A l’aune de la présentation du projet de loi PACTE portée par Bruno Lemaire, la raison d’être de l’entreprise dans notre société est questionnée. Le récent rapport de la mission « Entreprise et intérêt général » conduite par le président de Michelin, Jean-Dominique Sénard, et par la présidente de l’agence de notation extra-financière Vigeo-Eiris, Nicole Notat, vient alimenter la réflexion qui doit infusée dans l’opinion publique.
Le défi consiste à passer de l’entreprise qui existe « en soi » à une entreprise qui vit « pour soi », c’est-à-dire prenant conscience de ce qui l’entoure : les parties prenantes, l’environnement, les rapports sociaux, etc. Pour cela, il convient de réconcilier la vision économique de l’entreprise avec la définition juridique de société. Et ainsi soutenir une rentabilité inclusive, ouverte et durable des entreprises.
Le droit ne reconnaîtrait pas l’entreprise
Aussi étrange que cela puisse paraître. La France, pays de la libre entreprise, ne reconnait pas dans son corpus juridique l’entreprise en tant qu’entité économique qui produit de la valeur mais davantage la société régie contractuellement par des associés. Le code civil par son article 1832 dispose que « la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ». Et à l’article 1833 d’ajouter : « Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés ».
Or, l’entreprise est l’affaire de tous, notamment par ce qu’elle est à l’origine d’impacts externes positifs ou négatifs sur son environnement au sens large, des externalités. Qui plus est l’entreprise est un concept dynamique et protéiforme à considérer davantage comme un « bien commun » à préserver.
La société anonyme n’a pas toujours existé mais est le fruit de la révolution industrielle au XIXème siècle et d’un besoin de financement du progrès technique par l’apport de capitaux massifs. L’entreprise ne peut donc se résumer aux simples sociétés anonymes, il existe également des formes alternatives comme les coopératives où la gouvernance est démocratique ou encore l’auto-entreprise. Ainsi, l’entreprise reflète des choix : le choix de s’associer ou non, le choix de ses activités, le choix de sa responsabilité et de son impact. Les entreprises sont bien plus libres qu’on ne le pense de définir leur raison d’être et de s’organiser. Un passage par le monde des start-up permet sans doute d’illustrer les mutations économiques à l’œuvre pour redéfinir l’entreprise.
Les start-up, des entreprises nouvelles sources d’inspiration ?
Bien que les start-up soient souvent perçues comme la face noire du capitalisme moderne, elles peuvent également être sources d’inspiration pour penser le monde de demain. Les entreprises nouvellement créées révèlent des singularités innovantes, surfant sur les dynamiques sociétales à l’œuvre et portant des ambitions et visions fortes. Les start-up vivent entièrement « pour » elles-mêmes au sens hégélien.
Quelles sont ces dynamiques « start-up » qui redessine l’entreprise ?
Les outils d’intéressement aux salariés comme les attributions d’actions gratuites (AGA), les bons de souscription d’actions (BSA) ou encore les bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE) se démocratisent, ouvrant la porte à un certaine forme de codétermination entre fondateurs, salariés et actionnaires.
Le financement des start-up se diversifie avec l’accès à des financements participatifs offrant la possibilité à un plus grand nombre de personnes privées d’investir directement dans les entreprises innovantes et non plus seulement des investisseurs institutionnels ou professionnels. Par exemple, le financement participatif en royalties est une source de financement non dilutif qui permet de regrouper une communauté de financeurs qui partagent une partie du fruit des recettes futures.
L’entrepreneuriat social, selon le Baromètre de l’Entrepreneuriat Social, attire de plus en plus de jeunes. Un entrepreneuriat à impact se diffuse, permettant une hybridation entre l’économie dite capitaliste et l’économie sociale. Il s’agit par exemple de start-up qui s’attaquent à la lutte contre le gaspillage alimentaire, au recyclage du plastique, à l’insertion des personnes en difficultés via les conciergeries de quartier, etc. Ces start-up n’ont donc pas seulement qu’une mission économique.
Il n’y a donc pas une seule voie pour nos entreprises, ne subissons pas les soubresauts du monde. Au contraire, la transformation juridique, économique, numérique, environnementale et sociale de nos entreprises est une chance. Il reflète le choix d’un capitalisme ouvert sur le monde et source d’une création de valeur durable. En somme, une rentabilité heureuse. Osons personnifier l’entreprise !
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