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Pourquoi La France Est Si Innovante

Alors que le Consumer Electronics Show (CES) ouvre ses portes dans quelques jours, la France sera plus que jamais sous le feu des projecteurs, en tant que la deuxième nation la plus représentée en nombre de start-ups et ce, pour la troisième année consécutive. Au-delà de ce symbole fort, il existe toute une série d’indicateurs et de signaux qui montrent que la France est devenue l’une des nations les plus innovantes au monde.

 

Lorsque John Chambers, le CEO de Cisco, l’une des plus belles réussites Tech de ces dernières décennies, annonce en février 2015 que son entreprise va investir plus de 100 millions de dollars en France, la surprise est grande des deux côtés de l’Atlantique. Aux Etats-Unis, la France est considérée comme une nation de la « Vieille Europe », qui a sans doute connu ses heures de gloire il y a bien longtemps ; en France, la nostalgie des « jours heureux » et la crainte de la mondialisation ne laissent pas beaucoup de place à l’optimisme. Lorsque le même John Chambers double la mise huit mois plus tard, en octobre 2015, pour porter l’investissement de Cisco à plus de 200 millions de dollars, tout en inaugurant un nouveau centre de recherche et développement à Issy-les-Moulineaux, près de Paris, la mentalité a déjà changé. En l’espace de quelques mois, entre février et octobre 2015, lorsqu’on parle de la France, ce n’est plus pour évoquer ses marques de luxe ou ses chefs étoilés, mais bien pour vanter son innovation et son goût de la créativité. Et pourtant, même si le « French-bashing » est loin de ses sommets de 2003, la France n’est pas complètement considérée comme une nation ni d’innovation, ni d’entrepreneurs, au point que certains pensent qu’il est important de rappeler que « entrepreneur est un mot français ». Mais qu’est-ce qui explique vraiment l’innovation ? Comment s’exprime-t-elle en France ? Et a-t-elle évolué ces dernières années ?

 

Une tradition d’ingénieurs et d’inventeurs

Sans rentrer dans des considérations historiques qui risquent de sembler bien désuètes au XXIe siècle, force est de constater que tous les indicateurs modernes placent la France en tête des nations les plus innovantes.

En effet, on le voit bien avec le nombre de médailles Fields et de Prix Nobel : 13 médailles Fields au dernier recensement de 2014, quand les Etats-Unis n’en ont reçu qu’une de plus et que l’Angleterre n’en a reçu que 6 ou l’Allemagne une seule. L’Allemagne, à qui justement la France est souvent comparée, et pas favorablement, ne produit « que » 95 000 ingénieurs par an (en 2014) alors que la France en produit plus de 104 000. Depuis 1998, la France forme plus d’ingénieurs que l’Allemagne, passant de 46 000 ingénieurs par an (quand l’Allemagne en produisait 43 000) au plus de 100 000 aujourd’hui. Autre signe fort : la France est aussi la quatrième nation au niveau des Prix Nobel, avec 61 Prix reçus à ce jour.

 

Le Renard de la French Tech d’Angers

 

Enfin, s’il y a bien un indicateur complètement objectif qui permet de mesurer l’innovation, c’est le nombre brevets déposés par an. La France  en a déposé plus de 7 000 en 2015, soit deux fois plus qu’Israël, considérée comme la « start-up nation ». Certes, par habitant, le ratio n’est pas favorable à la France, mais par comparaison l’Espagne n’en a déposé que 912 sur la même période, et l’Italie à peine 3 000. L’Allemagne est devant, avec plus de 17 000 déposés en 2015, ce qui montre que ce n’est peut-être pas sur l’apprentissage que l’Allemagne est loin devant la France, mais sur sa capacité à formaliser et protéger de manière légale ses inventions et sa propriété intellectuelle.

Au-delà des chiffres, la créativité s’exprime aussi aux Gobelins, cette école d’art graphique qui créé des artistes recherchés dans le monde entier afin de créer des héros de dessins animés regardés et admirés par toutes les cultures, mais aussi un centre culturel tel qu’Angoulême où le Neuvième Art trouve toute sa cohérence et montre que la France n’innove pas que dans des matières « dures », où les ingénieurs sont recherchés, mais aussi dans des matières plus « soft » où l’art et la créativité sont la mesure de l’innovation. D’ailleurs, les derniers chefs d’œuvre des Studios Illumination sont plus français qu’américains, grâce à Pierre Coffin, le créateur (et la voix !) des Minions, ces personnages aussi hauts en couleur que les Triplettes de Belleville, un autre chef d’œuvre français reconnu dans le monde entier pour son style unique et sa créativité sans limite.

Certes, ces statistiques et ces listes permettent une comparaison objective, mais elles ne disent pas tout ; il y a aussi les innovations autour des nouvelles technologies.

 

Une présence mondiale accrue, une reconnaissance des pairs.

Le CES qui ouvre ses portes début janvier va confirmer aux yeux du monde que les classements de ces dernières années, et surtout la couverture médiatique, n’étaient pas le fruit du hasard. En effet, le mouvement French Tech créé pour accompagner et donner de la visibilité aux start-up françaises de par le monde, ainsi que les différentes structures créées par BusinessFrance ou Angers, par exemple, ne sont pas des créations temporaires, mais au contraire montrent bien que l’ADN de la France est en train d’intégrer l’innovation dans tous ses gènes.

Ainsi, la Cité de l’Objet Connecté à Angers, créée voici deux ans et lancée officiellement fin 2015, permet aujourd’hui de construire non seulement des prototypes fonctionnels mais aussi de produire à la chaîne plusieurs milliers d’unités, ce qui est unique au monde. Gary Shapiro, président & CEO du Consumer Technology Association, ne s’y est pas trompé et a visité plusieurs fois ce centre de l’IOT.

Le CES 2017 va donc accueillir plus de 250 start-up françaises cette année. Parmi celles-ci, BusinessFrance en accompagne 28 au lieu de 22 en 2016. Nos collègues de Forbes aux Etats-Unis avaient même parlé de « l’invasion française au CES 2016 », et ce dans le bon sens. Avec Vivatech comme première édition en 2016 et sa couverture mondiale, la France confirme sa place comme le centre européen de l’innovation.

Le travail réalisé par les banquiers de BPIFrance montre aussi que la France est devenu l’une des références majeures en termes de Capital Risque : non seulement les start-up françaises sont des cibles privilégiées pour les investisseurs du monde entier, mais les réussites récentes de BPIFrance attirent maintenant les Venture Capital américaines qui recherchent à co-investir avec la banque française afin de bénéficier de ses analyses et choix pertinents.

Des valorisations réduites qui ont poussé les entrepreneurs à créer un nouveau capitalisme et à se dépasser

Jusqu’au troisième trimestre 2016, la France était le deuxième pays en Europe en termes d’investissements technologiques (selon tech.eu). Le dernier trimestre 2016 va peut-être être le théâtre d’un bouleversement historique, avec la France passant devant l’Angleterre pour devenir la première nation en Europe en termes d’investissement, pour la première fois depuis que ce classement existe.

Et même si cette prédiction ne se réalise pas, la France est déjà en première place depuis deux trimestres en nombre de transactions. Malgré ce hit-parade, les valorisations des start-up françaises restent bien en-deçà de celles des sociétés anglaises ou américaines.  

Les entrepreneurs français, ayant un marché intérieur bien plus petit que le marché américain, et un accès aux capitaux plus compliqué, ont dû se contenter de valorisations largement plus faibles que les start-up américaines ou anglaises. Pendant plusieurs années, Londres, New-York ou San Francisco concentraient tous les investissements. Les proxies pour valoriser une entreprise étant le nombre de clients existants ou potentiels, les entreprises françaises ne pouvaient pas rivaliser ; mais dès que l’on commence à utiliser comme proxy le nombre d’ingénieurs ou de développeurs, ou le nombre de brevets, c’est là où justement les entreprises françaises prennent toute leur valeur. Ainsi, quelques licornes françaises ont déjà réussi à apparaitre, telles que Criteo, Sigfox, ou BlaBlaCar. Et tout laisse croire que si 2016 est l’année où la France dépasse l’Angleterre pour devenir le premier pays en Europe, et le deuxième pays dans le monde juste derrière les Etats-Unis, en termes d’investissements technologiques, le nombre de licornes peut se démultiplier.

 

Pour ne pas prendre que les critères financiers, un autre critère d’innovation est de ne jamais se contenter de l’existant. De constamment proposer quelque chose de nouveau. Et même si aujourd’hui la Californie est considérée comme le centre mondial de l’innovation, rien n’empêche les start-up françaises de ne pas se laisser décourager. Ainsi, au-delà des innovations technologiques, il y a aussi les innovations en termes de comportement d’achat ou de consommation, justement sans achat. Dans un article précédent, je me faisais déjà le chantre chauvin de la France. Il est cependant important de mettre en avant une narrative positive sur notre pays, surtout lorsque celle-ci découle de nouveaux modèles économiques complètement originaux. Les entrepreneurs français, devant rivaliser d’ingénuité et de prouesses technologiques avec leurs concurrents anglo-saxons, ont su identifier la tendance de fond qui apparaissait en France et en Europe autour des besoins de connexion plus forts que le simple « check in » : la recherche du lien social et pas du capitalisme à outrance. En plein cœur de l’économie collaborative et de la gig economy, ces derniers mois ont vu se multiplier les modèles « d’experts à la demande, portés par La Crème de la Crème  ou Side (ex-WeSlash), qui seront peut-être les futures licornes françaises, tant ces entreprises inspirent les jeunes diplômés à ignorer le CDI classique pour préférer l’expertise en freelance. Ce sont ces derniers éléments, qui en plus du nombre d’ingénieurs et des réussites françaises dans l’économie collaborative, qui vont porter la France aux nues de l’innovation et des classements.  

La narrative française a bien changé ces dernières années. Loin des moqueries et du pessimisme à outrance, la France est devenue une terre d’accueil des investisseurs tech, mais aussi un terreau fertile à l’innovation et aux réussites entrepreneuriales, qui crée un cercle vertueux et entraine dans son sillon les étudiants (commerce et ingénieurs) qui ne rêvent que de rejoindre demain les rangs des plus grandes réussites d’aujourd’hui, voire de créer leur propre disruption, afin de faire mieux que leurs ainés. Et c’est bien cela, le meilleur symbole de l’innovation.

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