Val d’Isère est une station de sports d’hiver (et d’été) dont la renommée fait d’elle l’une des capitales mondiales du ski. Elle est devenue aujourd’hui une véritable société d’économie mixte.(Val d’Isère Tourisme) Rencontre avec Emmanuel Cordival, directeur général de la station savoyarde.
Comment se présente la morphologie de Val d’Isère depuis que vous êtes en poste ?
Il s’agit de mon deuxième mandat en tant que DGS et j’occupe depuis 2015 la fonction de directeur général de Val d’Isère Tourisme. Nous sommes environ 650 salariés à travailler pour le compte de la station : 150 à la mairie, 120 à Val d’Isère Tourisme, 100 pour la régie des pistes et la sécurité, et 260 à Val d’Isère Téléphériques(issus d’une compagnie privée). Toutes ces personnes forment la partie institutionnelle qui fait fonctionner la station au quotidien. La partie privée concerne l’hôtellerie, les commerces, les restaurants. Entre 3000 et 3500 personnes font partie de ce groupement. Nous avons bien sûr beaucoup de saisonniers, mais on garde un niveau de fidélisation assez élevé. Une station de sport d’hiver, ce n’est pas uniquement une exploitation hivernale. C’est douze, voire treize mois sur douze, tellement notre activité est dense et chronophage. La saison d’hiver 2019-2020 a déjà commencé pour nous depuis 3 mois,et nous anticipons déjà sur les communications, les stratégies, la visibilité, le markéting.
Quelle est l’ADN de Val d’Isère ? Qu’est-ce qui la distingue des autres stations ?
Nos chromosomes sont le sport, l’élégance et la convivialité. Notre station est unique, nous avons les atouts des plus grandes stations de ski d’Europe, autour d’un village authentique à une altitude inédite. Val d’Isèreest unique en son genre en France. Peu de stations commencent à 1850m d’altitude pour finir à 3300m, tout cela autour d’un vieux village. La plupart des commerces sont tenus par des familles, la station est restée relativement locale. L’hôtellerie et la restauration à Val d’Isère se sont construites autour d’une génération de pionnierset aujourd’hui, ce sont les 3èmeset 4èmesgénérations qui perpétuent cette tradition d’accueil, de bienveillance et de service à la clientèle autour des valeurs de chaleur.
Nous cherchons à faire vivre à nos clients des expériences inoubliables. Nous construisons un hôtel particulier à 2500 mètres d’altitude, dans l’ancienne gare d’arrivée du téléphérique de Solaise, démantelé il y a maintenant deux ans. L’hôtel aurait dû ouvrir cet hiver mais le fort enneigement de l’an passé a retardé l’ouverture à la saison 2019-2020. Autre nouveauté pour l’année prochaine : l’accès nocturne à trois restaurants d’altitude : Le Signal, La Tête de Solaise et La Folie Douce.
La Folie Douce est le premier établissement emblématique de la franchise. Est-ce qu’il fait également partie de l’ADN de Val d’Isère ?
La Folie Douce fait partie du patrimoine et de l’ADN de Val d’Isère. Ils ont été construits ensemble. Son créateur, Luc Reversade, est quelqu’un d’extrêmement actif et curieux qui visite le monde et s’inspire de ce qu’il y voit. Il a beaucoup de projets pour La Folie Douce, et vous pourrez être surpris de l’évolution du restaurant au fil des années. Avec une vue imprenable sur le versant Italien du MontBlanc à 2500m d’altitude, c’est un endroit remarquable pour toutes générations confondues. Le directeur artistique, Kelly Starlight, essaye de faire en sorte que la Folie Douce soit à peu près identique dans les autres stations, mais en même temps c’est impossible parce qu’il n’y a qu’une Folie Douce Val d’Isère. Celle-ci a un canal historique, donc difficile à répliquer.
Quelle est la typologie des voyageurs qui viennent visiter la station, au niveau démographique ?
Ils viennent à 44% du Royaume-Uni, 38% sont français, et le reste vient majoritairement de Scandinavie, du Benelux, et de Russie. Environ 46 nationalités se promènent à Val d’Isère. Pour la première fois cette année on a eu des indonésiens et des indiens. Le monde entier se réunit ici, c’est un lieu très cosmopolite.
Pourquoi le marché britannique est-il aussi fervent de Val d’Isère ?
Il y a une relation historique entre Val d‘Isèreet le Royaume-Uni. Beaucoup d’anglais s’y sont installés et y ont créé un business parce qu’ils ont trouvé un lieu propice au développement de leurs activités. Ils ont trouvé un accueil qui correspondait à leurs attentes, aussi bien sur le panorama que sur l’ambiance et sur la possibilité d’y retrouver quelques valeurs anglaises rassurantes. Aujourd’hui, cette histoire entre les anglais et Val d’Isère perdure. On nous sonne les oreilles d’inquiétudes en ce qui concerne le Brexit, mais il ne faut pas céder à la panique. Nous avons connu la crise des subprimes en 2008, qui nous a causé beaucoup de difficultés sur le marché anglais. Il y a deux ans également, le taux de change avec la livre a été préjudiciable mais il a été assez transparent sur notre fréquentation. Nous restons vigilants, mais nous ne sommes pas dans une situation anxiogène. On va faire en sorte de continuer à satisfaire nos amis anglais et on va continuer à travailler sur d’autres marchés parce qu’en tant qu’entrepreneurs, on ne doit pas être dépendants d’un gros marché, et quand un gros marché se retourne, on doit pouvoir se rétablir assez rapidement. On travaille donc d’autres marchés importants comme le Benelux, la Scandinavie, la Russie et l’Ukraine. Il est de notre devoir de ne pas mettre en danger, sur le principe du monopole, l’économie de notre station.
Combien de personnes accueillez-vous par an ?
Aujourd’hui Val d’Isère, c’est 25 000 lits, dont 14 500 lits marchands qui comptent 1 300 000 nuitées. Nous avons un taux de remplissage unique en France, avec 83 nuitées par lit. Notre taux de remplissage moyen sur les 5 mois d’ouverture s’élève à 55%, ce qui constitue une performance extrêmement intéressante, générée aussi bien par l’attrait de la destination mais aussi par la qualité des services de nos professionnels. Le deuxième chiffre important sur la fréquentation est le nombre de journées skieurs. Cette année nous sommes à environ 1 400 000 de journées skieurs.
Vous parlez de l’accueil et des prestations que vous proposez, mais vous disposez également d’écoles de ski alternatives ?
On pense toujours qu’il y a qu’une seule école de ski en France, l’École du Ski Français. C’est la plus grande et la plus emblématique mais ce n’est pas la seule. Oxygène, école créée par Pierre De Monvallier, est bien présente à Val d’Isère et continue de progresser et de gagner en notoriété. L’École du Ski Françaistravaille avec une clientèle domestique, Oxygène à l‘inverse travaille principalement avec une clientèle étrangère. Il y a de la place pour le monde pour progresser. La concurrence est saine, et elle permet de se poser les bonnes questions.
Nous sommes en avril et il y a encore de la bonne neige. Quand allez-vous fermer ?
Nous allons fermer le 1ermai. On a une volonté constante de garder la station ouverte pendant cinq mois. On a la chance d’avoir une station à très haute altitude avec un glacier, un domaine partagé avec 300 km de pistes, et 42 remontées mécaniques rien qu’à Val d’Isère. Nous avons égalementdes conditions météorologiques extrêmement favorablesgrâce à l’altitude qui amène le froid mais aussi deux courants qui nous amènentde la neige, le courant ouest dépressionnaire qui vient de l’Atlantique mais aussi des retours d’est. Nous bénéficions donc majoritairement d’un enneigement naturel, et nous avons également un dispositif de neige de culture très performant, avec 700 bouches où on peut installer un enneigeur. L’Atelier de la neigede Val d’Isère fait partie des plus performants en Europe et utilise un réseau d’eau naturel.
Pour vous le réchauffement climatique est-il donc un non-sujet pour Val d’Isère ?
C’est toujours une complication qu’il faut entendre et prendre en compte. Nous ne sommes pas encore frappés de manière aussi violente que d’autres peuvent l’être, notamment les stations à basse altitude, mais il faut être vigilants et rester très humbles par rapport à la nature et à ces éléments structurels. Je ne suis pas climatosceptique, il m’arrive parfois de douter de certaines analyses mais le réchauffement fait partie des grandes réflexions sur le Val d’Isère de demain. Comment va-t-on pouvoir continuer à offrir à notre clientèle des activités d’hiver avec cette perspective de réchauffement, avec deux degrés de plus en 2050 ? Il faut penser à nos générations futures, celles qui reprendront l’activité.
Pour la question du développement, allez-vous essayer d’être moins « britannico-dépendants » et d’élargir la palette du visitorat démographique du Val d’Isère ?
Nous sommes très fiers de cette fidélisation britannique, mais nous n’avons pas le choix de réfléchir à un élargissement et à une homogénéité. Le business, c’est du recrutement, de la fidélisation et du relais d’opinion. Il faut que l’on fasse cela de la façon la plus globale possible afin de s’éviter des niveaux de dépendance et d’espérer augmenter tous les ans notre capacité à être attractifs.
Quels sont les deux ou trois autres axes de développement de la station pour les années à venir ?
C’est le même objectif pour toutes les stations : faire en sorte qu’un maximum de personnes viennent dans les meilleures conditions possibles. Val d’Isèrea une promesse haut de gamme, avec un certain niveau de service et de prestation. Nous travaillons donc beaucoup sur nos remontéesmécaniques, nos communications, nos animations, nos restaurants, notre architecture, ainsi que notre hébergement. On ne veut pas tomber dans le luxe. La différence entre le haut de gamme et le luxe, c’est le côté ostentatoire. On veut conserver l’authenticité de notre station, avec son village et ses valeurs de chaleur, de convivialité et de bien-être. Tout cela mêlé à l’élégance du sport, c’est comme ça que l’on va construire le Val d’Isère de demain. Il va se construire doucement, avec quelques projets qui vont arriver avec de grands opérateurs. Nous venons d’investir 10 millions dans une remontée mécanique dernière génération, avec sièges chauffants et wifi. Le dernier maillon sera l’accès au glacier du Pissaillas, avec le téléphérique du Fornet et les télécabines du Vallon. C’est un grand projet qui verra le jour d’ici cinq ans. Nous avons d’autres projets d’aménagement urbain, conditionnés par un paysage entouré des contraintes posées par les risques naturels. Nous avons doncbien des projets, mais nous aimons garder une certaine discrétion. Beaucoup de gens importants viennent à Val d’Isère, des géants de l’industrie, des stars, des gens qui ne veulent pas être vus. Ici, ils savent qu’ils seront tranquilles au même titre que les autres clients.
Val d’Isère, en trois mots-clés ?
Sport, élégance et chaleur.
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