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Vincent Ricordeau : « Parler d’Argent Et De Prise De Risques Est Encore Compliqué En France »

© Thomas Salva pour Lumento.

Le fondateur du leader européen du financement participatif revient, pour Forbes, sur son parcours et les obstacles qu’il a pu rencontrer tout au long de celui-ci et déplore que les notions d’argent et de prise de risques soient encore un obstacle en France.  

Le grand public vous connaît et vous identifie en tant que fondateur de la plateforme de financement participatif KissKissBankBank, mais avant cela, vous avez fondé une agence événementielle. Pouvez-vous nous raconter cette première aventure entrepreneuriale ?

J’ai monté ce qu’il convient d’appeler ma première entreprise avec deux amis, lorsque j’avais 18 ans. Dès mon arrivée à Paris, nous avons rapidement dépensé notre argent dans les fêtes étudiantes. Une fois à sec, nous avons fait le constat, implacable, qu’il serait plus simple, et moins coûteux, de monter nos propres événements. Nous avons donc, dans un premier temps, créé une association qui s’appelait « les rats musqués », nous permettant de mettre sur pied nos premières soirées étudiantes tous les jeudis soir. L’engouement était immédiat et, fort de notre succès, nous nous sommes rapidement mis à organiser des événements pour les écoles au sens large. De fil en aiguille, cette association est devenue une société. Nous avons, par la suite, eu d’autres propositions de marques désireuses d’utiliser notre savoir-faire. Les deux amis, avec qui j‘avais lancé le projet, finissaient leurs études tandis que moi je ne les avais même pas réellement commencées. Je me suis donc lancé corps et âme dans ce projet, ne terminant même pas ma première année, et ai œuvré à la transformation des « rats musqués » en véritable agence d’événementiel. C’est à ce moment-là que les choses se sont compliquées. Structure plus lourde, association hasardeuse, confusion des basiques dans une entreprise à savoir mélange entre chiffre d’affaires et bénéfices, gestion plus que caduque de la trésorerie prévisionnelle, mauvaise anticipation d’un certain nombre de choses…Bref, nous avons littéralement explosé en plein vol, deux ans après des débuts plutôt prometteurs.

Quelles leçons avez-vous tiré de cette aventure ? Et quels conseils donneriez-vous à un jeune entrepreneur désireux de se lancer ?

Savoir s’entourer est, à mon sens, l’une des clés de la réussite. Il convient de ne pas se tromper sur les gens qui vont vous accompagner dans cette aventure. Il y a, bien entendu, des personnes qui arrivent à développer une structure tout seul, mais je pense que cela donne une force supplémentaire de se lancer à plusieurs. Le choix de ses associés peut conditionner énormément de choses. Il faut, dans un second temps, avoir une formidable capacité d’adaptation et considérer, lorsqu’on démarre un projet, que rien ne va se passer comme prévu. La force de résilience et d’adaptation est indispensable. Un célèbre adage dit notamment : « un entrepreneur, c’est quelqu’un qui se jette d’une falaise et construit un avion pendant qu’il tombe ». Je pense que c’est exactement cela. Beaucoup de projets se plantent rapidement car ils ne correspondent pas à ce qui avait été décidé initialement, et le temps de réaction est malheureusement souvent trop long, c’est notamment ce qu’il m’est arrivé lorsque j’ai monté mon agence événementielle.

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Comment s’est opéré la transition entre ce premier projet, qui n’avait pas rencontré le succès escompté, et le lancement de KissKissBankBank ?

J’ai voyagé un peu partout et fais tous les jobs possibles et inimaginables pendant environ six ans. Puis, je suis revenu en France, ma famille et mes amis me manquaient, et j’ai monté un call-center avec mon frère -structure qui existe d’ailleurs toujours.  Lorsque j’ai fondé cette entreprise, mon plus gros client était un groupe de presse néerlandais, VNU Publications, qui nous faisait commercialiser les supports publicitaires pour ses salons. Ils ont, par la suite, eu besoin d’un directeur commercial pour diriger la régie et j’ai accepté le poste. C’était une formidable opportunité d’intégrer un très grand groupe, ce que je n’avais jamais fait jusqu’à présent. J’ai beaucoup appris, notamment dans le management. J’ai passé trois ans à ce poste avant de m’établir, pendant six ans, dans le marketing sportif. Au bout de toutes ces années, j’ai repris mon bâton de pèlerin, la volonté d’entreprendre étant la plus forte. Quand Lagardère est venu racheter la société de marketing sportif, dont j’étais le vice-président et qui s’appelait SportFive, j’ai sauté sur l’occasion pour prendre mon chèque et repartir à la recherche de la bonne idée.

Comment cette bonne idée a justement germé dans votre esprit ? Rappelons que vous vous êtes lancés en septembre 2009, soit quelques mois à peine après le mastodonte américain du secteur, KickStarter.

L’idée vient de mon épouse (Ombline Le Lasseur). KissKissBankBank est une société que nous avons monté à trois avec Adrien Aumont qui n’est autre que le cousin de ma femme. Ombline me parlait souvent de Napster et même si je n’étais pas geek du tout, j’ai rapidement compris qu’il se passait quelque chose d’important dans le secteur du « peer-to-peer ». Je me rappelle notamment d’une interview de Pascal Nègre, alors PDG d’Universal, qui avait qualifié cela d’épiphénomène. MySpace a fait office de révélateur. Nous avions, pour la première fois, des artistes identifiés avec des communautés de gens qui les suivaient, à un moment où l’industrie du disque ferraillait contre le piratage desdits sites de « peer-to-peer ». C’est alors qu’Ombline, dans une logique un peu humaniste me dit « si les gens financent des albums signés par des labels, nous allons nous retrouver dans un processus de (ré)conciliation où chacun y trouvera son compte ». Une communauté identifiée sur les réseaux sociaux pouvait donc potentiellement se transformer en financeur…si on lui donnait l’occasion de le faire. C’est le postulat de départ de KissKissBankBank.

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