Quelles ont été les difficultés concrètes au moment de matérialiser ce projet ?
Nous avons discuté avec tous les gens que nous connaissions dans la musique, le cinéma ou la finance pour avoir leur avis. Le principe même de financement communautaire ne les inspirait pas du tout. Le mot même de « crowdfunding » n’existait pas. Nous partions littéralement d’une feuille blanche. Nous devions prouver que c’était réalisable et pas une utopie. La difficulté majeure était là. Même deux ans après le lancement, très peu de labels ou de boites de production qui étaient, pour nous, nos clients d’origine, ont suivis. Ils ne pensaient pas que les gens étaient capables de donner de l’argent pour financer des projets culturels et artistiques. Les deux premières années ont été très compliquées. En quinze mois, nous avions collecté 100 000 euros. Quand Kickstarter était parvenu à récolter, en un an, 25 millions de dollars. Nous avons, à l’instant T, recueilli 70 millions d’euros, encore loin des 2,5 milliards de Kickstarter.
Vous avez récemment confié qu’il était difficile, en termes de perspectives, « de lancer son entreprise en France ». Pouvez-vous expliciter votre propos ?
Avant même la perspective, c’est déjà suffisamment compliqué en termes de perception. Quand vous parlez d’argent et de risques, en France, la méfiance est de mise. Deux notions qui sont l’ADN de KissKiss BankBank, à savoir prendre des risques pour financer des projets, nous sommes donc dans une zone culturelle qui n’est pas très française. Il y a un abysse culturel avec les pays anglo-saxons à ce niveau-là. Nous ne sommes pas en retard mais plutôt en décalage. Au niveau de la perspective, c’est la même histoire. Ajouter à cela, les problèmes réglementaires européens qui font que dans chaque pays du vieux-Continent vous avez un cadre et une législation différente, nous sommes donc plus « contraints » que nos camarades anglo-saxons.
La « Maison du Crowdfunding » a ouvert ses portes la semaine dernière. Un « concept store » qui a pour ambition première d’informer les donateurs et autres investisseurs potentiels. Cela vous semblait-il important d’aller à la rencontre de « votre public » ?
Nous avons aujourd’hui sept ans et nous nous sommes demandés quelles étaient nos points forts et quelles étaient nos points faibles. Parmi ces derniers, le fait que nous étions incapables de parler de notre impact économique. Pour continuer à progresser et à éduquer les gens, il était évident que nous devions être en capacité de mesurer cet impact économique et social. Le seul moyen d’y parvenir est d’interroger sa communauté, et c’est ce que nous avons fait, via un cabinet d’études. Sommes-nous simplement un « gimmick » de financement où est-ce que nous voyons plus loin ? Nous avons eu le plaisir de nous rendre compte, au sortir de cette étude, que nous avions un véritable impact économique. Nous avons engendré presque 15 000 contrats de travail, plus de 60 000 heures de contenus diffusés ou encore permis la création de près de 3 000 associations d’entreprises. Nous avons donc des raisons d’exister. Nous ne sommes pas un phénomène de mode ou une petite bande de hipsters du XXe arrondissement. Mais nous devons aussi nous rendre compte, après une croissance à trois chiffres, puis désormais à deux chiffres qui devrait bientôt n’en comprendre plus qu’un, que nous avons atteint la fin d’une première étape. Nous avons désormais 1 million de membres et 15 000 contrats de travail alors si nous arrivons à convaincre 30 ou 40 millions de Français supplémentaires, notre impact sur l’économie sera dupliqué. Pour parvenir à cet objectif de pédagogie ou d’évangélisation, il faut que nous sortions du web et que notre public puisse venir nous rencontrer ou que nos projets puissent venir rencontrer leur public. C’est l’essence même de cette Maison du Crowdfunding.
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits