Récemment, une conférence traitant de l’open innovation, et particulièrement du traitement qui est fait de la propriété intellectuelle dans ces contextes, était organisée par l’association LES France et l’ASPI, à l’intention des professionnels du transfert de technologie. L’intérêt de cette conférence est qu’elle mettait en avant le point de vue des grands groupes, des grands laboratoires publics et des investisseurs (Venture Capitalists) sur la façon dont ils traitent avec les start-up.
Cela a donné lieu à une sorte de collision (policée) des visions. En effet, et sans surprise, ces acteurs ne partagent pas tout à fait les mêmes motivations face à une start-up ou un projet, et peinent donc à s’entendre et se comprendre !
Laboratoires : la recherche avant tout
Nous avons d’un côté les laboratoires publics dont la vocation est la recherche. Par définition, leur intérêt s’oriente vers des projets qui donnent la part belle à des problématiques de recherche, la plupart du temps appliquée. Leur motivation est plus académique (faire avancer la science et publier de belles feuilles) qu’économique (aboutir à une offre rentable et qui réponde à un besoin). Ce deuxième pan est l’apanage des porteurs de projets. A eux de ne pas le perdre de vue.
De ce fait, la principale préoccupation du laboratoire et des chercheurs sera d’être propriétaire ou copropriétaire des droits de propriété intellectuelle (PI), de trouver une voie de financement de leurs projets de recherche, de laisser le soin aux entreprises de valoriser les résultats de recherche et payer les frais de protection. D’emblée, il est aisé de comprendre les tensions qui existent quand une entreprise privée cherchent à négocier avec un laboratoire public. C’est là que l’intervention d’une tierce partie s’avère souvent utile pour servir a minima d’interprète ! Il est ici nécessaire de bien identifier les apports de chacun pour définir au plus tôt le partage des droits de PI et les conditions d’exploitation.
Grands groupes : la stratégie (et la PI) avant tout
Concernant les grands groupes, la vision est naturellement étroitement liée aux intérêts économiques et stratégiques de l’entreprise. Un grand groupe s’intéresse à une start-up seulement si elle dispose d’une technologie qui l’intéresse. Plus cette technologie l’intéressera, plus le grand groupe se positionnera rapidement sur une coopération, un co-développement, voire une prise de participation. Il est dans ce cas essentiel pour la start-up de bien identifier ses connaissances, savoir-faire et technologies propres et de veiller à la protection de ses droits de propriété intellectuelle. Plus ses droits seront solides et gênant pour les grands groupes, plus il lui sera aisé de traiter d’égal à égal, voire en position de force. Ceci est admis explicitement et publiquement par certains grands groupes ! Aux start-up d’être vigilantes sur les intentions profondes de leur interlocuteur et de bien cadrer la collaboration.
Investisseurs : la perspective du gain à court/moyen terme avant tout
Pour finir, les fonds d’investissements et capital-risqueurs font assez peu de cas de la propriété intellectuelle et de sa valeur. Leur motivation est essentiellement économique et de l’ordre du coup de poker. La subjectivité est plus présente dans les décisions, qui s’appuieront sur l’adéquation du projet de la start-up au marché (ce qui implique des effets de mode ou de bulles, indépendamment parfois de la qualité intrinsèque du projet), le niveau d’urgence à investir (si plusieurs investisseurs montrent un intérêt, l’état d’urgence est décrété), l’envie du moment, et bien sûr la qualité perçue de l’équipe fondatrice. La propriété intellectuelle est un plus appréciable, sans plus. Il y a aura bien le temps de consolider cela plus tard… Que les start-up ne s’y trompent pas, décrocher des fonds sur une base de PI peu solide peut être à double tranchant car l’essentiel de sa valeur à ce stade de sa vie repose bien sur ce qui est immatériel : sa marque, sa technologie, son positionnement, sa technologie… Encourir des risques sur ces aspects peut s’avérer douloureux au point de devoir changer de nom, de devoir payer des indemnités ou redevances de licences si une contrefaçon est détectée, etc.
Les start-up ont davantage la culture de la vitesse que de la consolidation juridique. Toutefois un juste milieu est sans doute à considérer d’autant plus si la part de technologie est prépondérante dans le projet.
Par ailleurs, il est plus aisé de valoriser financièrement des technologies protégées et bien cadrées juridiquement, en amont même des levées de fond pour limiter la dilution des parts des fondateurs. Se montrer affûté de ce point de vue face à ces capital-risqueurs peut s’avérer aussi être l’atout qui fera la différence entre votre projet et les autres.
En conclusion, la plupart des interlocuteurs qui se positionnent en alliés des start-up ne le font pas par esprit philanthropique. Laboratoires et grands groupes considèrent le plus souvent la propriété intellectuelle comme essentielle (pour eux), alors que les investisseurs beaucoup moins car ce n’est pas nécessairement dans leur culture, plus pragmatique, joueuse et financière.
Pour autant, la propriété intellectuelle est un vecteur de valeur à ne pas négliger et à bien penser pour s’en faire un levier stratégique de négociation dans toute collaboration ou dans toute levée de fonds ! Ceci est d’autant plus vrai dans les projets technologiques et digitaux. Un guide des bonnes pratiques en la matière est d’ailleurs disponible.
Alors amis entrepreneurs, affûtez votre propriété intellectuelle et valorisez-la de façon stratégique.
Références : conférence « Les stratégies de PI et l’Open Innovation », 20 juin 2017, LES France et ASPI
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