivités locales votent le budget. Mais cette année a été particulière. En effet, le thème de la sobriété énergétique s’est invité au débat public pour devenir un élément clé de la baisse de la consommation d’énergie et de la baisse des dépenses.

De façon très globale, la production d’électricité, qu’elle provienne d’une centrale thermique, nucléaire, ou d’énergies renouvelables, compte pour près de 43% des émissions de gaz à effet de serre liées à l’activité humaine dans le monde. Dans ce cadre, les bénéfices d’un plan de sobriété énergétique pourraient être multiples : une diminution des émissions de gaz à effet de serre (GES) de chaque secteur et – par extension – de l’empreinte carbone française et une limitation de l’usage de ressources naturelles (La production alimentaire, par exemple, est responsable de 57% des émissions de gaz à effet de serre de notre assiette, selon une note du Commissariat général au développement durable). Tout le monde est donc concerné par cet enjeu du siècle : les entreprises, l’Etat comme les administrations publiques. La sobriété énergétique vise donc, grâce à une mobilisation collective, une réduction de 10% de notre consommation d’énergie d’ici 2024, première étape de la neutralité carbone. Dans ses préconisations, le gouvernement a proposé toute une palette d’actions pour mieux économiser l’énergie, des conseils mais aussi des aides pour les collectivités locales. Dans un contexte où nous devons faire face à des risques en matière d’approvisionnement en gaz, mais aussi en électricité du fait d’une moindre disponibilité de notre parc nucléaire, la sobriété peut finalement s’imposer pour des raisons économiques et géopolitiques tout du moins dans l’immédiat. C’est peut-être aussi une opportunité pour enclencher notre transition énergétique sur le long terme en commençant par la sobriété. Il faut savoir aussi que la hausse des prix de l’énergie a augmenté les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales. L’idée de faire des économies, plutôt que d’augmenter les impôts et ponctionner le pouvoir d’achat, trouve aujourd’hui une justification idéale.

 

Des collectivités engagées dans la sobriété énergétique malgré des résistances  

La sobriété énergétique peut se définir comme une transformation des modes de vie, habitudes et comportements, mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Isolation des bâtiments, installation généralisée de panneaux photovoltaïques, numérique écoresponsable, mobilités douces sont autant de sujets à adresser etc. Pour y répondre, nous avons recensé 3 leviers :

Les leviers d’actions concrètes à court terme :

1) Avoir une vision axée sur les usages qui peuvent varier d’un territoire et/ou d’une organisation à une autre dans l’esprit d’identifier les impacts et les prioriser :

  • Adapter la température du chauffage en fonction de l’occupation et de la température extérieure : 19°C pour les pièces occupées, 16°C hors période d’occupation, 8°C si les lieux sont inoccupés plus de deux jours. Avec 50% de part du chauffage dans les consommations d’énergie au bureau, baisser la température de 1°C, c’est 7 % de consommation d’énergie en moins.
  • Entretenir les équipements de chauffage, de froid et d’eau chaude : calorifuger, vérifier l’équilibrage, organiser le désembouage pour éviter toute déperdition thermique et retarder si possible l’ouverture de la saison de chauffe.
  • Réduire les dépenses d’eau chaude : vérifier que la température du chauffe-eau collectif ne dépasse pas 55°C et installer des réducteurs de débit sur les robinets et dans les douches des équipements.
  • Éteindre l’éclairage intérieur des bâtiments : la nuit, le week-end et lors des périodes de fermeture, conformément à la réglementation. Améliorer aussi son efficacité avec des LED ou des lampes basse consommation et une gestion en fonction de la présence.
  • Sensibiliser à la sobriété numérique au bureau : 75 % des consommations du matériel informatique ont lieu en période d’inactivité : il faut donc arrêter les systèmes audiovisuels non indispensables (comme les écrans des halls d’accueil), éteindre les écrans et ordinateurs la nuit, limiter le nombre et le dimensionnement des équipements informatiques, augmenter la température des salles de serveur (50% d’énergie consommée en moins en passant d’une température de 22 °C à 26 °C avec la climatisation), mettre en œuvre des systèmes de refroidissement passifs (free cooling)…
  • Sensibiliser les habitants aux économies d’énergie et aux bonnes pratiques du chauffage au bois. Alors que les prix de l’énergie augmentent, le chauffage au bois séduit de plus en plus. Pour limiter la consommation de bois et éviter de détériorer la qualité de l’air, diffuser les bonnes pratiques (pas de cheminée ouverte, allumer le feu par le haut, utiliser du bois sec et de qualité).
  • Être exemplaire : l’exemplarité des collectivités, tout comme l’État, est essentielle pour motiver l’ensemble de la société à la réduction des consommations d’énergie. Agir sur l’éclairage des monuments, des équipements sportifs et culturels, veiller à fermer les portes donnant sur l’extérieur, sensibiliser les agents aux enjeux environnementaux, favoriser l’écoconduite des agents (avec 12 millions de tonnes de Co2 (/an) émis par les déplacements liés aux activités de bureau, le télétravail permet, par exemple, de diminuer d’environ 30 % les impacts environnementaux des déplacements)…
  • Rejoindre le programme Territoire engagé pour la transition écologique : modulable et assorti d’outils opérationnels, il permet aux collectivités de structurer leur politique de transition écologique et leur projet de territoire avec des résultats probants (les habitants consomment 30 % d’énergie en moins par rapport à la moyenne française).
  • Engager la rénovation thermique des bâtiments tertiaires : Près de la moitié des bâtiments en France ont été construits avant 1975. Leur consommation moyenne est d’environ 240 kWh énergie primaire/m²/an, alors que les exigences actuelles se situent autour de 50 kWh/m²/an.  Il faut s’appuyer sur les retours d’expériences de collectivités qui ont réduit drastiquement leur consommation d’énergie, sur le dispositif conseiller en énergie partagée (en 5 ans, les communes accompagnées ont réduit de 15 % leur consommation d’énergie) ou encore sur l’outil Operat pour tout savoir sur l’application de la réglementation énergétique.

 

2) Notre méthode repose sur des freins constatés : En réalité, quelles que soient les mesures concrètes que l’on pourra adopter il existera toujours des freins à lever. D’abord on constate que la sobriété énergétique n’est pas forcément ancrée le plus simplement possible dans les consciences et que les barrières culturelles liées à plusieurs décennies d’un modèle très consumériste restent encore bien présentes. De plus, les collectivités locales manquent souvent de soutiens politiques, de moyens techniques et humains pour porter, piloter et valoriser une démarche transverse. On manque aussi d’indicateurs, de visibilité et de connaissance des actions existantes à mettre en œuvre en particulier en s’inspirant des pairs.

C’est pour cela qu’il faut communiquer sur les bonnes pratiques et les solutions des territoires pionniers, eux-mêmes à identifier. Il ne s’agira pas toujours de les imposer mais de les mettre en débat et d’animer une concertation impliquant l’ensemble des parties prenantes afin d’adapter la stratégie et le plan de sobriété aux réalités de l’administration et du territoire. La concertation de l’écosystème doit également permettre d’évaluer la faisabilité des projets au regard de la maturité de l’administration, des moyens humains, techniques et financiers. Ceci devrait progressivement permettre de lever les représentations parfois négatives de la sobriété. A l’image de la campagne de communication lancée par le gouvernement « chaque geste compte », la déclinaison locale d’un plan de sobriété énergétique ne pourra être efficace et contribuer à l’effort collectif que si elle est associée à des actions de sensibilisation, d’accompagnement aux changements des pratiques et des modes de vie, et de valorisation des impacts environnementaux et budgétaires.

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3) Ne pas oublier les technologies, l’IA et la Green Tech : Les innovations peuvent avoir un rôle clé pour atteindre ces objectifs. L’IA par exemple permettra une gestion ultra efficace des éclairages publics. Grâce aux technologies d’IA vidéo disponibles, il est possible de suivre les millions de flux quotidiens au sein des collectivités locales. Ces informations à grande échelle de données anonymes couvrent de nombreux champs : les parcours privilégiés des usagers, le nombre de véhicules de chaque type, le nombre de piétons, de vélos, etc. Ces éléments permettent aux acteurs des villes de mettre au point des solutions concrètes et de piloter finement et rapidement les réaménagements urbains. Au lieu de naviguer à vue, les pouvoirs publics ont une boîte à outils pour transformer les villes de façon scientifique en limitant les désagréments du changement. Ainsi, ces outils offrent la possibilité de déployer de façon optimale de nombreuses pistes cyclables et parkings de mobilités douces. Ils permettent aussi de moduler le temps des feux, de fermer ou d’ouvrir des routes en temps réel, etc. Nous appelons à un vaste effort national pour changer nos mobilités. La rationalisation des transports urbains et extra-urbains est urgente. Elle n’est plus un luxe. Elle permettrait d’éviter de futurs rationnements qui affecteraient en priorité les ménages les plus pauvres.

Le culte du progrès technologique s’est parfois fait au détriment de notre planète. Nombreux pourtant sont les porteurs de projets innovants qui ont dépassé cette contradiction et mis la technologie au service de la transition écologique. La France bénéficie d’un écosystème très riche en matière d’innovation guidé par le souhait de protéger notre environnement. La Tech for good n’est pas qu’un slogan. Elle doit désormais être mobilisée au cœur de l’urgence énergétique pour aller vers une société de sobriété. À cet égard, l’IA est probablement un des outils les plus puissants de pilotage. Les gouvernements européens doivent s’en saisir s’ils souhaitent amortir la crise et renforcer notre souveraineté énergétique. De façon générale, il faudra a minima repenser les circuits courts et certainement s’inspirer des principes de la green tech.

 

Avec Olivier Vanbelle, Directeur Conseil Secteur Public et Clara Chantepie, Manager Conseil Secteur Public, CGI Business Consulting

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