Le dépôt de bilan du géant américain du coworking est un véritable cas d’école dans l’entrepreneuriat : un exemple de projet à fort potentiel de scalabilité rapidement avorté à cause d’une gestion financière hasardeuse. Frank Zorn, CEO et co-fondateur de Deskeo, nous explique dans cette tribune exclusive pour Forbes France pourquoi cette faillite ne signe pas pour autant l’arrêt de mort du coworking.
WeWork a révolutionné une industrie qui s’était endormie depuis la naissance de l’open space. L’entreprise a transformé des espaces jusque-là peu inspirants en de véritables lieux de vie, avec une expérience comparable à celle d’un restaurant ou d’un hôtel branché. Ils ont été à l’initiative de nouveaux standards, tant en termes de design, de codes architecturaux, que de l’utilisation des espaces et cela à travers le monde entier, en très peu de temps. Son évolution a fait grand bruit et comme dans chaque mutation du marché, il y a des réussites mais aussi des échecs, avec quoi qu’on en dise un changement profond des habitudes.
Les raisons d’une chute annoncée
Pour survivre, WeWork n’a plus eu d’autre alternative que d’être placé début novembre 2023 sous la protection du Chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites, afin de restructurer sa dette et de renégocier les loyers. Le fait est que WeWork a grossi très rapidement après sa création par Adam Neumann et Miguel McKelvey en 2010. Ses espaces sont actuellement utilisés par de nombreuses entreprises et freelances partout dans le monde. D’après leurs derniers chiffres (1), WeWork possède quelques 777 sites répartis dans 39 pays. C’est une fusée, qui a explosé en plein vol : ils ont levé plus de 5 milliards de dollars auprès des plus grands fonds mondiaux et sont passés d’une valorisation de 20 milliards de dollars en 2017 à 47 milliards en janvier 2019. C’est sans précédent. Étant les premiers sur ce marché, ils ont dû faire face à des investissements et à un déploiement à grande échelle trop difficiles à rentabiliser. Le Covid et la généralisation du télétravail ont encore compliqué les choses, tout particulièrement aux Etats-Unis où les salariés reviennent très peu au bureau (on est passé de 5% de télétravail en mars 2020 à 25% en 20232). Enfin, WeWork est confrontée à un problème d’image, imputable à son fondateur. Présenté comme mégalomane, Adam Neumann a visé la lune mais s’est brûlé les ailes.
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Quel est l’impact de cette chute ?
La chute de WeWork a eu beaucoup d’impacts négatifs pour les parties prenantes : les employés ont dû faire face à plusieurs plans sociaux, d’autres devraient encore être annoncés dans les prochaines semaines afin d’assainir encore la situation. Pour les propriétaires, épargnants de SCPI, les investisseurs immobiliers ayant parié sur WeWork et dont les immeubles ne sont pas rentables se trouvent confrontés à des pertes de valeurs, de loyers et la nécessité de repositionner leurs actifs. Ils risquent de perdre l’ensemble de leur investissement. Les clients des immeubles opérés par WeWork sont quant à eux contraints de déménager. A première vue, le tableau n’est que négatif, cependant, si cette phase de restructuration est bien gérée, WeWork pourrait en ressortir plus petit mais plus fort, en repartant sur des bases saines.
Le futur de l’immobilier de bureau est devant nous
Le secteur de l’immobilier de bureau se segmente, en partie grâce à WeWork : espaces de coworking 3, 4, 5 étoiles, bureaux opérés pour les entreprises de taille plus importante, espaces de réunions nouvelles générations, etc. Depuis trois ans, le télétravail s’est généralisé, pourtant, les Français sont les champions du retour au bureau. C’est un environnement social que les salariés ne souhaitent pas délaisser, mais la proposition de valeur ajoutée d’un bureau doit être différente de ce que peuvent trouver les collaborateurs à la maison. Le niveau d’exigence des nouvelles générations, tant en termes d’emplacement, de services et de design, est beaucoup plus élevé qu’auparavant. Les immeubles et les plateaux qui proposeront la meilleure expérience aux travailleurs sortiront grands vainqueurs de cette période mouvementée. Le rapport entre les acteurs de l’écosystème et leur positionnement est en train de changer. Le marché du coworking et du bureau opéré est désormais établi. Ce n’est plus un effet de mode, mais une industrie qui se structure comme celle de l’hôtellerie il y a des centaines d’années à travers du management contract. Pour un modèle économique durable, il sera nécessaire pour les propriétaires d’immeubles et les opérateurs de bureaux que des partenariats se créent, de sorte à ce que les opérateurs puissent exploiter et valoriser les actifs immobiliers appartenant aux propriétaires via ce management contract. C’est autour de cette idée que l’industrie va se structurer et WeWork pourra peut-être faire partie de l’aventure si elle parvient à renaître de ses cendres.
- https://apnews.com/article/wework-bankruptcy-be8c36b9720377334645e37c73d55e6e
- https://www.cnbc.com/2023/03/03/the-future-of-remote-work-labor-experts-weigh-in.html
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