Les enfants d’aujourd’hui exerceront un métier qui n’existe pas encore. C’est à partir de ce constat que Startup For Kids initie les jeunes à créer en attisant leur fibre entrepreneuriale. De 5 à 20 ans, ils viennent découvrir le monde du numérique en montant des projets innovants avec des startups de la tech. Un pari réussi pour Sharon Sofer, entrepreneure émérite et fondatrice d’un concept inédit 100% français.
Quand on est enfant, on apprend en s’amusant et en explorant. Puis vient le moment où l’on nous annonce que l’on va rester assis sur une chaise six heures par jour pendant les douze prochaines années, en apprenant de manière passive. Arrivés à l’âge adulte et ancrés dans le monde du travail, on réalise alors que l’on doit s’adapter à l’évolution des métiers. Les métiers évoluent massivement avec les évolutions technologiques et on change de carrières plusieurs fois dans notre vie. 65% des enfants qui entrent aujourd’hui à l’école aujourd’hui feront un métier qui n’existe pas encore. La façon d’enseigner donc doit évoluer, notamment avec les soft skills, de plus en plus valorisés. C’est un fait, la transformation digitale va bouleverser tous les métiers. Les codes du travail bougent, et ceux de l’enseignement doivent changer en conséquence. Un constat qui entre dans le viseur d’une entrepreneure, Sharon Sofer, qui créé Startup For Kids en 2015.
Construire demain en apprenant aujourd’hui
Favoriser l’accès aux nombreuses initiatives ayant pour vocation de donner aux enfants les moyens d’apprentissage, d’autonomie, de créativité, pour devenir des adultes ancrés dans l’ère du temps. Familiariser petits et grands, filles et garçons, aux nouvelles techniques, sciences et technologies au travers de plusieurs événements et projets gratuits (ateliers, sessions de programmation, hackathons, conférences…), voilà l’ambition de Startup For Kids. La startup rassemble tout au long de l’année les petits et les moins petits dans des ateliers, pour leur faire découvrir le code et la programmation. Une façon pour Sharon Sofer de « préparer les enfants au monde de demain ». Et le succès est au rendez-vous. Plongés dans la créativité, les enfants sont invités à créer des projets pour rendre le futur meilleur. Sharon Sofer a travaillé pendant une vingtaine d’années dans la tech mais à 40 ans, elle créé son premier projet en tant qu’entrepreneur, Scientibox, qui permet aux enfants de découvrir la science de manière ludique. La quadra enchaîne avec Startup For Kids, toujours en suivant cette idée du learning by doing. Rencontre avec une pépite de l’horizon entrepreneurial français.
Forbes : Comment votre parcours entrepreneurial vous a-t-il amené à la création de Startup For Kids ?
Sharon Sofer : J’ai commencé à travailler en 1997 sur des fonctions support dans des entreprises du télécom. Je travaillais essentiellement dans des startups, structures avec lesquelles j’étais beaucoup plus à l’aise parce que qu’elles laissent plus de place pour la créativité et la diversité. J’ai toujours aimé avoir plein de taches différentes et éviter la monotonie dans le travail. C’est arrivé un peu par accident. Lorsque j’ai quitté la dernière entreprise dans laquelle j’étais salariée, je n’avais pas envie d’enchaîner tout de suite avec un autre projet. On est en 2012, et je commence à faire du conseil en marketing digital. J’avais envie de monter une entreprise et en parallèle de ces missions de conseil, je cherchais une idée de projet. Au même moment, je cherchais des activités scientifiques pour mes enfants, quelque chose qui leur ouvre la pluridisciplinarité, et je ne trouvais pas ce que je voulais. J’ai donc décidé de monter un premier projet dans l’éducation qui malgré son succès, était un peu trop ambitieux pour moi à l’époque. Dans le cadre de ce projet, j’avais réalisé un premier Startup For Kids, une opération de communication qui a super bien marché. Nous avons donc recommencé l’année suivante et c’était aussi une réussite. J’ai eu le déclic. J’ai décidé de passer à temps complet sur Startup For Kids en 2015 pour pouvoir vraiment développer le concept.
Comment le concept a-t-il été reçu ?
S.S. : Le concept a été très bien reçu par les parents. Je pense c’est dû au fait que dans les milieux un minimum averti, il y avait une inquiétude quant à l’absence d’activités numériques dans les écoles. L’idée était donc de mieux préparer les enfants à ces milieux-là. Au départ, on avait vraiment une population qui venait du milieu de la tech parce que les parents faisaient eux-mêmes partie de l’écosystème de la tech. On touchait déjà beaucoup de monde, mais petit à petit, le besoin s’est quand même ressenti d’aller chercher des populations qui n’avaient pas un accès naturel à ce type d’activité. Nous avions envie en parallèle de faire rentrer l’éducation dans le projet, donc nous avons commencé à intervenir auprès des écoles publiques. Nous avons renforcé ces liens et la population qui vient chez nous est désormais très diversifiée. Nos événements prennent place typiquement à CentraleSupélec ou à l’École 42, où l’on fait venir les écoles.
Quelles activités proposez-vous aux enfants ?
S.S. : Le format Startup For Kids venait d’émerger. L’idée était de rassembler plein de projets innovants dans un but éducatif. Le point de départ, c’était d’apprendre à lire grâce au numérique. Petit à petit, on a ajouté les soft skills à l’équation, du savoir-être à la créativité sans oublier le travail d’équipe. Pour les jeunes enfants, on est restés sur des formats d’événements courts et pour les adolescents, on a créé des ateliers appelés hackathons. On a aussi développé un format autour de l’orientation parce qu’on s’est rendu compte qu’au sein de le numérique et de la tech, les jeunes ne connaissent pas la diversité des métiers. Ils ne se rendent pas compte qu’avec la tech et le numérique, on peut travailler dans n’importe quel secteur d’activité.
Avez-vous de nouveaux projets en perspective pour motiver les jeunes à s’engager dans la tech ?
S.S. : En parallèle de ces formats sédentaires, j’aime bien développer de nouveaux projets donc je présente chaque année une nouveauté. À la rentrée 2020, un nouveau format a vu le jour. On suit 25 filles sur toute une année scolaire. Celles-ci sont accompagnées de mentors et de coachs afin d’imaginer une solution pour l’égalité femme/homme. Chaque équipe dispose d’une équipe de développeurs qui les accompagneront tout au long de l’aventure. Nous sommes en train de préparer de nouveaux formats pour l’horizon 2021.
Comment les enfants réagissent-ils à ces formations ?
S.S. : Nos ateliers sont avant tout ludiques. On est vraiment sur de l’apprentissage par le plaisir, donc les enfants adorent. Je suis persuadée que mettre la main à la pâte, c’est la meilleure façon d’apprendre. Même les jeunes les plus réticents, qui ont un peu été traîné aux ateliers par leurs parents, ne veulent plus partir. On a vraiment une population très fidèle. On reçoit régulièrement des messages demandant « à quand le prochain événement ? ».
Les startups qui participent aux Startup For Kids viennent-elles de tous les horizons technologiques ?
S.S. : Ce sont des startups de la tech, du développement durable, ou encore des soft skills. On organise des jeux pour développer la bienveillance envers les autres. Ce sont des ateliers vraiment diversifiés. La typologie, c’est majoritairement des petites startups qui viennent expérimenter leur concept et le confronter en direct au public. Souvent, les startups du numérique n’ont pas l’occasion de côtoyer leurs utilisateurs et ils ont là l’opportunité de tester leur projet dans un contexte privilégié.
On peut dire qu’aujourd’hui, vous formez les enfants afin qu’ils créent leur futur métier ?
S.S. : L’idée est vraiment de montrer aux jeunes qu’il n’y a pas de fatalité. Cette vision est en réponse à un message assez anxiogène que l’on avait perçu après plusieurs rendez-vous avec des professionnels et des lycéens qui avaient cette impression de ne pas être préparés pour le futur. Nous voulions leur transmettre l’idée contraire et leur montrer qu’à travers les hackathons, ils peuvent inventer en une journée un projet complet et imaginer un métier qui n’existe pas encore. Je veux leur montrer que le monde leur est ouvert, peu importe qui ils sont ou d’où ils viennent. Il y a à cela un côté idéaliste, mais je préfère leur transmettre ce genre de message et leur donner la foi plutôt que de diffuser une image négative et de les démonter, parce qu’en fin de compte, les jeunes croient ce qu’on leur dit. Ils doivent être convaincus que c’est une opportunité et qu’ils vont pouvoir inventer leur meilleure vie.
Être entrepreneur, c’est aussi inspirer les autres à entreprendre et à créer ?
S.S. : Il est toujours compliqué de promouvoir l’entrepreneuriat parce que c’est quelque chose de compliqué. On passe des nuits blanches et on vit un stress permanent. Moi par exemple, je fais de l’événementiel. Tout allait bien et soudain, il y a eu la crise du COVID-19. C’est difficile de savoir comment régir face à ce type d’aléa. En revanche, il est essentiel d’être entrepreneur de sa vie et d’être pro-actif dans ce que l’on sait faire. Dans ses relations, en tant que salarié, dans ses activités en dehors de l’école ou du travail, il est important de ne pas se laisser porter par la vie et d’être maître de ses propres choix.
Comment voyez-vous l’avenir de Startup For Kids ?
S.S. : Honnêtement, je suis un peu anti-business plans. Je suis adepte de la théorie de l’effectuation. Mon ambition, c’est qu’il y ait un maximum de gens à l’aise dans le monde qui les entoure. Dans le volet tech et de plus en plus dans celui du développement durable, je considère que chacun doit avoir sa petite pierre à apporter à l’édifice pour une belle planète. Plus on aide les enfants et les parents à être à l’aise dans ces univers, mieux ce sera pour le monde. Peut-être que demain, on ne fera plus d’événements parce qu’il n’y aura plus de demandes, mais on fera autre chose. On s’adaptera, car l’essentiel est de conserver cet impact et cette contribution positive sur le monde.
Les jeunes d’aujourd’hui ont plus de défis qu’avant. Les bouleversements climatiques et la tech. Nés dans le digital, les enfants ont tout de même besoin d’être accompagnés dans ce domaine. L’école aujourd’hui a un défi de taille. Il faut qu’elle réussisse à engager les jeunes, les intéresser, et les faire penser par eux-mêmes. Engager les enfants, c’est le leitmotiv de Startup For Kids. Et pour ce faire, la startup les fait travailler en projet, en collaboratif et sur des sujets qui les intéressent. Une approche ludique et appropriée pour Sharon Sofer, qui croit fort en l’aptitude des enfants à apprendre, construire et inspirer à leur tour. « Les jeunes ont énormément de capacité. Ils vont apporter leur pierre à l’édifice et changer le monde ».
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