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Série d’été | Vacances, j’oublie tout ? La difficile déconnexion des entrepreneurs. Conversation estivale avec Maître Nabil Boudi, avocat pénaliste mobilisé même en congé

© Maître Nabil Boudi

Sept jours sur sept… Beaucoup d’entrepreneurs admettent leur incapacité à déconnecter. Forbes poursuit sa série d’été consacrée à ces hyperactifs jamais trop loin du bureau, même à distance ! As du barreau spécialisé en droit pénal, en droit de l’Homme et de la Presse, Maître Nabil Boudi exerce l’un de ces métiers qui vous absorbent sept jours sur sept. De sa défense, ses investigations et persévérance dépendent la liberté d’hommes et de femmes souvent vulnérables. Dès lors, comment trouver la juste balance ? Entre sens de la formule, gravité et légèreté, l’avocat parisien nous en dit plus. (3/4). 

 

Les congés d’été, est-ce une période de calme dans votre activité ou, au contraire, connaissez-vous un pic ? 

Maître Nabil Boudi : Cette période correspond à ce que les juristes appellent communément les vacances judiciaires. C’est par principe une période plus calme, seules les audiences dites « urgentes » sont maintenues et le pénal d’urgence représente une part importante de l’activité du cabinet. Par conséquent, même l’été le cabinet est sollicité et mobilisé. Les urgences sont par exemple les gardes à vue, les comparutions immédiates, les audiences devant le juge de la liberté et de la détention où un individu risque de passer par la case prison. 

Vacances, j’oublie tout ? Ou, hyperactif, je reste sur tous les fronts ? 

Hyperactif non, mais je reste sur tous les fronts malgré moi, j’aimerais pouvoir tout oublier, mais c’est matériellement et humainement impossible de décrocher complètement. Pour une raison assez évidente, les clients confrontés à la justice n’attendent pas la fin des vacances pour nous solliciter et ils ont raison de le faire. Il est très difficile pour un client d’apprécier une situation, il ne dispose pas des outils juridiques, afin de déterminer si son affaire est urgente ou si elle ne l’est pas, par conséquent, le premier reflexe du client est de contacter son avocat pour avant tout se rassurer, et c’est aussi notre rôle.  

© Maître Nabil Boudi

 

Notre cabinet est joignable 24h/24, 7 jours sur 7, notamment pour les interventions en garde à vue etc. Une déconnexion totale est impossible. Le reste de l’équipe étant en vacances, c’est moi qui assure directement les échanges avec les clients. Le cabinet a été saisi pas plus tard qu’hier, par une famille ukrainienne, dont leur fils, soldat, a été capturé par l’armée russe lors d’une offensive et transféré dans une prison en Russie ou il vient d’être condamné à la peine de 15 ans de prison par la justice. Malheureusement, la famille ignore totalement où il se trouve. Le cabinet a été mandaté afin de retrouver ses traces et éventuellement tenter de le faire rapatrier. Dans ces conditions comment déconnecter ? C’est humainement impossible.

L’avocat pénaliste vit très souvent au rythme de ses clients…

24h/24h – 365j/365 jours, beaucoup de professionnels admettent leur incapacité à déconnecter. Quel profil êtes-vous ?

Se déconnecter entièrement pour un avocat pénaliste relève de l’utopie. Profil ultra connecté, mais qui essaye d’avoir autour de sa vie professionnelle, une vie privée bien étoffée, cela permet notamment d’avoir le juste équilibre pour éviter la surcharge et se sentir bien au cabinet. Le travail c’est bien, mais je pense qu’avoir une vie sociale épanouie peut nous rendre meilleur professionnel. Si vous êtes bien dans votre vie, vous serez bien au travail, et si vous êtes efficace au travail vous obtiendrez de meilleurs résultats pour vos clients. Et c’est la principale source de motivation du cabinet, mouiller le maillot pour nos clients.

Nous venons de l’aborder : vous exercez un métier où l’humain est au cœur de votre activité et traitez d’affaires sensibles touchant à la dignité et aux Droits de l’Homme : comment arrivez-vous à gérer la pression, la charge mentale ? A l’image des médecins qui travaillent à garder du « recul » avec les situations auxquelles ils sont confrontés, quelles sont vos règles de conduite ?

Avec l’expérience, avec le temps, avec beaucoup de travail, avec les défaites. Au fil du temps, cette pression qui me tétanisait au départ est devenue mon principal carburant. Vous savez, les avocats pénalistes exercent un métier où la pression est constante, les enjeux sont colossaux où le client fait parfois l’objet d’accusations très lourdes. Qui se trouve à ses cotés, sans porter de jugement de valeur à son égard ? Son avocat. Son conseil devient son confident, son homme, sa femme de confiance, et c’est à ce moment précis que l’avocat ne doit pas trembler et résister à la pression, pourquoi ? Parce que le client a besoin d’un professionnel disposant de tous ses moyens. 

La relation client / avocat est assez particulière, car nous rencontrons « Monsieur tout le monde », et bien sûr qu’il nous arrive parfois de faire sauter ces barrières professionnelles, et de s’attacher à un client. Certaines procédures peuvent parfois durer jusqu’à 7-8 ans, donc forcément des liens peuvent se tisser.

Mais dans l’ensemble la distance professionnelle est la règle, et dans l’intérêt du client. Les rapports sont cordiaux, sans jeu de séduction ni condescendance à leurs égards.

© Maître Nabil Boudi

 

Durant la pause estivale allez-vous voir le monde ou votre jardin, en toute simplicité ?

Chez moi, la pause estivale rime systématiquement avec la mer Méditerranée, tout me lie à cette mer, mes origines, mes parents, ma naissance à Antibes dans les hauteurs de Cannes, mon enfance passée en partie à Alger, la Fac de Nice dont la vue depuis les amphis donnait directement sur la Méditerranée. Donc en toute simplicité, les moments de décompression se font entre Nice et Alger en général, et jamais loin de la mer. D’ailleurs, à l’heure où je vous parle, j’ai les yeux rivés sur elle.

Qu’est-ce que des vacances parfaites pour vous ?

Je vais vous donner le déroulement d’une journée type en vacances. Café bien serré sur la plage dès le réveil en écoutant le bruit des vagues et en lisant le journal L’Equipe, ensuite une baignade et quelques longueurs dans une eau bien fraîche si possible. Après-midi, lecture et surtout podcast. Après ce programme, retour à l’eau avec cette fois-ci une activité paddle ou autre, fin de journée très sportive avec soit un coach personnel, soit une partie de foot. Les vacances parfaites, c’est aussi retrouver ses amis d’enfance, ressasser les souvenirs, refaire le monde, en somme, des vacances en toute simplicité.

Si vous pouviez avoir la compagnie de trois personnalités célèbres – d’hier ou d’aujourd’hui – qui choisiriez-vous ? Et pourquoi ?

Première personne sans hésiter une seule seconde, Mohamed Ali, « The Greatest », déjà pour qu’il m’apprenne quelques gestes (rires). Plus sérieusement, il était si charismatique que son arrogance était une qualité, il maniait les mots comme personne, je pourrais l’écouter parler pendant des heures sans sourciller.  Alors qu’il était au sommet de la gloire en étant champion du monde poids lourd, il refusait de s’engager au Vietnam, il a préféré rester fidèle à ses convictions plutôt que le succès.  Mohamed Ali est sans aucun doute l’un des hommes du 20ème siècle. Il reste une source d’inspiration.

Vient ensuite Winston Churchill, pour son courage, alors que toute l’Europe tombait face aux Allemands, alors que l’Angleterre subissait de plus en plus de pertes humaines, et que même au sein du gouvernement britannique, on poussait pour un accord avec les Allemands, il a fait le choix du courage en préférant combattre l’ennemi. C’est d’autant plus remarquable car le choix du courage se fait dans la solitude, seul contre tous. Un peu comme l’avocat dans une salle d’audience, il est très souvent seul contre tous.  Tout comme Ali, Churchill était un grand orateur. Des vacances avec Churchill pour parler Histoire de la seconde guerre mondiale et s’entrainer à l’art oratoire.

Enfin, je citerai Zinedine Zidane, le rêve absolu serait de passer des vacances à faire du sport avec Zidane ! Passer du temps avec Zidane pour qu’il m’explique comment c’est possible d’être si modeste alors qu’on est le meilleur.  Qu’il m’explique comment il a géré la pression lors de son penalty en finale de coupe du monde, en réalisant un geste improbable.  Qu’il m’explique comment c’est possible de faire une carrière qui dure 15 ans en étant toujours au sommet.

Vos actualités pour la rentrée ?

Retrouver les salles d’audience pour ferrailler avec les procureurs de la République, mon sport préféré.

 

 

 

Pour aller plus loin :  

Maître Nabil Boudi

www.nabil-boudi-avocat.fr

36 rue Etienne Marcel

75002 Paris

Tél : +33 (0)1 85 53 09 31

 

 

 

  

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