Rencontre avec Romain Afflelou, le fils du célèbre Alain, mais qui a su se faire un prénom. A 37 ans, il gère une partie des actifs du family office familial, ses propres investissements : d’abord le digital, mais pas que…
Vous avez été entrepreneur, puis vous êtes entré chez Afflelou pour développer le digital. Comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser à l’investissement ?
En 2010, il fallait absolument digitaliser le réseau Afflelou, à la fois au niveau industriel, pour que les magasins puissent passer des commandes via un site B to B, et au niveau commercial et marketing, pour créer une e-boutique. En 2015, tout fonctionnait : en juin, le site était lancé et proposait un système d’essayage virtuel unique Sur les réseaux sociaux, nous avions fédéré une communauté de plus de 100 000 fans. Nous avions aussi lancé un chat en ligne pour le service-clientèle, qui a été récompensé pour son excellence… Par conséquent, j’ai eu envie de me projeter dans de nouveaux projets.
Mais vous auriez pu choisir une autre voie…
Oui, mais un jour, mon ami Scott Birnbaum du fond redseaventures.com qui a un fond spécialisé dans l’amorçage, investissement spécialisé early stage m’a expliqué ce qu’il faisait, comment il investissait, comment il travaillait. Or, justement, moi, je n’avais pas envie de lancer une nouvelle boîte. Je l’ai déjà fait : il faut 12 à 18 mois avant que cela ne prenne forme, il faut lever des fonds et faire certains sacrifices notamment sur la partie salariale … Je préférais participer à une aventure déjà mise en route, et aider à concrétiser des projets – principalement avec de l’argent, bien sûr, mais aussi grâce à ma connaissance du digital, de la communication, de l’entreprenariat, de l’entreprise, du sourcing… Je me suis rendu compte que j’avais un réseau assez large d’entrepreneurs autour de moi, tous des copains, mais que je n’avais jamais exploité : je n’avais jamais envisagé de faire du business avec eux. De fil en aiguille, j’ai commencé à regarder autour de moi, j’ai vu que beaucoup de gens cherchaient des fonds et des investisseurs concernés et actifs, présents au quotidien auprès d’eux. Et puis un ami m’a proposé un projet. Je n’ai pas investi dedans… et le projet a explosé quelques semaines après ! Il s’agit de Clément Benoit, co-fondateur de resto IN et qui a lancé Stuart (un réseau de livraison en ville, ndlr).
Comment sélectionnez-vous vos investissements ?
Quand j’ai le sentiment que je peux apporter quelque chose. Les entrepreneurs ont parfois la tête dans le guidon et ne voient que leur projet, ne pensent qu’à ça, ne parlent que de ça. Moi, J’essaie d’avoir un œil neuf et critique sans complexe et tout à faire transparent auprès des entrepreneurs que je rencontre, je peux les aider à prendre un peu de recul, et cela permet de trouver d’autres solutions, des alternatives, de penser à d’autres directions si nécessaire…
A combien s’élève votre ticket moyen ?
50 000 Euros généralement, mais cela peut être plus élevé si le projet est dans l’optique ou le retail.
Vous vivez à Londres, mais vous êtes parisien d’origine et vous venez souvent en France. Comment considérez-vous l’écosystème des start-up françaises ?
La France est dotée de supers jeunes entrepreneurs comme Maxime Legardez fondateur de Convargo , Ludovic Huraux de Shapr ou Elsa Hermal co fondatrice de la startup Epicery qui peuvent devenir les pépites françaises de demain. Et je suis tous les jours bluffés par le talent de nos entrepreneurs français, tant par la qualité des dossiers que par la créativité de ces startuppers.
Je suis agréablement surpris de voir à quel point l’Etat accompagne les start-up et les entrepreneurs. Ce n’est pas facile de lancer sa boîte, mais je vois comment la BPI apporte son soutien, à quel point le climat est à la confiance. Les entrepreneurs sont aidés, épaulés, et il y a de plus en plus de gens qui se lancent. Parallèlement, de plus en plus de gens investissent. Bien sûr, il y a beaucoup moins de Business angels qu’à Londres ou qu’à New York, mais c’est en train de se développer et c’est super. Il y a des pépinières partout dans Paris ! Je vois des jeunes et des moins jeunes qui prennent des risques, arrêtent une activité à 40 ou 45 ans et montent leur boîte. Ils sont à l’aise, maîtrisent leur sujet, veulent séduire, veulent vendre, et ils n’ont pas peur. C’est récent, et très positif.
Quelles mesures pourraient améliorer la vie des entrepreneurs ?
Il faudrait pouvoir les rassurer sur le long terme. Le seul problème, c’est que la France, c’est un super tremplin, mais ensuite, au bout de quelques années, les entrepreneurs veulent vendre vendent ou se délocalisent et rêve de partir surtout dans la tech.. Je pense que cela va changer sous l’impulsion de gens comme Xavier Niel (qui va lancer Station F en avril, le plus gros incubateur d’Europe), Jean David Blanc ou Jacques Antoine Granjon (Vente privée) et que la mentalité est même déjà en train de changer. Les startuppers français semblent vouloir rester ici faire carrière et n’ont plus forcément envie de s’expatrier. Continuer l’aventure à l’étranger.
Comment en êtes-vous arrivé à diriger le family office Afflelou ?
Pendant deux ans, j’ai investi à titre personnel. Un jour, j’ai parlé d’un projet à mon père : il s’agissait d’une société de location de scooters électriques. L’appli était d’une simplicité biblique, les scooters géo localisés et connectés… Mon père a trouvé ça génial, écolo, bien pensé, et a voulu investir aussi. Ensuite, je lui ai proposé un autre projet, en Israël, dans le médical : il a compris le concept, l’enjeu, et a accepté de me suivre encore une fois. Comme lui, il n’a évidemment pas du tout le temps de s’occuper de cela mais que le dynamisme entrepreneurial l’intéresse toujours, il m’a demandé de m’en charger.
Pour l’instant, où avez-vous investi ?
Nous soutenons une dizaine de start-up :
CityScoot, les scooters électrique, Convargo, le Uber du fret, Cosmo Connected (un feu stop connecté à l’arrière des casques pour les motards et les cyclistes, qui s’allume en cas de freinage et est bien plus visible que le feu arrière pour les véhicules environnants), Molotov (ndlr crée par Jean David Blanc fondateur d’Allo Ciné et l’un des plus grands business Angel français français Pierre Lescure ancien président de Canal Plus), Shapr (dont nous avons parlé ici), QUIQUP (appli qui propose un service de livraison du dernier km btob/btoc), KlassRoom (le carnet de liaison digital, en test dans une centaine d’écoles en France et à New York), Nucleus Life (un intercom privé pour les grandes maisons, développé avec Alexa d’Amazon et vendu par BestBuy aux Etats-Unis), ZipDrug (une application qui permet de scanner son ordonnance aux Etats-Unis et permet d’être livré de ses médicaments chez soi), MultiWave (matériaux innovants dans le secteur médical, optique ou tag RFID), Epicery (un service de livraison pour les magasins de quartier en moins d’une heure)
Mon dernier investissement, est Spendesk, qui propose une solution pour fournir aux équipes d’une entreprise des cartes bleues digitales temporaires avec des montants limités, qui servent aux notes de frais.
Lesquels vont réussir le plus vite, à votre avis ?
Celui qui va bientôt exploser, c’est Cosmo Connected. On va commercialiser ce feu stop connecté qui prévient les secours et les proches en cas d’accident en moins de 5 minutes, Kickstarter prévu en avril et premières livraisons au mois de juin prochain. Le Code Rousseau va le vendre dans le réseau moto école de France et en a commandé 15 000 pièces en prévente, et nous allons être distribués par MotoBlouz, le site marchand que tous les motards connaissent et dans plus de 50 distributeurs à travers le monde, dans les réseaux Moto, Sport ou encore IOT (objets connectés)
Quels sont les écueils à éviter ?
On ne peut pas investir pour faire plaisir à quelqu’un. Même si c’est quelqu’un que vous connaissez, et que vous aimez beaucoup, il faut réfléchir en investir, et prévenir que vous allez vous impliquer d’une manière ou d’une autre.
L’avenir, pour vous, c’est quoi ?
J’ai l’impression d’avoir trouvé ma vocation. Je suis très à l’aise, j’ai des relations chaleureuses avec les entrepreneurs, je m’investis autant que j’investis. Je travaille avec mon père, qui vit à Londres lui aussi, au quotidien, et c’est vraiment très intéressant. Je n’ai pas à me plaindre !
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