L’idée de monter son entreprise avec un ami est-ce signer pour le meilleur ou pour le pire ? Les belles histoires d’associations heureuses venues de la Silicon Valley en motivent plus d’un. Liés par l’amitié, les serial-entrepreneurs Walid Behar et Amine Bounoughaz, anciens lauréats de Forbes Under 30 Europe, réussissent à coupler business avec affect. Entre transparence, défis, remises en question, success story, les acolytes partagent leur histoire inspirante.
Quelles sont les clefs d’une association réussie quand on est des amis proches ?
Walid Behar et Amine Bounoughaz : Tout d’abord, il important de s’aligner sur la définition du titre « d’ami » car un ami est une personne bienveillante dont on apprécie fortement la compagnie, en qui on a confiance, et à qui on veut du bien et vice versa. Dans ce contexte précis, je pense que l’amitié et le business n’appartiennent pas à deux mondes différents, bien au contraire, ils se croisent autour d’un seul et unique but : le bonheur et l’accomplissement de soi. Le business n’est finalement qu’un véhicule qui permet d’atteindre un objectif concret, peut-être plus mesurable et plus matériel qu’une relation amicale stricto sensu. En somme, je dirai que l’amitié a pour but d’être un filet de secours, un soutien durant les moments difficiles. Et il y en a quand on est entrepreneur ! La prise de risques est notre lot quotidien.
Partager des moments de joies, des sorties entre amis, ne met aucunement en danger l’amitié. Là où elle devient essentielle, salvatrice, c’est durant les moments de doutes, d’épreuves, si bien que l’amitié se pose en ciment social de nos vies. C’est durant les situations les plus incertaines que l’amitié est challengée en business, et non lorsque « tout roule ».
Quand on franchit le pas en s’associant en affaires, quelle est la base de ce pacte amical ?
Nous vous répondons sans hésitation : la transparence radicale. Pourquoi ? Parce que le business fait ressortir nos instincts les plus primaires. Surtout au début, nous sommes constamment exposés à l’incertitude, ce qui nous pousse à montrer notre vulnérabilité tout en donnant le meilleur de notre potentiel. Cela provoque des frictions…la seule solution est l’honnêteté, elle aidera à laisser l’égo de côté. En clair, à compétences égales, si je suis amené à choisir un partenaire de route dans une odyssée où l’issue « heureuse » reste incertaine, je choisirai toujours un ami car il sera toujours mieux équipé qu’un étranger avec qui je sers la main invisible d’Adam Smith (NDLR, le philosophe écossais est considéré comme le théoricien de l’analyse économique et du libéralisme en arguant que l’égoïsme de chacun conduit à l’intérêt général.)
Sur quels sujets débattez-vous le plus et comment arrivez-vous à un consensus ?
Mon associé Amine Bounoughaz et moi passons beaucoup de temps à débattre sur « l’implication de nos décisions au quotidien ». Le succès en business, n’est que la moyenne pondérée de bonnes et mauvaises décisions. La prise de décision est donc ce qu’il y a de plus difficile, que l’on soit seul ou à plusieurs. C’est dans ce terrain que s’invitent l’égo et l’incertitude. Une mauvaise décision est soit le résultat d’un manque de données ou de leur manque d’interprétation. Quand on est deux à décider, cela devient plus complexe. En effet, si les données ne sont pas complètes, c’est « intuition contre intuition », tandis que si elles s’avèrent représentatives, c’est « interprétation contre interprétation »…donc quelque part égo contre égo.
Comment éviter que l’égo s’immisce dans la relation ou, au moins, qu’il ne prenne pas trop de place ?
Pour éviter ce piège, il faut s’appuyer sur l’esprit d’équipe. En d’autres termes, même si on a le ballon du match au buzzer, il faut savoir faire la passe et accepter autant la victoire que la défaite. Ce n’est qu’avec cette attitude que l’on a une chance de faire une belle saison ou gagner la compétition. Et si l’on perd, l’échec ne sera pas amer car on aura le sentiment d’avoir tout donné et d’avoir surtout partagé. Bien sûr, je le concède, ce n’est pas un exercice facile ! Cependant, à force de pratique, cela devient fluide. Nous pouvons dresser un parallèle avec la diplomatie, en faisant le premier pas, on peut déboucher sur le meilleur.
Quelles sont les questions très concrètes à se poser quand on veut se lancer entre amis ?
J’ai toujours donné pour conseil de faire l’exercice suivant : s’interroger ensemble sur les pires scénarios d’évolution de l’entreprise que l’on envisage de lancer. Si avec son ami, on demeure aligné même dans l’optique du scénario le plus sombre, alors la réponse est oui, vous pouvez tenter le grand saut. Quand nous avons tous deux entamés nos premières discussions, je me rappelle avoir passé une journée entière à Dubaï dans nos bureaux de McKinsey afin d’écrire sur un tableau blanc nos rêves et nos pires cauchemars. Nous avons poursuivi l’exercice en effaçant la colonne où était énumérés nos rêves pour nous forcer à visualiser les pires options. Ce qui nous a conduit à imaginer de toutes nos forces comment triompher de ces obstacles.
La deuxième question primordiale à se poser, est de comprendre les motivations profondes de votre futur(e) associé(e) : Qu’est-ce que mon ami va rechercher le plus dans cette aventure ? Qu’est-il prêt à perdre ? Qu’est-ce qu’il n’est pas prêt à mettre en jeu ? Ces deux exercices sont à mes yeux un préalable à toute association.
Walid Behar : « J’ai toujours donné pour conseil de faire l’exercice suivant : s’interroger ensemble sur les pires scénarios d’évolution de l’entreprise que l’on envisage de lancer. Si avec son ami, on demeure aligné même dans l’optique du scénario le plus sombre, alors la réponse est oui, vous pouvez tenter le grand saut.«
Aujourd’hui, vous êtes des entrepreneurs accomplis et reconnus dans la FinTech et l’EdTech, comment voyez-vous évoluer votre collaboration dans le temps ?
Nous aspirons à deux choses essentielles : grandir ensemble pour devenir de bons leaders et transmettre notre savoir et expériences. C’est dans cet esprit que mon frère Hichem BEHAR a rejoint nos rangs en qualité d’ingénieur diplômé de la Sorbonne et de l’Ecole informatique EPITA afin de renforcer notre force de frappe technologique. En effet, le leadership émerge plus rapidement quand les jeunes esprits sont directement et précocement confrontés à un environnement de hautes responsabilités. J’ai moi-même été surpris d’observer combien cela boostait l’agilité en début de leur carrière.
Au final, cette symbiose entrepreneuriat-amitié et, même famille, peut devenir un excellent catalyseur dans la culture d’entreprise puisqu’elle contribuera à rassurer les futures recrues sur l’esprit de confiance, sur la transparence et la bienveillance qui règnent. Être entouré d’une équipe de confiance, c’est certainement confortable, mais apprendre à en faire de bien meilleurs leaders, c’est grandir.
Quelle est votre feuille de route pour 2023 ?
Tout d’abord, nous avons pivoté notre Fintech Edbridg vers MasterSkiils, une Edtech qui permet aux individus d’apprendre en moins de trois mois les compétences les plus demandées dans la nouvelle économie. En un trimestre, ils pourront devenir freelance indépendants pour le compte de grand groupes ou scale-ups.
En outre, après avoir aidé des centaines d’entrepreneurs dans leurs levées de fonds à travers notre entreprise Starfounders, nous avons développé une expertise unique d’accompagnement pratique à la croissance pour les entreprises qui génèrent entre 10 et 100 millions d’euros par an. Nous comptons renforcer cette activité en y apportant les dernières méthodologies et techniques au service d’un business plus productif et résilient en temps de crise. Dans un monde d’affaires qui se fait prendre au dépourvu par des intelligences artificielles comme ChatGPT ou encore qui est sous l’emprise grandissante des réseaux sociaux, deux choix s’imposent : s’adapter et évoluer ou résister et s’éteindre.
Trop souvent les leaders d’entreprise sont confrontés à un dilemme de poids lorsqu’il s’agit de confier leur structuration et stratégie de croissance digitale. A l’épreuve des missions, ils découvrent que les professionnels mandatés n’ont pas une vue d’ensemble, ni de parfaite compréhension de la chaîne de valeur. Il y a donc des conséquences impactant jusqu’à la croissance des entreprises.
C’est dans ce contexte que nous lançons cette année un nouveau concept de Growth 360 innovant grâce à ses outils qui aident continuellement à la prise de décision, au maintien des standards d’exécution de qualité sur toute la chaîne de valeur du business.
Pour aller plus loin :
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