Damien Grimont est passionné de voile : il est le vainqueur de la mini Transat 1991 en 29 jours et 4h37min, la traversée de l’Atlantique en solitaire sur un voilier de 6,5m. Il est ainsi membre d’un club très fermé de navigateurs. Ingénieur en travaux publics et organisateur d’évènement comme le Record SNSM (St Nazaire/ St Malo) il imagine en 2013 une aventure un peu particulière : une course transatlantique entre un paquebot et les meilleurs skippers au monde… Il n’écoute pas tous ceux qui le prennent pour un doux rêveur et il va au bout de son entreprise un peu folle, même si celle-ci impliquait d’affréter le Queen Mary 2 pour la modique somme de 8M€, et qu’il n’avait pas encore les entreprises membre du Club des 100 pour atteindre l’équilibre nécessaire au budget global de 15 M€… Quelques sueurs froides plus tard, c’est 180 entreprises qui sont à bord et l’évènement sera, à son arrivée à New York samedi, une successfull story à la française.
Rencontre ce matin à bord du Queen Mary 2 avec un entrepreneur pas comme les autres….
Damien qu’est-ce qu’être sur un bateau pour vous ?
Un bateau est un sas de décompression, un espace de liberté, une thérapie. Sur l’eau, on va à l’essentiel, on prend conscience des éléments vitaux et on mesure dans cette immensité bleutée la fragilité de l’Homme. C’est un autre angle de vue sur la vie, un décalage qui permet d’appréhender l’ensemble autrement.
Traverser l’Atlantique sur un mini voilier ou le Queen Mary 2, quelle est la différence ?
Il n’y a pas fondamentalement de différence. Les deux sont un huis clos. Dans le premier cas c’est un huis clos en solitaire, dans le second c’est un huis clos en équipage. Après ces quelques jours de navigation sur le Queen Mary 2, tous les passagers le ressentent déjà et chaque jour nous grandissons ensemble. (NDLR : une cinquantaine de conférences et ateliers se tiennent chaque jour sur les thèmes de la Géopolitique, de l’Environnement, de la Technologie et du Rapport à soi et aux autres)
Dans huis clos de Sartre « l’enfer, c’est les autres » …
Pour moi, « le salut, c’est les autres ». A peine quatre heures de sommeil cette nuit et déjà je pense à la suite, réfléchir à quelque chose d’utile puisque l’évènement The Bridge 2017 prendra fin à New York le 1er juillet ; mais les valeurs et les hommes qui les portent vont perdurer après le débarquement. A bord, avec le Club des 100, les intervenants, les passagers et le personnel, nous fabriquons une pile d’énergie qui va bien au-delà de cette entreprise ; nous sommes dans un huis clos de première classe.
Que représente le temps pour vous ?
Le temps c’est ce qui nous limite. Il faut le gagner et on ne sait jamais à quel moment il va s’arrêter. Dans la vie de tous les jours comme sur l’eau le temps est une course pour laquelle il faut trouver sa juste vitesse.
Qu’est-ce que l’âge pour vous ?
Il y a une phrase de Picasso qui me touche particulièrement et qui répond à cette question : « J’ai passé ma vie à essayer de dessiner comme un enfant ». L’âge n’a pas d’importance, ce sont les yeux du même enfant qui a vu un soir de Noël une boîte de Légo et quelques années plus tard le Queen Mary 2 entrer dans la passe de Saint-Nazaire. C’est toujours l’enfant qui rêve en nous. D’où l’importance de définir ses rêves et savoir quels sont les bons. Je crois que le bonheur est peut-être le rêve de faire quelque chose de bien. Inspirer si on peut, mais faire ENSEMBLE surtout ! L’émotion du départ du Queen Mary 2 de Saint-Nazaire est une émotion partagée par tous. Un million d’heures de travail collectif incarné en un instant, en un départ de course ! C’était un rêve éveillé, et plus personne n’avait d’âge. The Bridge 2017 permet de démontrer, comme je le disais, que le salut c’est les autres.
Récemment le nombre de 50 000 morts en méditerranée a été dépassé, qu’est-ce que cela vous évoque ?
La solidarité du marin. Ce qui se passe est difficile à comprendre et encore plus à accepter. Les navigateurs ne laisseraient jamais un homme à la mer, ce serait mourir avec lui que de ne pas le secourir. Le Queen Mary 2, aussi gigantesque soit-il, s’est d’ailleurs récemment dérouté pour venir au secours d’un voilier en détresse au milieu de l’océan.
Si, comme le centenaire de l’amitié Franco-Américaine célébré à bord, vous aviez 100 ans, comment le célèbreriez-vous ?
J’ai un ami qui, pour célébrer ses 60 ans, a invité sa famille et les gens qu’il aimait tout simplement, sans aucun autre critère de sélection que l’amour alors je crois que je ferais ça également si j’avais 100 ans.
Pour conclure, qu’est-ce que la réussite selon Damien Grimont ?
Je crois qu’il y a deux façons de réussir dans la vie : il y a la réussite et il y a tout faire pour réussir. Il faut savoir respecter l’échec au même titre que la réussite. Comme tout entrepreneur, je suis parfois passé très prêt de l’échec ou de la réussite sans pouvoir influer le cours des évènements. Conscient de ce fait, je respecte les deux.
Et enfin question subsidiaire : sur un tour du monde en solitaire, quels sont les trois albums de musique que vous emmenez ?
Les Pink Floyd évidemment, l’œuvre entière incluant The wall, même si je ferais tout pour éviter de le prendre de face ou de travers !(sourire). Ensuite, Kind of blue de Miles Davis et en plus contemporain je prendrais également Amy Winehouse, son album Back to black. Mais, confidence pour confidence, avant d’embarquer je glisserai discrètement mes amis Brassens, Brel et Gainsbourg à bord.
Et comme un clin d’œil du destin, le jour du débarquement à New York célèbrera également les 51 ans d’un entrepreneur heureux et qui aura les gens qu’il aime autour de lui.
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