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The Storefront : Le Rêve Américain De Mohamed Haouache

© Storefront

Maître d’œuvre de The Storefront, leader mondial de la location d’espaces commerciaux éphémères – plus communément appelés pop-up stores -, Mohamed Haouache revient sur son parcours, jalonné de doutes et de remises en question. Après avoir esquissé quasiment à lui seul les contours de ce marché dans l’Hexagone, l’entrepreneur a exporté sa recette aux Etats-Unis. Retour sur une success-story à la française.

« Avant de construire une Ferrari, il faut déjà savoir monter une bicyclette. La quête de perfection des start-uppers est, à mon humble avis, un non-sens absolu ». Un postulat empreint de lucidité que Mohamed Haouache, entrepreneur adepte du « lean start-up », garde chevillé au corps depuis ses débuts. Et pour tout dire, son aventure entrepreneuriale n’a pas été « une évidence » comme pléthore de ses homologues. « Pur produit de l’école républicaine et de l’éducation à la française », comme il se définit lui-même, le jeune homme part mener carrière aux Etats-Unis où il se jette dans le grand bain de la finance, rejoignant un prestigieux fonds d’investissement. Alors en charge de la sélection de fonds alternatifs et du risk management, Mohamed Haouache explore pendant neuf ans les moindres contrées de la constellation financière. Avant que la question de son devenir ne commence à poindre. « Comme tout un chacun, je me suis évidemment demandé, après autant de temps dans le même milieu professionnel, ce que je voulais réellement faire de ma vie. J’étais en quête de sens et surtout je voulais me désengager du milieu de la finance », raconte Mohamed Haouache.

Cultivant un certain tropisme pour l’immobilier et l’univers de la mode, l’entrepreneur en devenir est à la recherche de « la bonne idée ». Sollicité par une amie new-yorkaise, désireuse de monter une « boutique éphémère » à Paris, Mohamed Haouache, depuis New York, constate la pauvreté, pour ne pas dire le néant, de l’offre de pop-up stores dans la Ville Lumière. « A peine deux ou trois espaces qui se couraient après sur le Bon Coin », narre-t-il. L’idée de faire émerger le marché de la location éphémère d’espaces commerciaux commence à germer dans son esprit ! Il prend conseil auprès de son frère, broker en immobilier commercial, qui tente même de le dissuader de se lancer dans cette aventure. « Il m’a clairement signifié que c’était une très mauvaise idée dans la mesure où les courtes durées de location n’existaient pas dans le métier », raconte-t-il. Néanmoins, le futur entrepreneur, persévérant, estime qu’il existe une véritable demande pour ce type de proposition. « A l’époque j’étais également fasciné par Airbnb. Si quelqu’un m’avait proposé d’investir sur cette entreprise en 2010-2011, je pense que, moi aussi, j’aurais considéré qu’il s’agissait d’une idée sans lendemain ».

Le « Airbnb » des boutiques éphémères 

Une comparaison avec le mastodonte américain qui ne doit rien au hasard. Mais nous y reviendrons. Convaincu du bien-fondé de l’émergence d’un marché de location de boutiques éphémères, Mohamed Haouache, de retour à Paris, travaille d’arrache-pied pour donner corps à sa première « marketplace » dédiée à la location de pop-up stores. Après des mois de dur labeur, cette nouvelle plateforme baptisée PopUp Immo publie ses bans, avec la complicité de son associé et co-fondateur Adrien Kerbrat. La « promesse » est limpide : offrir au marché de l’immobilier commercial cette notion d’éphémère qui lui fait tant défaut et lui adjoindre ce soupçon d’agilité qui fait la différence. PopUp Immo se voit, en ce sens, comme le « Airbnb des espaces commerciaux ou des boutiques éphémères ». Mais le travail est loin d’être terminé. Bien au contraire. Il faut désormais s’échiner à convaincre un à un les propriétaires d’espaces commerciaux et les faire « adhérer » au concept. Un véritable travail d’évangélisation, à savoir, optimiser le taux de vacance d’un local commercial, identifier une marque, etc. Deux possibilités se présentent alors à PopUp Immo : demeurer un acteur franco-français ou devenir une marque internationale.

« Nous aurions pu faire grandir la plateforme en province, mais cela aurait nécessité un travail encore plus fastidieux que se déployer hors de France. Surtout que la demande n’était pas aussi présente dans les territoires », souligne Mohamed Haouache. Reprenant les ingrédients de sa recette « française », PopUp Immo ouvre trois bureaux : à Londres, Hong Kong et aux Pays-Bas. Disposant d’un ADN « 100% français » et après avoir été couvée au sein de l’incubateur parisien Numa, puis Paris&Co, PopUp Immo décide de poursuivre son internationalisation et regarde vers les Etats-Unis. Profite des accointances entre Numa et son homologue TechStars à New York, l’entreprise prend ses quartiers, en janvier 2016, à New York, s’installant au sein de cet accélérateur. Pendant deux mois, l’entrepreneur reçoit des conseils avisés alors que le leader mondial des pop-up stores, The Storefront, alors en pleine crise de croissance, commence à lorgner sur ce était le leader américain et, de facto, mondial quand PopUp Immo se cantonnait au vieux continent. Après de longues et âpres discussions, The Storefront et PopUp Immo convolent en justes noces, en septembre 2016, huit mois après que le Français a posé son pied sur le sol américain.

Etats-Unis, France, Singapour, Australie…

« The Storefront avait un modèle aux antipodes du nôtre. Ils avaient notamment réalisé de grosses levées et disposaient d’une approche extrêmement flexible en ce qui concernait la gestion de leur cash… quand nous n’en avions pas – ou très peu – et nous en usions donc avec parcimonie ». L’aventure Storefront Mohamed Haouache prend alors les rênes du « nouvel ensemble » avec toujours l’idée directrice de donner de la flexibilité au retail, nourrissant l’ambition de devenir un instrument clé dans cette approche de démocratisation de l’immobilier commercial. « Le cycle court de vente d’une marque est complètement décorrélé d’un cycle immobilier et commercial. Les deux ne se parlaient pas et les marques étaient contraintes de se conformer aux canons de l’immobilier commercial plus long et plus rigide. Alors, qu’à l’inverse, sur des formats courts – 15 jours ou 3 semaines – vous pouvez quantifier (presque) au centime près le coût de la boutique ». Les belles histoires s’enchaînent avec une croissance à 3 chiffres (entre 300 et 400% entre mi-2017 et juillet 2018) et plus de 10 000 clients répartis sur quatre continents.  Citons pêle-mêle, les Etats-Unis, la France, Singapour, l’Australie, et prochainement le Brésil, l’Allemagne ou encore la Turquie.

Dès lors, quelles sont les marques qui font aujourd’hui appel à The Storefront et à son « catalogue » riche de 15 000 espaces ? « Nous avons la chance de disposer d’une grande variété de profils, aussi bien des marques anonymes, des petits créateurs, énormément d’artistes, mais également des marques déjà établies. Nous avons notamment ouvert le 1er pop-up store de l’histoire de l’Oréal mais nous avons également travaillé avec Thierry Mugler, Hermès, PriceMinister et même avec Kanye West ou encore Dj Khaled ou plus récemment avec Truffaut, Danone et Le Bon Coin », relate le patron de The Storefront, pas encore rassasié par ces divers succès. Son carnet de commandes est plein : les réservations sont en hausse de 150 % par rapport à l’an passé à pareille époque.

« L’écosystème français est une bulle d’optimisme »

« Je n’ai pas pris une journée de repos en 2016 et une seule en 2017 et encore, c’est parce que j’étais bloqué par une tempête de neige à Miami », sourit Mohamed Haouache. S’il passe beaucoup de son temps à l’étranger pour gagner de nouvelles parts de marché, avant de rentrer dans sa ville d’adoption New York, il n’en oublie pas pour autant la « mère patrie », la France, sur laquelle il garde un regard avisé. « L’écosystème start-up en France est une véritable bulle d’optimisme et de joie dans un pays qui est fondamentalement un peu déprimé ». Nul doute que la réussite de ce « pur produit de l’école républicaine » devrait susciter bien des vocations.

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