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Batterie : le grand défi du recyclage

Les batteries jouent un rôle crucial dans la montée en puissance des énergies renouvelables et l’électrification des transports ; deux enjeux essentiels pour atteindre les objectifs communs validés lors de la COP 28. Les secteurs de l’énergie et le transport tirent leur épingle du jeu et font grimper la demande de batteries. Mais la pénurie des matières premières, et surtout le développement de technologies dédiées au recyclage des batteries posent quelques défis qu’il va falloir relever.

Une contribution de Henry Claussnitzer, responsable de l’engagement commercial chez OMRON Industrial Automation Europe

 

Selon les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie (IEA), le secteur de l’énergie représente aujourd’hui plus de 90 % de la demande totale en batteries. En 2023, le déploiement de batteries dans ce secteur avait augmenté de plus de 130 % par rapport à l’année précédente, soit un total de 42 gigawatts (GW) pour les systèmes électriques à l’échelle planétaire. Côté transport, les batteries ont facilité le développement des véhicules électriques. En décembre 2023, le parc mondial atteignait 28 millions de véhicules, dont 57 % en Chine, 24 % en Europe et 12,5 % aux États-Unis, selon Eurostat.


Bien que la hausse du volume de batteries fabriquées favorise l’essor des énergies renouvelables, elle constitue un enjeu majeur, notamment à cause de la dépendance de certains secteurs aux matériaux nécessaires à la production (lithium, cobalt, cuivre, nickel, manganèse et graphite) dont les pénuries s’accentuent. À l’heure actuelle, la Chine domine non seulement la production de batteries, mais aussi l’approvisionnement en matières premières, étant aux commandes des grandes mines présentes en Afrique, en Australie et en Amérique du Sud. Bien que l’Europe possède ses propres réserves, elles restent pour l’instant inexploitées. En effet, le développement de mines, un processus long de plusieurs années, ne permet pas d’accélérer rapidement la création de nouvelles sources de production.

Pour pallier ces problèmes, il existe une solution : la récupération du lithium des batteries existantes – autrement dit, le recyclage. En théorie, cette technique pourrait permettre à l’Europe de maîtriser son approvisionnement en établissant une production en boucle fermée durable et surtout moins dépendante des fluctuations de la chaîne logistique mondiale. Mais dans la pratique, le recyclage des batteries est un processus complexe qui pose, lui aussi, de nombreux défis.

 

La récupération, réparation et réutilisation des batteries : un processus à repenser

 

Côté technique, le manque de standardisation des formules chimiques et de la fabrication des batteries se fait sentir. Afin d’avoir plus de visibilité sur les composants des batteries en circulation, les usines de recyclage ont créé des bases de données. Entre les modifications chimiques et structurelles irréversibles, et les changements de fournisseur de matières premières au cours du cycle de vie d’un sous-type de matériau, chaque modification même minime peut entraîner des variations de composition, rendant parfois impossible l’identification complète des différents modèles.

D’autant plus que l’extraction, la récupération des matières premières et donc le recyclage des batteries dépendant entièrement de leur qualité. Le lithium, par exemple, doit être pur à 100 % pour être réutilisé. Autre point intéressant à noter, une batterie n’étant pas renvoyées en bon état ou provenant d’un véhicule accidenté et dont les composants utiles sont dissous, ne peut être recyclée. Parfois invisibles, l’identification de ces petits dégâts représentent un long processus de prise de décision.

Le mélange de différents types de batteries n’étant pas encore possible, les usines de recyclage doivent s’assurer qu’elles disposent de suffisamment de batteries identiques avant de démarrer le processus. Une fois la batterie ouverte, son démontage est une opération complexe entièrement manuelle. En effet, lors de la rétro-ingénierie ou l’ingénierie inverse, processus de désassemblage et d’analyse d’un produit fini, les composants électroniques et les produits chimiques sont retirés séparément. Cette tâche n’est pas seulement fastidieuse, elle est aussi dangereuse car peut entrainer des chocs électriques graves.

 

L’automatisation et la législation : les deux clés indispensables

 

Pour relever ces défis, l’Europe s’est mise en ordre de marche. La récente réglementation européenne du 12 juillet 2023 relative aux déchets des piles représente une étape importante dans l’économie circulaire. En plus d’introduire des objectifs d’efficacité du recyclage, la législation impose plusieurs exigences : amovibilité des produits électriques au sein des véhicules permettant une meilleure longévité des batteries et un retrait simplifié de celles-ci pour le recyclage, obligation d’un passeport de batterie unique via un QR code pour toutes les batteries industrielles de plus de 2 kWh vendues dans l’Union européenne, destiné à lever de nombreuses incertitudes concernant la composition des batteries…

Malheureusement, ces démarches mettront du temps à se mettre en place. En effet, les premières batteries dotées d’un passeport numérique ne seront disponibles qu’en 2035, tandis que les batteries sans passeport seront toujours utilisées en 2040, compte-tenu de leur durée de vie moyenne proche de 15 ans. D’ici là, il est urgent de faire progresser les techniques de test et de mesure technologiques.

Aujourd’hui, l’automatisation industrielle est l’une des clés pour trier et démonter des batteries de manière sûre et autonome. Elle permet d’identifier le type de batterie grâce aux technologies de vision et de détection combinée dotées d’IA, d’effectuer les tâches dangereuses grâce aux robots tout au long du processus de recyclage, ou encore, de prendre en charge la massive active par des processus numérisés. Mais son intégration demande de l’investissement de la part des industriels, et surtout de nouveaux processus de production à repenser.

 

L’Europe, encore dépendante des autres marchés, ne peut pas produire ses batteries sur ses seules ressources. Cela impacte la croissance des industries de l’énergie et de l’électromobilité, mais également l’approvisionnement en matières premières nécessaires. La réglementation évolue dans le bon sens, mais ses effets prendront du temps pour être ressentis. Durant ce laps de temps, les méthodes de recyclage des batteries doivent évoluer. Pour cela, l’automatisation du tri et du démontage des batteries devient alors cruciale, aussi bien pour mettre en place une économie circulaire pérenne que pour garantir le potentiel de durabilité des technologies basées sur les batteries.

 


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