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Valérie de Sutter, fondatrice de JNPR : « Le sans alcool est aussi un moyen de modérer sa consommation sans se priver de plaisir »

Valérie de Sutter, fondatrice de JNPR
Valérie de Sutter, fondatrice de JNPR

Ce n’est pas pour rien si Valérie de Sutter a retiré les voyelles de son nom de marque JNPR. « Juniper » est le nom anglais du genévrier, dont la baie est utilisée pour produire du gin. Et pour réinventer l’apéritif, Valérie de Sutter réutilise les mêmes saveurs ou épices de nos cocktails favoris, mais sans alcool et sans sucre. Dernièrement, de nouveaux spiritueux ont vu le jour pour proposer des alternatives aux célèbres Spritz, Moscow Mule ou Negroni. Entretien.

 

Forbes : Comment avez-vous eu l’idée de créer JNPR ?

Valérie de Sutter : Mon mari est passionné de vin et quand je souhaitais l’accompagner, je me suis rendu compte que les alternatives à l’alcool étaient très limitées. J’étais frustrée de ne pas avoir le choix. C’est lors d’un voyage aux États-Unis en 2019 que j’ai découvert plusieurs marques de boissons très innovantes et élaborées. En France, il y avait beaucoup de marques alimentaires bio ou local sur le marché, mais pas grande chose niveau boissons.

J’ai ensuite décidé de me lancer après avoir rencontré Flavio Angiolillo, bartender propriétaire du « 1930 cocktail bar », classé parmi les 50 meilleurs bars du monde. Ensemble, nous avons élaboré une recette inspirée du gin puis je me suis rapprochée d’une distillerie en Corrèze pour se charger de la production.

 

Comment expliquer votre forte présence en ligne ? Est-ce la recette de votre notoriété ?

V.d.S. : J’ai officiellement fondé JNPR en janvier 2020 et quelques semaines plus tard, le Covid est arrivé. À l’origine, mon produit était destiné aux bars et j’ai cru avec les confinements que mon entreprise n’allait durer qu’un mois. Mais j’avais du stock à écouler donc j’ai commencé à me former moi-même à l’e-commerce grâce à des vidéos en ligne. Je n’avais pas trop d’espoir, car c’est compliqué de vendre à des consommateurs un produit qu’ils n’ont jamais eu l’occasion de goûter.

Mais il se trouve que j’ai fait une superbe première année en termes de ventes. Ma sœur s’occupait à l’époque d’emmener les premières caisses de bouteille à la Poste pour les livrer, puis nous avons dû louer un camion et enfin un entrepôt. Lorsque la crise sanitaire s’est dissipée dès juin 2021, cela faisait un an et demi que j’avais vendu mes bouteilles uniquement en ligne.

En 2022, nous avons levé 1,1 million d’euros auprès de business angels et c’est là que nous avons pu constituer une vraie équipe autour du projet. Ces recrutements vont notamment nous permettre de nous étendre en Europe, car 90 % de notre chiffre d’affaires est à ce jour réalisé en France.

 

Comment expliquer autant d’engouement ?

V.d.S. : Je pense que les mentalités autour de l’alcool ont changé beaucoup plus vite que prévu. Beaucoup de consommateurs avaient en tête que le sans alcool était réservé uniquement aux femmes enceintes ou aux personnes malades.

Mais ce n’est pas du tout le cas : le sans alcool est aussi un moyen de modérer sa consommation sans se priver de plaisir. JNPR est d’ailleurs consommé en majorité par des bons vivants et des épicuriens qui veulent profiter de boissons savoureuses avec modération.

Enfin, la grande différence avec JNPR, c’est le fait que les consommateurs l’associent au moment de l’apéritif. Ils peuvent le rattacher directement à leurs propres habitudes de consommation, sans réel sentiment de privation. Nous voulons montrer qu’il est par exemple tout à fait possible de marquer une fin de journée et d’ouvrir son appétit avec un cocktail sans alcool et sans sucre.

 

Comment produit-on un spiritueux sans alcool ?

V.d.S. : L’alcool est un formidable exhausteur de goût, donc nous avons dû trouver une manière de distiller notre spiritueux avec de l’eau, tout en s’assurant que la puissance gustative soit au rendez-vous. La grande différence aussi, c’est que nous avons besoin de chauffer plus intensément et plus longtemps notre liquide avant qu’il ne soit prêt.

L’autre défi a été de se débarrasser du sucre, car il apporte beaucoup de goût et de texture aux cocktails. Il s’agit aussi de contrebalancer le manque d’alcool avec un goût relevé et sophistiqué. À l’exception de nos VRMH n°1 (pour vermouth) et BTTR n°1 (pour bitter), toute notre gamme JNPR 1, 2 et 3 est sans sucre. Nous venons aussi de lancer un tonic sans sucre, ni édulcorant avec des goûts de cannelle, d’orange, de baies de genièvre et de lavande.

Aujourd’hui la recette fonctionne et nous sommes à même de reproduire des cocktails connus avec la même complexité aromatique.

 

Quelle part l’événementiel occupe-t-il dans votre modèle pour justement mieux vous faire connaître auprès du grand public ?

V.d.S. : Nous sommes souvent sollicités pour couvrir des événements et proposer des cocktails sans alcool sur-mesure. Récemment, nous avons servi un cocktail au géranium lors d’une soirée pour Dyptique mais aussi un cocktail « Space Margarita » lors du lancement de la collaboration Pharrell Williams et Lego. Cette dernière soirée a été un succès, nous avons servi un nombre impressionnant de cocktails.

Pharrell Williams a aussi pu goûter notre Space Margarita ! On n’a pas eu de retours de sa part, mais on sait que les stars sont de plus en plus intéressées par le concept. Un exemple récent : Lewis Hamilton a cofondé Almave, une marque de spiritueux sans alcool.

 

La concurrence sur votre segment semble de plus en plus rude aujourd’hui…

V.d.S. : Oui, lorsque je me suis lancée, j’étais la seule à proposer du spiritueux sans alcool de qualité et avec une identité de marque distinctive. Il existait par exemple quelques marques de bières sans alcool mais certaines d’entre elles contiennent encore aujourd’hui un pourcentage résiduel d’alcool ou sont très sucrées.

La concurrence est plus rude et de nouveaux entrants se sont même un peu trop inspirés de mon idée. Mais j’ai un avantage : mon authenticité et ma relation de proximité avec l’univers du bar. Pour ce qui est des grands distributeurs, mon objectif est de leur prouver que je ne suis pas en mission contre l’alcool. Je souhaite démocratiser des alternatives sans alcool pour pouvoir en modérer sa consommation.

Certains grands groupes nous ont d’ailleurs déjà approchés par curiosité, mais nos business model restent très différents. Nous sommes rentables et nous réalisons 60% de notre chiffre d’affaires en ligne.

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