Les ventures capitalist de la Silicon Valley, en humanistes et passionnés de géographie, ont donné un nom spécial pour caractériser la situation que les start-up traversent pour financer leur commercialisation : Death Valley. Pour les non-anglophones d’entre nous, cette dénomination indique le fort taux d’échec des start-up face à cet obstacle. Et pour cause, les montants demandés augmentent ; les aides publiques se raréfient ; les investisseurs et les banquiers sont plus attentifs à la performance financière des entreprises. Un peu de retard dans le business plan et hop ! Pour le dirigeant, c’est peut-être déjà la fin de l’aventure.
En deux mots. Une major de l’investissement.
Et si, au lieu de financer contre des actifs ou des parts du capital, les entreprises reversaient une part du chiffre d’affaires à ses investisseurs ? Plus de problème de garanties et les investisseurs sont directement intéressés à la réussite du projet. Ce système fonctionne comme pour les artistes dans le monde de la musique, où les entreprises de production financent la création d’une personne et ponctionnent par la suite une part des bénéfices réalisés. Ces « royalties » du financement sont mises en place par We Do Good. La plateforme de crowdfunding nantaise, créé en 2012 par Jean-David Bar, a déjà permis de financer plus de 40 projets pour un montant total de 1.5 millions d’euros. Elle cherche aujourd’hui à s’étendre au niveau national et ainsi devenir l’alternative de financement pour les projets innovants de moins de 100 000€.
Le problème. Pas d’omelette sans casser du capital.
Les start-up à l’attaque de leur marché peinent à trouver des financements. Comme nous le raconte Jean-David, les business angels sont « de plus en plus exigeants ». Et ne parlons pas de banques pour lesquelles l’innovation est encore un univers de risque nouveau, surtout quand « il n’y a pas d’apport ou d’actifs en face ».
Il est vrai que la généralisation du crowdfunding depuis la fin des années 2000 a pu apporter à ces start-up d’autres moyens de financement, et cela notamment par le biais de précommande et de mécanismes de don avec contre-don. Mais qu’en est-il des start-up qui ne parlent pas à la foule ? Vous, par exemple, vous avez inventé un mécanisme industriel de nettoyage des bow windows pour les riches maisons américaines. Mais personnes ici ne sait ce qu’est une bow window. Le projet est incompris et vous n’avez plus qu’à mettre la clé sous la porte. Le crowdfunding n’est donc pas la solution miracle. D’autant plus que l’ouverture au capital à de nombreux inconnus complique la gouvernance et l’efficacité opérationnelle de l’entreprise.
L’idée. Choisir l’entrepreneuriat des royalties plutôt que la voie royale de l’entreprise.
Concomitamment à ces défis, Jean-David, jeune diplômé d’Audencia en 2012, choisit alors d’être entrepreneur dans le crowdfunding pour « s’assurer un avenir financier tout en se donnant envie de [se] lever le matin ». Après la découverte du modèle des royalties aux Etats-Unis, il décide d’adapter le système au contexte français.
Le principe est simple : l’investissement est une « avance sur chiffre d’affaires ». L’investisseur reçoit en contrepartie une partie du chiffre d’affaires sur les 5 prochaines années. Pour les entrepreneurs, les « royalties, c’est la sérénité ». Pour les investisseurs, c’est une capacité d’investir de manière simplifiée. Le modèle économique se base sur des commissions sur les flux financiers ainsi que sur la facturation de services de gestion dans le paiement des royalties ou du love money.
La mise en œuvre. De solitaire à chef de clan.
Mais problème, Jean-David est seul. Son premier défi est de créer une équipe : « si cela ne marche pas, j’arrête ». Il fréquente alors les événements et les afterworks pour entrepreneurs, publient sur les réseaux sociaux et les sites d’annonces d’école… Tous les moyens sont bons. Et effectivement, il rencontre de tout : « des personnes qui voulaient me vendre des choses, des personnes qui hésitaient, des personnes qui avaient déjà une idée »… Au bout de 6 mois de recherche, il trouve enfin des associés. Mais la vie est loin d’être un long fleuve tranquille : les difficultés des débuts se doublent par des départs inopinés dans l’équipe fondatrice.
Est-ce que c’est pour autant la fin de We Do Good ? Loin de là : Jean-David est en mission d’évangélisation. Il s’agit d’abord de diffuser le modèle. Grâce à son travail, les royalties sont une forme de financement enregistrée à l’ORIAS, le régulateur des organismes de crowdfunding et la start-up a par ailleurs l’agrément d’Intermédiaire de Financements Participatifs (IFP). Comme le dit Jean-David, il vaut mieux envers le régulateur, « faire preuve de bonne volonté et être dans le bon schéma », quitte à défendre son point de vue lors des nouvelles réglementations.
Et 6 ans plus tard, We Do Good tient debout. Les bonnes rencontres ont fait le ciment de cette équipe : Emilien, le développeur, a été recruté alors qu’il quittait son job ; Adrien est une rencontre fortuite provoquée par une amie commune, et ainsi de suite. Avec comme marché de départ les initiatives d’entrepreneuriat social et solidaire, l’action de We Do Good s’élargit à l’ensemble du spectre de l’innovation. Le processus itératif permet de développer une véritable expertise, d’être reconnu par Finance Innovation et même de recevoir le prix Fintech de l’année en 2017.
Les difficultés. A cœur ouvert.
C’est avec une franchise déconcertante que Jean-David parle de ses difficultés : « des erreur, il y en a eu plein ! ». Et effectivement, entre le départ de ses associés, le besoin constant de nouvelles compétences et de recrutement, le découragement de certains employés, cela en fait beaucoup pour une petite entreprise.
Mais la vie n’est pas faite que de mauvaises rencontres. Et quand bien même ce serait le cas, Jean-David approche la question avec philosophie : « aucune situation n’est mauvaise tant qu’on peut les dépasser intelligemment et pacifiquement ». C’est ça la recette de We Do Good : la ténacité. Cette force interne leur a permis de ne pas se braquer contre les esprits mauvais et de ne retenir que les personnes sensibles à leur message. « A partir d’un processus itératif, l’expertise juridique au coeur de notre innovation a été reconnue. Nous nous imposons en financement alternatif de référence ».
Les finances. Les petits ruisseaux font les grandes rivières.
Le premier écueil pour We Do Good a été de se financer selon sa propre formule. Sur ce point Jean-David est lucide : « si cela ne marche pas pour nous, alors cela ne marchera pas pour d’autres ». Défi relevé : avouez que cela aurait un comble pour une plateforme de financement. Avec l’aide de Bpifrance, du Réseau Entreprendre et d’un Business Angels, We Do Good rassemble 200 000€.
Avec les 1.5 millions qu’ils cherchent à lever, ils comptent s’étendre au territoire national et gagner les cœurs des entrepreneurs inquiets de céder une part de leur contrôle. Jean-David est confiant : « Dès qu’il y a des sujets de financement, les royalties ça marche. » Et son ambition ne s’arrête pas là : par leur expertise des flux de capitaux, il compte s’implanter dans la gestion des services financiers, de la sortie de capital à la gestion des partenaires et financement d’actifs. Pour les investisseurs à la recherche de nouveauté, ne vous contentez pas d’être un Business Angel, soyez producteur de start-up !
Chronique co-réalisée avec @Jean Rognetta, Directeur de la rédaction de Forbes France et Benjamin Heyriès d’Estimeo
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